L’auteur Robert Bernier l’affirme sans ambages: «L’art de Pierre Ayot n’a rien de revendicateur, l’artiste préférant se tenir loin des questions sociales et politiques».1 L’œuvre de Pierre Ayot (1943-1995), l’un des plus illustres représentants du courant pop-art au Québec est, à ce titre, ludique, éclatée, ancrée dans les objets du quotidien. «Rien de revendicateur» – voilà le jugement souvent apposé au pop-art, qui propose «une beauté certaine, mais triviale».2
Pierre Ayot, Ma mère revenant de son shopping, 1967, Sérigraphie, 92,0 × 74,4 cm © Succession Pierre Ayot/SODART (Montréal) 2007, Collection du Musée d'art de Joliette
Pourtant, l’œuvre de Ayot – comme celles de la plupart des artistes pop-art – me semble tout sauf triviale et non revendicatrice. Au-delà des clichés habituels sur ce courant, le pop-art offre bien plus qu’une représentation picturale des objets du quotidien, une récupération du marketing ou une esthétisation de la société de consommation.
Il s’ancre dans la culture historique d’une époque. Le « toaster » de Ayot (T'as encore laissé brûler mes toasts, 1969) ou ses distributrices de gommes à mâcher (... et boule de gomme, 1972) ou sa pin-up au sac d’épicerie Steinberg (Ma mère revenant de son shopping, 1967) sont datés et s’inscrivent dans une réalité socio-historique bien précise. Elles ont un sens. Elles sont populaires.
Or, quel est le sens actuel, plus de 45 ans après, de Ma mère revenant de son shopping? Particulièrement pour quelqu’un n’ayant pas vécu cette époque? Laissons de côté l’expérience esthétique pure que peut procurer cette œuvre. Laissons aussi de côté ce qu’elle nous enseigne de la société de consommation de la fin des années 1960. Quel sens s’en dégage-t-il en 2013?