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commissaire : Marie-Claude Loiselle
jusqu'au 1 avril | until April 1
dazibao.org
Il y a longtemps, la forêt Mata Atlântica s'étendait de l'Argentine au Paraguay. Aujourd'hui, elle a pratiquement disparu. En plein centre de São Paulo, le parc du Trianon enferme entre ses grilles les restes de cette immense forêt tropicale où rôdent encore ses esprits. Un jour, une jeune femme disparait dans le parc. Un des employés est arrêté par la police, mais bientôt d'autres jeunes filles disparaissent à leur tour. Le cinéma interroge nos corps. Tant ceux des acteurs que ceux des spectateurs. La frontière entre les deux est si mince et en même temps, si réelle. Quelles énergies passent des uns aux autres?
A long time ago, the Mata Atlântica forest stretched from Argentina to Paraguay. Today it has practically disappeared. In the heart of São Paulo, Trianon Park contains within its gates the remains of this immense tropical forest who’s spirits still haunts and roams among the trees. One day, a young woman disappears in the park. An employee of the park is arrested by the police, but soon other girls start to disappear. The cinema interrogates our bodies. Both those of the actors and the audience. The boundary between the two is so thin and at the same time so real. What energies flow between them ?
Cette exposition, une proposition de Marie-Claude Loiselle, est présentée en partenariat avec la Cinémathèque québécoise qui présente l'installation Najgo! (Des histoires de chasse à l’homme et de films d’horreur) jusqu'au 9 février 2017 ainsi qu'une rétrospective de leurs films du 30 janvier au 16 février 2017.
Magnétiques et visionnaires, les œuvres des cinéastes Nicolas Klotz et Elisabeth Perceval libèrent de nouvelles manières de faire, de penser, d’expérimenter et de nous entraîner avec elles dans le devenir du cinéma. Dans la fulgurance des instants qu’elles captent, chacune cristallise une expérience du monde, intime et vraie, agissant comme contrepoison aux violences du présent. Le cinéma traditionnel et ses modes de narration se sont épuisés, et cette évidence exige pour eux de retrouver quelque chose de la brûlante nécessité d’un art primitif, toujours (re)naissant. Or c’est par la rencontre du cinéma, de la danse, du théâtre, de la musique, des textes, des époques, des récits, au moyen de nouveaux outils, qu’ils font surgir une multitude de connexions sensibles ayant le pouvoir de transformer poétiquement et politiquement nos perceptions et notre rapport au monde.
À l’origine de cette exposition, il y a le scénario d’un film à venir : Cérémonie. Ou plutôt, Feuilles rouges, la nouvelle de Faulkner qui a fait naître le désir de ce film rêvé, projeté vers l’Histoire, vers aujourd’hui et demain. Cette nouvelle raconte la fuite d’un esclave noir qui, à la mort de son maître, tente d’échapper à une tradition (chickasaw) voulant que l’esclave soit enterré avec son maître et son cheval. Hanté par ce récit souterrain, une multitude d’histoires de chasse à l’homme et de dérobades, de captures et de libération, rassemblent les hommes et les femmes qui peuplent les trois parties de la présente installation.
Mais il y a également la présence des Lucile, solaires et radieuses, qui veillent sur l’exposition et nous accueille dans l’espace de la galerie dès le pas de la porte franchi. Que ces Lucile soient portées par la voix ou le corps d’une jeune femme de Paris, de Rio ou de Montréal, elles apparaissent comme autant de sœurs de la Lucile révolutionnaire et libre de Büchner (celle de La Mort de Danton) venue ici à la rencontre d’une réincarnation du Sasportas de La Mission de Müller — ancien esclave noir devenu révolutionnaire sous la Révolution française. On trouve dans le cinéma de Klotz et Perceval toute une communauté de femmes indociles, telles Ophélie de Hamlet-Machine (Müller encore), Antigone, ou quelque combattante républicaine espagnole qui habitent le corps de Sophie et de Carmen dans Low Life. Ces femmes « sauvages », ces survivantes, ce sont aussi celles qui peuplent la nuit de Je sais courir mais je ne sais pas m’enfuir. Blondes ou noires apparitions, c’est en ravivant des liens fraternels avec le jeune migrant pourchassé qu’elles renversent, l’espace d’un instant, le sort jeté contre l’homme noir depuis des siècles en même temps qu’elles suppriment le pouvoir de la capture.
Tout est lié dans l’Histoire comme dans les récits éclatés, non linéaires, qui se croisent dans les trois œuvres présentées, dans la conjugaison des forces de l’esclave noir d’hier et du migrant « clandestin » d’aujourd’hui, du mendiant de Je sais courir... et des sans-abri de Paria que nous retrouvons aux côtés des Africains sans-papiers de La Blessure dans Nous ne figurons pas dans le paysage. Monde de présences miraculeuses et de voix mêlées. Voix d’une humanité que de multiples mouvements rassemblent dans un seul espace où nous, spectateurs, circulons. Ici comme partout dans l’œuvre de Klotz et Perceval, quelque chose circule entre l’Histoire et l’intime, entre le passé et l’avenir, entre les événements et la mémoire que le cinéma en retient, qui modifie notre manière de les regarder. Quelque chose qui rêve (politiquement) le cinéma en ouvrant de fabuleux espaces de liberté pour l’imagination. — Marie-Claude Loiselle
Les cinéastes de réputation internationale Nicolas Klotz et Elisabeth Perceval ont réalisé huit longs métrages et plusieurs documentaires, courts métrages, vidéos et installations. Leur travail a été présenté sur la scène internationale dans le cadre d’expositions et de festivals et plusieurs rétrospectives leur sont consacrées. Le Centre Pompidou prépare actuellement une grande exposition rétrospective, qui réunira pour la première fois l'ensemble de leur travail.
Marie-Claude Loiselle a été rédactrice en chef de la revue 24 images de 1992 à 2016. Elle est collaboratrice à l’écriture et au montage de Combat au bout de la nuit (2016) et du Chant des pierres (en développement) de Sylvain L’Espérance.
This exhibition, proposed by Marie-Claude Loiselle, is presented in partnership with the Cinémathèque québécoise who is presenting the installation Najgo! (Des histoires de chasse à l’homme et de films d’horreur) until February 9, 2017 as well as a retrospective of their films from January 30 to February 16, 2017.
The magnetic and visionary work of the filmmakers Nicolas Klotz and Elisabeth Perceval liberate new ways of working, thinking, experiencing and of taking us with them into the fate of cinema. In the flashing outbursts moments they capture, each crystallises an experience of the world, private and true, which acts as an antidote to the violence of the present day. Traditional cinema and its modes of narration are exhausted, and for them this indisputable fact demands that something like the burning necessity of a primitive art, always being (re)born, be found. Merging cinema, dance, theatre, music, texts, eras and stories, they use new tools to bring out a multitude of tangible connections with the power to transform poetically and politically our perceptions and relations with the world.
The origin of this exhibition lies in the script of a forthcoming film: Cérémonie. Or rather, the Faulkner short story “Red Leaves”, which created the desire to make this dreamt-of film, projected towards history, towards today and tomorrow. This short story recounts the escape of a black slave who, when his master dies, tries to avoid a (Chickasaw) tradition which holds that a slave should be buried with his master and his horse. Haunted by this subterranean narrative, a multitude of stories about men being hunted and escaping, about captures and liberation, brings together the men and women who inhabit the three parts of the present installation.
But there is also the presence of Luciles, solar and radiant, who watch over the exhibition and welcome us into the space of the gallery the moment we walk through the door. Whether these Luciles are born by the voice or the body of a young woman of Paris, Rio or Montreal, they appear like sisters of Büchner’s revolutionary and free Lucile (that of Danton’s Death), who has come here to meet a reincarnation of Sasportas from Müller’s Mission – a former black slave who became a revolutionary during the French Revolution. In Klotz and Perceval’s cinema we find an entire community of resistant women, such as Ophelia in Hamlet-Machine (Müller again), Antigone, or some Spanish Republican combatant inhabiting the bodies of Sophie and Carmen in Low Life. These “wild” women, these survivors, are also those who populate the night in Je sais courir mais je ne sais pas m’enfuir. Blonde or black apparitions, by reviving fraternal relations with the pursued young migrant they overturn, for a moment, the black man’s destiny for centuries at the same time as they suppress the power of seizure.
Everything in history is connected, as in the fragmented, non-linear narratives which meet in the three works presented, bringing together the strengths of the black slave of yesteryear and the “illegal” migrant of today, the beggar of Je sais courir... and the homeless people that we find alongside the undocumented Africans of La Blessure in Nous ne figurons pas dans le paysage. A world of miraculous presences and mixed voices. Voices of a humanity which multiple movements assemble in a single space where we, spectators, circulate. Here as everywhere in the work of Klotz and Perceval something circulates between history and the private, between past and future, between the events and memory which cinema retains, modifying the way we look at them. Something which dreams (politically) the cinema by opening fabulous spaces of freedom for the imagination. — Marie-Claude Loiselle
Nicolas Klotz and Elisabeth Perceval have an international reputation for their eight feature films and several documentaries, short films, videos and installations. Their work has been presented internationally in exhibitions and in festivals. The Centre Pompidou is currently preparing a major retrospective exhibition of all of their work.
Marie-Claude Loiselle was editor-in-chief of the magazine 24 images from 1992 to 2016. She is a contributor to the writing and editing of Combat au bout de la nuit (2016) and Chant des pierres (in development) by Sylvain L'Espérance.
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