« LE GRAND NORD »
15 nov au 16 déc | Nov 15 to Dec 16
vernissage 16 nov 17h00 | Nov 16 ~ 5:00PM
lacastiglione.ca
YOANIS MENGE
« AQIARUK »
©Yoanis Menge, Projet Aqiaruk, 2016, 1/4, 24 x 36 pouces
De 2012 à 2016 Yoanis Menge a photographié la chasse aux phoques aux Îles-de-la Madeleine, à Terre-Neuve et au Nunavut. Afin d'accompagner les chasseurs et mener à bien ce projet (HAKAPIK), il devient lui-même chasseur. Les campagnes menées à l’encontre de la chasse et les interdictions d’importation de produits du phoque par le Conseil de l’Europe suscitèrent dans le monde une frilosité que les exemptions législatives, sensées profiter aux Inuits, n’arrivèrent pas à endiguer. Ce rejet des produits de la chasse entraîna en particulier une baisse des prix des peaux et de la viande de phoque. L’artiste, touché par cette réalité, s’est intéressé aux conséquences sociales et économiques de ces évènements sur lesquels les chasseurs n’eurent aucune prise, leur avis n’étant pas pris en compte.
GUY LAVIGUEUR
« UNPROTECTED »
©Guy Lavigueur, Projet Unprotected, Cryosol No37, 2015/17, 1/10, 15 x 15 pouces
C’est à l’été 2015, lors d’une résidence d’artiste avec le Programme d’art des Forces canadiennes que Guy Lavigueur est parti capturer les immensités des territoires canadiens au nord du cercle article, à la lisière de la taïga et de la toundra. Un projet qui s’inscrit dans la filiation du passé de son père, où ce dernier, en tant qu’aviateur, fut appelé à transporter par avion des milliers de tonnes de matériaux pour la construction de la DEW LINE, une ligne de protection radar qui s’étend de l’Alaska au Groenland, pendant les années de la guerre froide. L’artiste nous montre ainsi la magnitude d’un territoire fragile autant que convoité.
Les œuvres photographiques de Guy Lavigueur et de Yoanis Menge répondent à une nécessité des grands centres urbains du sud du Canada de comprendre les enjeux et les tensions du Grand Nord. À travers son projet photographique aérien Unprotected, Guy Lavigueur se focalise sur les paysages des Territoires du Nord-Ouest et les impacts environnementaux. Avec son projet Aqiaruk, le photographe Yoanis Menge se concentre sur l’individu et les réalités sociales chez les Inuits.
Si le Grand Nord se modifie, à l’instar de ce qui se passe à l’échelle planétaire, il est également l’un des théâtres où la précarisation, qu’elle soit humaine ou climatique se vérifie le plus aisément. Sans tomber dans le moralisme le plus consensuel, la photographie est l’un des médias permettant de rendre compte de ces changements avec le plus d’exactitude. Avec l’accroissement prévu des changements climatiques, il n’est pas impossible que le reste du monde doive à moyen terme gérer ces bouleversements à plus large échelle. Une compréhension plus approfondie de l’évolution du Nord est un atout dont nous ne pourrons sans doute pas nous passer.
– Nicolas Faelli
YOANIS MENGE
Au printemps 2016, Yoanis Menge est parti pour Salluit au Nunavik afin d’accompagner dans son quotidien Christopher, un jeune chasseur-trappeur inuit. La rareté des logements dans la région, la promiscuité et le coût élevé des biens de consommation rendent difficile la vie au village. Pour Christopher, comme pour bien d'autres Inuit, partir chasser est une échappatoire, un espace de liberté, voire un retour aux sources. Une histoire se dessine durant leurs allers-retours entre le village et le territoire de chasse. Les réalités rencontrées dans le Nord : la dureté de la vie, la paupérisation généralisée, l’invasion de la société de consommation, la volonté farouche de s’accrocher aux traditions et surtout aux dernières ressources disponibles donnent naissance à un nouveau projet Aqiaruk (estomac en Inuktitut).
Originaire des Îles-de-la-Madeleine, région isolée vivant principalement de la pêche, Menge est parvenu à s’infiltrer au sein d’une communauté où la chasse remplit une fonction structurante pour toute une collectivité. Yoanis Menge se mêle à ses sujets à l’instar de ce que ferait un sociologue ou un ethnologue. Son approche en noir et blanc confère à son œuvre un aspect cru et réaliste qui l’inscrit dans un registre social, voire socialisant. L’artiste recourt à la photographie de nuit où l’usage du flash permet de saisir des détails imperceptibles à la seule lumière du jour. La méthodologie de Menge s’apparente à un travail de type documentaire, incluant une nouvelle conception esthétique. L’artiste cherche à donner une dimension intimiste et même spirituelle du sujet.
Yoanis Menge a étudié au Cégep de Matane en photographie. De 2006 à 2010, il poursuit sa formation chez Magnum photos à Paris comme assistant auprès des photographes Josef Koudelka et Bruno Barbey. Il est récipiendaire de plusieurs prix et bourses dont le Prix du CALQ - Rouge sur blanc - Œuvre de l'année aux Îles-de-la-Madeleine, 2015. En 2016, il publie son premier livre d'auteur aux éditions la Morue verte, Hakapik. La pratique artistique de Yoanis Menge est ancrée dans une approche documentaire. Ses séries d’images abordent différents aspects du paysage géographique et social des lieux qu’il visite ou qu’il habite. Son travail fut exposé au Canada, en France et aux États-Unis et fait parti de plusieurs collections publiques et privées dont la collection de la corporation culturelle des Îles-de-la-Madeleine Arrimage.
GUY LAVIGUEUR
Qu’elles représentent des terres sauvages ou des traces industrielles, ces images témoignent un peu de l’influence humaine sur une région en pleine modification climatique ou écologique. On y parcourt les lacs et les rivières des Territoires du Nord-Ouest et on découvre des déformations du paysage tels les pingos ou les polygones typiques des terres arctiques. Des paysages qui se déclinent en un enchaînement de motifs et de couleurs, parfois parsemés d’interventions humaines, qui nous renvois aux pires scénarios, dont le spectre de perdre nos grands espaces naturels. Ces photographies témoignent des tensions et des bouleversements surréalistes qui agitent la région, donnant une toute nouvelle lecture à l’oeuvre de Lavigueur. À de triviales questions sur ce que l’oeuvre représente viennent s’en ajouter d’autres, plus profondes sur le type de relation qui unit l’homme à la Nature.
Le travail de Lavigueur s’inscrit donc dans la longue haleine, indispensable à la description d’une modification climatique majeure et sur les diverses interactions entre l’homme et l’environnement, phénomène d’autant plus important à percevoir qu’il s’agit d’une des zones les moins peuplées de la planète. Le choix de la vue aérienne et le caractère aléatoire des déplacements (l’auteur embarque dans des hélicoptères des Forces armées canadiennes et passe autant de temps que possible en l’air) offrent à son travail un caractère global, une dimension macro qui s’accommode au sujet. Le projet Unprotected de Guy Lavigueur nous met donc devant un paradoxe. Le Grand Nord a servi de bouclier à l’Amérique du Nord pendant les décennies qu’a duré la guerre froide et continue à remplir ce rôle aujourd’hui. Mais cette forteresse repose sur un écosystème fragile, que l’impuissance des nations occidentales à endiguer une pollution de plus en plus nocive risque de compromettre dans un avenir plus ou moins rapproché.
Guy Lavigueur a participé à de nombreuses expositions ici et à l’étranger, notamment: Hydrosphère au Centre culturel Yvonne L. Bombardier, Valcourt, 2016, L’art doit-il séduire ? Festival Art Souterrain 2016, Grandeur Nature, Espace Art Et Liberté, Paris, 2015, Nature/Contre-nature à la galerie La Castiglione, 2015, Éléments Terre, Musée d’art contemporain de Baie-Saint-Paul. Ses photographies font partie de collections permanentes dont la Fontation HBC à New York, le Musée de la mer aux Îles-de-la-Madeleine, la Fondation Auer pour la photographie en Suisse, le Musée de la photographie de Charleroi en Belgique, l’École d’architecture de Saint-Étienne en France, la Ville de Gatineau, la Ville de Montréal et plusieurs collections privées.
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