jusqu'au 9 déc | until Déc 9
circa-art.com
MPIER THÉBERGE
« CRITICISME: INSIDE-OUT (VERSION FRANÇAISE) »
CriticisMe : Inside-Out (version française) accumule des morceaux éclectiques, pour ne pas dire hétéroclites. D’abord, une maquette amalgame l’esthétique d’une « galerie d’art traditionnelle » à celle d’une maison hantée inspirée de manèges d’épouvantes [WoMansion]. Puis, dans une tente de consultation, l’artiste invite les publics à discuter à propos de la genèse de leurs identités en incarnant un personnage mi-thérapeute et mi-diseuse de bonne aventure [PsHyenalyz]. Enfin, dans un studio d’art simulant une cantine, l’artiste présente des œuvres multidisciplinaires référant à une « imagerie entre-deux » [Sweet Fuck All Factory]. L’ambiance ludique de cette installation rappelle celle des fêtes foraines ainsi que des parcs thématiques qui sont des « vortex culturels » permettant d’ouvrir des « territoires dynamiques où des notions dualistes peuvent cohabiter sans se neutraliser ».
ISABELLE FEXA
« VOIR ET REGARDER »
À l’ère de la publicisation de l’intimité dans une société toujours plus envahissante et indiscrète, Isabelle Fexa croise le voir et le regarder dans une relation dialectique bien particulière. En effet, d’une part, l’artiste observe, à travers l’œilleton de son appareil, les comportements intimistes comme une enquêtrice se laissant guider par le hasard, le goût du risque et l’opportunisme incertain. D’autre part, l’artiste déniche, prélève et exhume, des objets jetés aux ordures afin de les répertorier, les inventorier et les classer comme de véritables pièces à confession, permettant ainsi de constituer les archives de l’intime.
MPIER THÉBERGE
Dans cette exposition, MPier superpose des éléments tirés de la culture populaire, dont le cinéma (d’animation), la bande dessinée, les jeux de rôle et les jeux vidéo. Ces éléments sont agencés à des notions théoriques provenant de la culture savante érudite (biologie, philosophie, psychanalyse, linguistique, etc.). Le discours de l’artiste s’attarde aussi aux études culturelles, aux études de genre, aux études féministes ainsi qu’à la sociologie de l’art.
À titre d’exemple, la figure de la hyène tachetée a pris une place importante dans la cosmogonie de l’artiste. L’identité de cet animal s’avère plurielle, voire ambigüe. Malgré sa proximité physique et comportementale relative à la famille des canidés, les hyènes appartiennent à celle des hyénidés s’affiliant davantage aux félidés. L’expression « ni chat ni chien » souligne l’aspect indéfinissable des hyénidés, mais aussi une volonté de MPier dans l’optique de déjouer une forme de catégorisation binaire : « une identité permutante inspirée de l’éclatement des identités postmodernes, laissant place à une constante réinvention de soi dans l’idée de dépasser les limites prescrites socialement ». Ces considérations ne se résument pas uniquement à des questions de genre, elles s’appliquent aussi aux définitions et aux rôles multiples qu’on attribue aux artistes actuels ainsi qu’à leur domaine dans notre société.
Le ludisme est aussi un élément important de la pratique de MPier. Tout en ayant une démarche sérieuse, l’artiste invite à l’humour par l’utilisation de jeux de mots et l’emprunt à d’autres formes de divertissement populaire. Dans sa pratique, il y a une volonté d’entretenir une comparaison entre le système de l’art contemporain et celui du jeu comme l’a suggéré l’historienne de l’art et commissaire Marie Fraser. Dans le milieu de l’art, tout comme dans un jeu, il y a des joueurs (artistes et publics), un terrain (musées et galeries), des règles (enseignées par les Académies et Écoles d’art), des buts (prix et distinctions) et des arbitres (critiques et commissaires).
En abordant des sujets épars, ces quelques lignes veulent rendre compte de la versatilité théorique et pratique de MPier qui peut sembler paradoxale, mais assumée. En conséquence, l’exercice du texte d’accompagnement d’exposition, qui veut éclairer ou instruire à propos de cette recherche en art actuel, ne peut qu’inciter le public à profiter de la présence de l’artiste pour apprécier davantage CriticisMe : Inside-Out (version française).
- Éloi Desjardins et MPier Théberge
Références :
- Fraser, M. (2008). L’indécidable : « Aux bords de l’art ». Esse : Montréal.
- Jeffers, S.C. (2004). « In a Cultural Vortex: Theme Parks, Experience, and Opportunities for Art ». Studies in Art Education : A Journal of Issues and Research, 45, 1, 221-233.
- Kruuk, H. (1972). The Spotted Hyena : A Study of Predation and Social Behavior. Chicago and London : University of Chicago Press.
- O’Doherty, B. (2008). White Cube : L’espace de la galerie et son idéologie.
MPier Théberge est une artiste multidisciplinaire et interdisciplinaire qui travaille et vit à Montréal. Lauréate de nombreuses bourses lors de ses études au baccalauréat en arts visuels et médiatiques à l’UQAM, elle obtient du financement de la part du CRSH afin de réaliser sa maîtrise (2010-2012). Son mémoire intitulé « Une pratique de l’autoreprésentation révélant les mécanismes de la construction identitaire de l’artiste dans le monde de l’art » lui permet d’élaborer son projet ArtisMe®. Elle y développe des jeux artistiques et éducatifs concernant la progression de sa carrière ainsi que l’évolution de son sujet-artiste dans le milieu de l’art actuel. Parmi ces « activités ludiques interactives », elle produit une application Android sous la direction d’Alexandre Castonguay ; MPiigotchi : Promenade du critique influent. Plus récemment, elle a obtenu la bourse Elisabeth Greenshields (2014) puis a été financée par le FQRSC afin de poursuivre ses études doctorales dans cette même université (2015-).
La volonté de MPier Théberge pour l’éducation artistique des publics s’est développée à la suite de nombreuses interrogations de son entourage immédiat quant aux objectifs de cette discipline, les raisons d’existence ainsi que sur les motivations qui la poussaient à devenir artiste. Dès lors, au moyen d’autoreprésentations et d’autofictions, l’artiste élabore des dispositifs qui dévoilent les mécanismes de la construction identitaire de son sujet-artiste contribuant ainsi à l’actualisation des définitions de son domaine. Ces procédés narratifs lui permettent d’élaborer des représentations hybrides – dont ArtisMe® et CriticisMe – par l’amalgame de divers codes et savoirs – autant populaires qu’érudits – avec lesquels elle construit son univers ludique. Enfin, en établissant une relation circulatoire entre le sensible et l’intelligible intrinsèque à sa discipline, ses jeux identitaires lui donnent l’occasion de proposer des alternatives aux représentations de genre binaire pour déjouer les normes ainsi que les idéologies dominantes.
ISABELLE FEXA
Depuis plusieurs années, la singularité du travail artistique d’Isabelle Fexa réside dans son objet d’étude et la manière dont elle l’appréhende dans notre société contemporaine. En appliquant les méthodologies établies par les sciences sociales comme l’observation directe en position d’extériorité, l’artiste se lance à la conquête d’une ethnologie de l’intime. Dès lors, Isabelle Fexa révèle les parts cachées de l’individu, de son identité la plus intègre, en y prélevant des traces vouées à une destruction certaine.
L’exposition Voir et Regarder présente ce processus d’objectivisation de l’intime en transgressant les espaces privés faisant de l’ordinaire, du quotidien et de l’anodin son sujet d’enquête. Des photographies de façades de maisons caractéristiques de quartiers de banlieue entrent en dialogue avec des enveloppes annotées et des papiers griffonnés. L’écriture devient alors un acte de révélation des pensées, des souvenirs, des secrets les plus personnels et cachés. Le tout s’expose dans un espace pouvant évoquer le salon d’un particulier, sinon celui de l’artiste dans une version transposée, invitant le visiteur à devenir voyeur à son tour, observateur de cette intimité.
En tout état de cause, Isabelle Fexa problématise ce phénomène comportemental en y montrant les différentes formes que celui-ci peut prendre dans nos environnements actuels. L’artiste dévoile des relations différentes entre espace privé et espace public, intérieur et extérieur, qu’on cherche généralement à opposer. Elle démontre les liens que ces espaces entretiennent entre eux comme des va-et-vient permanents. En outre, les images exposées, porteuses d’affect, sont chargées intrinsèquement d’un potentiel narratif déconcertant nous invitant à imaginer à partir de ces vestiges.
Ainsi, en rendant public l’intime dans un espace culturel, lsabelle Fexa expose des traces de mémoire personnelle aux conséquences humanistes. Voir et Regarder situe, alors l’intimité à une croisée entre un secret scellé et une vérité livrée; elle repousse les limites de ce qu’on montre et de ce qu’on cache, de ce qu’on offre au regard ou de ce qu’on arrache à la vue.
- Louise Brunet
Isabelle Fexa détient une maitrise en beaux-arts de l’Université de Montréal. Entre l’acte de l’espionnage et de la collection, l’image fixe et l’image en mouvement, Isabelle s’interroge sur les relations humaines et le désir de développer une certaine sensibilité entre les individus en dehors des cadres d’interactions sociales dominants. Ses œuvres ont été présentées à la Galerie Les Territoires, à la salle de cinéma J.-A. de Sève de l’Université Concordia, ainsi qu’au Carrefour des Arts et des Sciences de l’Université de Montréal dans le cadre de la Biennale internationale d’art numérique. Voir et regarder est sa première exposition individuelle.
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