Sky Living
Trop manger et trop boire quand on a un début de rhume, c’est la meilleure façon de mal dormir. Ou dans mon cas de ne pas dormir du tout. Je suis d’une humeur massacrante, alors que j’arrive à peine à respirer et que le fond de ma gorge me fait penser à l’enfer, brûlant et malsain.
vue du balcon, 41e étage
Nous sortons de notre « guest suite » pour intégrer le condo que nous occuperons pour le reste de notre séjour. Il est situé au 41e étage d’une tour interminable. Alors que ma coloc discute avec le propriétaire sur le balcon, mes jambes deviennent molles, juste à les regarder. Notre hôte nous explique que nous pourrons voir les avions passer en dessous de nous. J’en verrai un plus tard, c’est assez impressionnant. Je demeure fasciné par le développement architectural du centre-ville. Toutes ces tours à condo et autres gratte-ciels me donnent le vertige, même vus du niveau de la rue.
centre-ville de Toronto
En consultant mes courriels, j’apprends que deux bénévoles sur quatre ne pourront se joindre à moi aujourd’hui. Sarah me retrouve près de l’escalier roulant comme prévu et nous entamons la première journée publique de la foire. À notre table promotionnelle, nous rencontrons plusieurs enthousiastes, ça me remonte le moral. Au lieu d’aller me promener comme j’en ai l’habitude lorsque nous employons des bénévoles, je reste à la table et accroche les passants qui semblent intéressés avec notre hameçon infaillible : « we’re giving away free issues of the magazine today ». Ça marche plutôt bien. C’est la façon que nous avons trouvé pour mieux faire connaître le magazine à Toronto, à l’occasion de la foire. Et ça marche. Au cours de la journée, nous vendons même quelques abonnements, entre autres deux artistes basés à Vancouver.
Cette année, les organisateurs de la TIAF ont fait venir un énorme camion de bouffe de rue. Plusieurs galeristes et touristes en tout genre se promènent avec du mac & cheese. Bien qu’il semble délicieux, je ne crois pas que c’est une bonne idée, vu ma condition d’enrhumé. J’irai plutôt me chercher à manger de l’autre côté de la rue. Il y a un viet-thai vraiment bon et j’y retourne religieusement chaque année. J’y croise Pascal Caputo. On parle de la plainte retenue par le Conseil de Presse contre le journal Voir. Ça et du manque de rituels de passage dans notre société moderne, pour les jeunes hommes notamment. La blonde de Caputo est bien grano et il me recommande de me procurer de la teinture d’échinacée au magasin d’aliment naturel juste à côté.
De retour à mon kiosque, alors que notre bénévole est en balade et visite la foire, Émilie de Trois Points passe me voir. Elle me dit que la discussion (AGAC talk) qu’elle modérait s’est bien déroulée, les panélistes étaient dynamiques et ont bien interagit entre eux. Ils ont aussi reçu de bonnes questions du public.
Nous revenons sur le point chaud de mon reportage : l’absence de plusieurs galeries de l’AGAC cette année. Elle me fait remarqué que ce ne sont pas seulement les galeries membres, mais plusieurs autres habitués qui ne sont pas là. Roger Bellemare, Art45, etc. Plusieurs galeries de Toronto aussi qui se sont désistées ces dernières années. Elle m’explique qu’il ne s’agit pas exactement d’un désaveu de la foire ; les galeries doivent faire des choix d’affaires, ce n’est pas aussi simple que de dire c’est bon ou ce n’est pas bon. Il y a beaucoup de facteurs en jeu.
Les galeristes vivent des bouleversements, ils font face à des changements radicaux comme l’internationalisation du marché de l’art. Avec internet, les courriels et nos modes de communication toujours plus efficaces, la donne change. Il n’y a pas si longtemps, on envoyait des dossiers d’artiste par la poste avec des diapositives et une enveloppe de retour pré-affranchie. Ça pouvait prendre un an avant de ravoir le dossier.
Émilie me cite l’exemple de Jessica Bradley qui demande l’exclusivité mondiale. Plusieurs de ses artistes québécois l’ont quittée suite à cette exigence. Les choses changent dans le milieu de l’art contemporain et les galeristes se retrouvent dans une période d’adaptation qui n’est pas toujours facile à vivre.
Deuxième quart de travail. J’accueille une deuxième bénévole un peu affolée. Elle s’est démenée tant bien que mal pour arriver à l’heure. Aussi, elle croyait qu’il s’agissait d’une période de deux heures et a fait des plans avec sa famille pour le souper. Je lui demande si elle peut rester jusqu’à 19h00. Deal.
De retour à la table promotionnelle, il y a moins de trafic qu’au matin. Certains galeristes qui passent par là se demandent s’il y a effectivement moins de monde que les années précédentes. Je me souviens alors que nous nous demandons toujours cette question, à chaque année. Le kiosque le plus près de la section média est celui de la Galerie Nicolas Robert. Son copain et partenaire d’affaires discute avec moi du modèle torontois vs. montréalais. Il juge que nous ne sommes pas assez audacieux, que nous attendons trop de la « volonté politique » et que nous pourrions faire avancer les choses pour Montréal si seulement on s’y mettait et passions en mode collaboratif.
On parle du complexe de petitesse des québécois en général, du fait que nos grands-parents étaient pauvres et que la richesse appartenaient aux anglo-saxons. Je pense effectivement que nous vivons toujours sous un mode de complexe de compensation et plutôt matérialiste. Comme nous avons collectivement un manque à gagner, nous sommes devenus très individualistes, c’est chacun pour soi. Malheureusement, cette envie de réussite individuelle ne mène pas à de grands projets de société. Nicolas dit à la blague que les montréalais devraient tous venir passer une semaine ici pour voir ce qui peut se faire (le copain de Nicolas se nomme aussi Nicolas). Certains de mes amis argumenteront qu’ils choisiraient d’être moins ambitieux, de garder l’envergure des buildings tel quel par exemple ; qu’à Toronto, c’est monstrueux et inhumain.
Je passe au kiosque d’Hugues et fait la rencontre de Trevor Gould dont j’apprécie beaucoup le travail. Il me parle de sa prochaine expo en mars. Un arbre à l’envers avec des boîtes de plexi de couleurs … Il fait référence à l’arbre de la connaissance, de questions sur nos conceptions du progrès. Je lui parle de ma passion pour les théories de la couleur, des correspondances aux chakras, etc.
La journée à la foire se termine et je vais chercher mes amis de la Galerie D’Este. Nous allons manger dans un restaurant italien qui sert une pizza divine. Ma coloc nous rejoint et me lance un petit flacon de médicaments pour le rhume et la grippe. J’attends patiemment la nourriture pour en avaler un cachet et ça me réveille assez rapidement ! Après le repas on passe de l’autre côté de la rue pour prendre un verre, chez Squirly's. Éloi Desjardins qui arrive en ville nous rejoint. La bière est bonne. Je limite ma consommation puisque malade et médicamenté ! Nous rentrons tous à une heure raisonnable.