6 mai au 17 juin | May 6 to June 17
vernissage 6 mai 15h00 | May 6 ~ 3:00PM
artmur.com
CLINT NEUFELD
« GRID ROADS AND A DEAD MAN’S HAND »
Clint Neufeld, Three Deuce’s, 2010
Le sculpteur Clint Neufeld propose un ensemble de huit œuvres créées entre 2011 et 2016. Sept objets et une vidéo qui ont comme dénominateur commun la céramique, les moteurs et la domesticité. Pour fabriquer ses sculptures en céramique, Neufeld procède d’abord par moulage direct de différentes composantes de moteurs choisis. Il transpose ensuite ces dernières en céramique en pratiquant par coulage. Après avoir appliqué les glaçures, il effectue la cuisson des composantes.
The title of Clint Neufeld’s ceramic incarnation of a Detroit diesel engine, Screaming Jimmy, the first time we met in that field I knew you were the one (2016), now in the collection of the Remai Modern, speaks volumes. That a diesel engine should have a nickname—Screaming Jimmy—is emblematic of the artist’s practice of using objects that come with baggage, with their own histories; and too, it references the stories Neufeld finds reflected back at him, an anthropology by engine. The title also chronicles Neufeld’s first compelling encounter with the (real) Detroit diesel, what the artist describes as something not more complicated than a recognition of beauty, and a desire to share with others the rethinking of the engine as aesthetic object.
RENATO GARZA-CERVERA
« HUMAN TIDES (HUMAN CONFLICTS II) »
Renato Garza Cervera, Human Tides (Conflicts II), 2017
L’œuvre de Renato Garza Cervera, multidisciplinaire et multiforme, porte un regard critique sur les sociétés contemporaines, mettant entre autre en lumière la marginalisation systémique de groupes sociaux (Fun Enhancers, Of Genuine Contemporary Beast) et les phénomènes d’appropriation culturelle (Springbreaker Tsantsas). Par des corpus traversés d’ironie, l’artiste élabore une recherche sur la notion d’identité, développée par de constants allers-retours entre l’identification et la différenciation, entre la proximité et la distance, où la monstration de l’autre, si étranger soit-il, semble aussi être un appel à s’y reconnaître.
When does a line on a page become figurative? The series of drawings by Mexican artist Renato Garza Cervera entitled Human Tides (Conflicts II) satisfies this question: each vertical line assumes a human body; each horizontal line provides its shadow. The drawings, created with India ink on cotton paper, represent bodies reduced to an elemental state. We require no more or less detail in order to read Cervera’s mark-making as figures in an expansive and featureless place.
JESSICA HOUSTON
« THIS MOUNTAIN »
Jessica Houston, Heritage Of All, 2017
Issue d’un séjour sur l’île de Baffin, la série This Mountain poursuit les réflexions de l’artiste new-yorkaise Jessica Houston quant à l’Arctique canadien et à la couleur (Horizon Felt, présenté en 2015 à Art Mûr, et I Colori di Corigliano, 2010). Dans cette exposition, l’artiste s’oppose à la conception idéalisée du Nord immaculé et la confronte à un environnement habité changeant au rythme du développement de l’industrie minière dans la région.
Jessica Houston’s most recent works look north. What is north? Where is it? Is it a fixed place, or something else? Her second solo show at Art Mûr brings together paintings, a sound sculpture, and chine collé prints, all of which reveal a fragile, fluid, and often fractured, north.
CLINT NEUFELD
Ces dernières sont finalement assemblées pour reconstituer, grandeur nature, le moteur d’origine transposé dans un matériau souvent perçu comme fragile et précieux. Ainsi les lourds moteurs métalliques originels deviennent des objets creux, des coquilles, où la masse de l’objet est réduite à une paroi. Il est d’ailleurs intéressant de noter que c’est cette technique artisanale du coulage au moule qui a été naguère adaptée à l’industrie pour la fabrication en masse des bibelots en céramique. Dans l’exposition, certains des moteurs de Neufeld reposent sur des fauteuils et des canapés. Ces derniers sont réalisés par réassemblage de différents meubles. Neufeld a observé au fil des expositions que la réception de ses œuvres variait en fonction des milieux sociaux. Dans les milieux urbains et académiques, son œuvre tend à être d’abord comprise en termes de signes, de métaphores et de références. Il a remarqué en revanche que dans les petites communautés excentrées, certaines personnes reconnaissent les différents modèles et connaissent les moteurs par leurs noms. Ces derniers invoquent alors des souvenirs personnels. Dans certains contextes, au-delà des références à l’art décoratif, c’est le moteur lui-même qui est lié à l’intimité de la sphère domestique.
Dans les dernières années, Clint Neufeld a ainsi privilégié la céramique comme médium. Toutefois, ce dernier ne se considère pas comme un céramiste car il n’accorde pas une valeur particulière à ce matériau. Dans sa démarche, le matériau quel qu’il soit – est utile dans la mesure où il sert ses intentions et son propos. A travers la céramique, l’artiste cherche d’abord à explorer les contrastes de textures, les oppositions visuelles, les dichotomies perceptuelles. D’où l’utilisation dans certaines œuvres de glaçures pastel invoquant des vases art déco, ou encore des carreaux et tuiles typiques de l’environnement domestique des années 1950 et 1960. La céramique est donc centrale mais conjoncturelle dans l’œuvre de Neufeld. A ce titre, l’œuvre la plus récente présentée dans l’exposition marque possiblement un tournant dans sa production artistique. Par la présence de la vidéo, l’objet en céramique disparaît physiquement de l’environnement de la galerie au profit de la mise en scène de sa destruction: “Il y a longtemps que je voulais faire ça. J’avais envie de le faire, et je l’ai fait. C’était une expérience cathartique.” Ce qui résulte de cette expérience: pour nous, une vidéo fascinante; pour l’artiste, des milliers d’éclats de céramique brisés: “Je ne sais pas encore tout à fait ce que je vais en faire. Pour l’instant, j’essaie toutes sortes de choses.” A suivre…
- Bruno Andrus
Neufeld’s work can be addressed conceptually—perhaps through Thing Theory, as an object “with a changed relation to the human subject,” resembling something that works, or worked, and now an object asserting itself as thing.1 The recontextualization of the object and its attendant meanings is what the artist interrogates, “different people’s understanding of the same thing.” As objects of someone else’s history, the ceramic engines become a common language to engage viewer and artist—catalysts for stories, collected histories. Neufeld’s understanding of his practice has grown through the layered histories his engines gather, conversations which have led him to what, in turn, he wishes to question more specifically in his practice.
Neufeld’s statement that he “just wanted to make a really shiny engine,” belies the careful juxtaposition of object and surface that transform his motors and engines into fragile objects. Merging the visual identity of fine china, its inherent delicacy, with engines or lathes, Neufeld remarks he didn’t know that he “was aware of what the implications would be.” Screaming Jimmy is graced with colours recalling vintage domestic china; satin lathe (2014) and satin valve grinder (2015) take as their inspiration the matte finish and relief decorations of Wedgewood’s iconic Jasperware; one yellow rose (2012) doubles the historical implications of Neufeld’s work, the delicate transferware decals of its massive engine disputing its own identity as it rests lightly on a Queen Anne sofa.
Smash (2016), the video accompanying this exhibition, underscores these juxtapositions: playing on the implicit fragility of fine china confronting the perceived mass of an engine, a motor, a lathe. Hoisted much as its real-life counterpart would be for installation in a chassis, the ceramic engine—almost the twin of the engine seen in one yellow rose—drops, immediately and literally shattering the solidity that the viewer attaches to it, disrupting our understanding of the aestheticized object to foreground the tension embodied in these works. The engine weight the viewer feels is replaced by shattered remnants, a notion of fragility always already in place.
Hard work, technical and physical challenges are embedded in the artist’s process, moving the work forward as he explores scale and finish. In agrarian Canada where the ability to do a hard day’s work, “being judged by the dirt under your fingernails,” is looked upon with respect, this stands him in good stead with his neighbours. Neufeld’s machines and engines are doubly evocative of a rural ethic, as the product and signifier of lifetimes of labour—another of the possibly unforeseen implications that bring rich histories and delight.
- Martha Robinson
- Bill Brown, “Thing Theory,” Critical Inquiry 28.1 (2001): 4.
RENATO GARZA-CERVERA
Dans le corpus Mareas Humanas, remis en chantier en 2014 suite à une première itération développée au début des années 2000, l’artiste continue d’explorer ces notions, mais dans un registre plus poétique, grâce au dépouillement des signes qu’il met en scène. Ce seul i omniprésent, isolé ou regroupé, avive nécessairement l’idée du personnage, peut-être en rappelant le I de la langue anglaise, littéralement un je, un moi. Mais loin d’une identité spécifique, les associations et regroupements de ces signes pointent vers des situations inexpliquées, évoquées par des accumulations entrecoupées de zones libres qui forment un motif graphique perceptible dans la distance. L’occupation de la surface du papier jusqu’aux limites de son cadre donne ainsi l’impression d’un dessin saisi à l’emporte-pièce dans une zone deux fois, dix fois, mille fois plus grande, peut-être, ce qui renforce l’interprétation de l’image comme une vue aérienne. La filiation photographique participe également à la construction d’une narration où les mouvances et les flux rappellent manifestations, affrontements et conflits de grande échelle. Dans une œuvre qui fait autant portrait que paysage, il devient difficile de porter son regard sur un seul i au détriment du système de relations dans lequel il prend place. En ce sens, les dessins de Garza Cervera renvoient à tout le monde et à personne à la fois, dans ce flou propre au collectif qui complexifie le réflexe d’identification.
La sérialité contribue à apporter un relief, une profondeur aux images qui paraissent ne montrer que quelques situations surgissant d’un ensemble de configurations infinies, à l’instar de la vie même. La pluralité des possibles semble liée, du moins conceptuellement, à la genèse du projet dans les arts d’impression, également pratiqués par l’artiste et qui sont, par essence, concernés par le multiple. Autant la pratique du dessin que les différentes techniques de reproduction des images (par exemple, la gravure ou la sérigraphie) sont fortement ancrées dans l’espace social latino-américain, où les arts graphiques ont traditionnellement portés une charge critique importante. Grâce à leurs modes de production rapides et souvent, à leurs registres de signes synthétisés, ils agissent efficacement comme outils de dissémination des idées, de protestation et de dissidence. Ici, les dessins de Garza Cervera répondent à ces impératifs : leur langage visuel simple et épuré se donne comme un code rapidement compréhensible et reproductible, qui réfère à l’espace commun et à des problèmes géopolitiques, mais sans toutefois mettre en jeu un discours de dénonciation ou de revendication déterminé comme l’ont fait par le passé d’autres œuvres de l’artiste. Au contraire, si Mareas Humanas appelle une forme d’action, c’est plutôt via l’espoir et l’humanisme qui émane de ces portraits collectifs et indifférenciés, lesquels sont susceptibles d’évoquer les grandes crises migratoires du contexte politique actuel, et d’en suggérer une lecture empreinte d’une nécessaire empathie.
- Marie-Pier Bocquet
Within the limited information, spatial narratives unfold. Uniform shadows give way to a flat terrain and ascend our gaze, as viewers, to an aerial perspective. From above we read each mark as equal in size and density but when read as a collective, each mark is inscribed with relational power according to their spatial organization and patterning.
Human Tides (Conflicts II) is an imaginative exercise in the study of human geography—the mapping of people and their communities, interactions and activities. Cervera’s delicately rendered choreography conjures numerous associations, namely political and social. The artist calls into question the relationship of the individual to the collective, and reversely, the collective’s relationship to the individual. As viewers, we are tasked with supplying narratives to these visual relationships. More organic formations evoke spontaneous gatherings or community-driven action while others, orderly and neat, suggest a military strategy or rigid political body. However, meaning is slippery, and the relationships between bodies easily shift when a solitary figure dually performs as leader and outcast, or the atmosphere of a collective is at once celebratory and violent. These aesthetic ambiguities reveal the desire and struggle to define systems of power through a visual ordering. Like meaning, we find that power is not inherent or stable but continuously in flux.
The impetus for Human Tides (Conflicts II) began seventeen years ago at a time when Cervera was investigating pictorial landscapes, battle paintings and genre paintings using digital collage and engraving techniques. These approaches would eventually lead Cervera to develop a reductionist sensibility, favouring the use of plain-spoken materials and the simplification of form, which he found best articulated in drawing on paper. What started as a series of informal explorations in his notebook, wherein Cervera reflected on the ways societies inherit long-standing collective organizations and formulate new ones, concluded in a 2009 exhibition of Human Tides, the first iteration of the Tides projects, in Les Enfants Terribles, at JUMEX Foundation / Collection, Mexico. The complete series, composed of 106 drawings, now belongs to JUMEX’s collection.
In 2014, Cervera found himself returning to these investigations with new perspectives and routes for exploration. Presented for the first time, Human Tides (Conflicts II) is the result of this second chapter of the artist’s study. Evidence of an ever-changing world, Cervera’s visual explorations invite us into a timeless and empty space where we may project our own realities, ideas of community and existing political landscapes and, if we accept the challenge, imagine possible futures.
- Sara Nicole England
JESSICA HOUSTON
L’effet simultané de l’intervention humaine et des forces de la nature sur le paysage arctique est matérialisé sur la surface de panneaux de bois soumis aux actions répétées de l’artiste. Cette dernière perce, brûle et grave la surface des œuvres, laissant à l’issu de ce processus ardu des marques évoquant aussi bien la répétition et le rythme des compositions picturales minimalistes (Break, 2017) que les toiles lacérées de Lucio Fontana (Scorch, 2017).
Dans ses impressions, Houston emploie la technique du chine-collé pour fusionner des photographies de l’île de Baffin et des bouts de papier de riz colorés. S’inspirant dans un premier temps de la forme ovale du collage précurseur Nature morte à la chaise cannée (1912) de Picasso, les aplats de couleur servent d’arrière-plan ou sont superposés aux paysages du Nord fantasmé. Ainsi l’artiste interroge les conditions de visibilité et de représentation et invite le spectateur à reconstituer l’image éclipsée dans son esprit.
Houston présente dans un deuxième temps des compositions où couleurs et images — alliant scènes modestes et majestueuses — sont cette fois contenues dans des cercles juxtaposés. La couleur, extraite de l’image à la manière du minerai extrait de la montagne, fait ressortir la beauté formelle parfois inusitée des sujets photographiés. Dans Sovereign Aspirations (2017) l’aplat de couleur accentue ainsi les délicates teintes d’orangé qui jaillissent de la photographie d’une maison délabrée, tandis que son titre rappelle le statut disputé du territoire arctique. Or, à la différence des compositions all-over sur panneaux de bois et des impressions superposées, le regard du spectateur est ici partagé entre les deux cercles distincts. Houston exploite en cela le phénomène optique de la convergence binoculaire, qui permet la formation d’une seule image à partir des deux yeux. Il s’agit pour l’artiste de révéler le processus au cœur de toute perception visuelle et de faire dialoguer le chevauchement réel et perçu des images au sein de sa série d’impressions.
En ce sens, This Mountain synthétise les approches concrète et conceptuelle pour appréhender les phénomènes de perception. De même, les dichotomies entre le matériel et l’intangible, ainsi que le naturel et le culturel, se retrouvent dans ce morceau de minerai de fer à partir duquel un haut-parleur dissimulé émet une chanson interprétée par Deanna Panipakoocho et des témoignages oraux glanés auprès des habitants de l’île. Houston parvient à abstraire les complexes questions environnementales, territoriales et sociales qui s’entrecroisent dans l’Arctique canadien pour les reconstituer au sein d’un discours qui se déploie en autant de nuances que les couleurs éclatantes de ses œuvres.
- Geneviève Marcil
An iron ore stone becomes a speaker, playing recordings of interviews and singing, and expanding the physical presence of the stone. The exaggerated textures of the paintings give them, too, a sculptural and documentary feel. They record how actions—breaking and piercing, pushing and pulling—disrupt and transform the paintings’ surfaces. By resembling patterns one finds in the wild—scratches across the surface of a rock, uneven waves that form on melting snow—they unhinge any clear distinction between what is natural and what is made.
Made with a printmaking technique that binds together distinct papers, the chine collé prints begin with photographs Houston took of Baffin Island. She then combines the images with coloured paper, creating traces of the process of extracting and replacing parts of a scene, and an equal awareness of both what is present and absent.
Some are composed of double circles, like looking through binoculars. In Business As Usual, a decaying interior—peeling wallpaper, a rusted stove—is juxtaposed with the soft glow of a yellow circle. This continues Houston’s ongoing use of colour to question the particulars of perception.
Heritage of All, White with Greed and Iron, and The Spaces we Breath, Houston’s titles read like lines of a haiku. Composed as prose, they are also confrontational, mapping out the cultural and environmental impacts of the extraction of resources in the Arctic. We witness scenes of violent decay, and yet simply carry on, like Business As Usual. In What Nations Come and Go a pale purple oval nearly fills the frame, revealing only in the very far right a simple cabin in front of a rocky incline. A similar imposing cloud of colour, this time blue, dominates the landscape in Mapped, Claimed, and Evaluated.
The north is just as much an idea as it is a place, and is one that looms large in the Canadian imagination. There are few better examples than Glenn Gould’s The Idea of North: “But like all but a very few Canadians . . . I’ve had no direct confrontation with the northern third of our country . . . the north has remained for me a convenient place to dream about, spin tall tales about sometimes, and, in the end, avoid.”1 But Houston has gone north. The north she depicts is not faraway. It is no longer convenient to just dream about. The north Houston shows us is one that wears the signs of climate change and pollution, of the extraction of natural resources and the colonization of peoples. Houston’s north is uncertain and fragile, and warrants as close of a look as we can get.
- L. Sasha Gora
- Gould, Glenn. ‚The Idea of North.’ Glenn Gould’s Solitude Trilogy: Three Sound Documentaries. Toronto: CBC, 1992.
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