« JEU ET DIVERSION »
4 au 26 mars | March 4 to 26
artsouterrain.com
JULIEN BOILY
Julien Boily, Paradigme objet, œuvre picturale
BEVAN RAMSAY
Bevan Ramsey, Jersey Girls, sculpture
CHLOÉ LEFEBVRE
Chloé Lefebvre, Ballon LV, installation
MARC-ANTOINE K PHANEUF
Marc-Antoine Phaneuf, Peinture canadienne, installation
MIKA GOODFRIEND
Mika Goofriend, Snowbirds, vidéo
TIM MEISILLIER
Tim Messelier, la roue de la fortune, installation
« C’est rendre un homme heureux, de le divertir de la vue de ses misères » Pascal, Blaise. Pensées.
La volonté de se divertir est inexorablement liée à la nature humaine. Chaque époque et chaque peuple se caractérisent par ses jeux, ses fêtes, ses musiques ou ses danses. Synonyme de plaisir, de détente et de partage, le jeu est une action limitée dans le temps, sans utilité apparente et suivant des règles librement consenties.
La nature et la place des activités de loisirs ont évolué au fil des siècles. Le déclin des religions dans les sociétés occidentales, le dogme hédoniste des Lumières ou, plus proche de nous, la modification de l’organisation du travail ont amené à l’avènement d’une « civilisation des loisirs » (J. Dumazier), forgeant un nouvel ordre social.
“To make a man happy is to distract him from the sight of his miseries.” – Blaise Pascal
The will to have fun is inexorably linked to human nature. Every period and nation is characterized by its games, its celebrations, its music or its dance. Synonymous with pleasure, relaxation and sharing, play as an activity is ephemeral, has no apparent utility and follows voluntarily agreed-upon rules.
The nature of leisure activities and the places where they are practiced have evolved over the centuries. The hedonistic dogma emanating from the Enlightment, the decline of religions in Western societies, and, more recently, changes in the division of labour, have ushered in a “civilization of leisure,” giving rise to a new social order.
C’est aujourd’hui une véritable industrie à l’écoute de nos désirs, et nous semblons plus que jamais entourés de propositions pour occuper notre temps libre : Salles de jeux, spectacles, parcs à thème, jeux vidéo (aujourd’hui secteur principal devant le cinéma ou la musique), sport, grandes expositions, télévision, internet…
Le succès des jeux sociaux sur téléphone, accessibles en tout temps, redéfinit les limites spatiales, temporelles et sociales du jeu et transforme nos poches en casino géant. Cela s’étend même au magasinage, aujourd’hui considéré comme une activité de détente, ou encore aux rencontres, qui ont leurs applications ludiques.
En parallèle, les procédés « ludiques » qui développeraient logique, mémoire et concentration sont de plus en plus utilisés comme moyens d'interaction dans divers domaines, pédagogiques ou compétitifs : médecine, écoles, entreprises…
On parle alors de « gamification » ou « ludification » de la société et tout semble s’accélérer dans un tourbillon agréable où l'effort est indésirable. Cette évolution influe inévitablement sur notre développement en tant qu’individu et sur nos relations.
L’être humain a besoin de se divertir, mais où se trouve le point de rupture entre activités synonymes d’émancipation ou de réflexion et activités qui seraient considérées comme aliénantes ou régressives ? Avons-nous développé « l’amour de notre servitude » comme l’évoque Aldous Huxley dans son ouvrage Le meilleur des mondes, nous laissant guider par des règles définies par d’autres et nous détournant de tout ce qui demande attente et maturation ?
Cette quête perpétuelle d’évasion dénonce-t-elle uniquement une frustration grandissante du réel ou redéfinit-elle notre nature même ? Sommes-nous devenus les « Homo Ludens » évoqués par l’auteur J. Huizingua pour qui le mécanisme du jeu est consubstantiel à la culture ?
- Emeline Rosendo | Frédéric Loury
Today, leisure is a bona fide industry attuned to our every desire, and we are more than ever confronted with a barrage of ways for occupying our free time: game rooms, shows, theme parks, video games (which have surpassed cinema and music as the most lucrative form of entertainment), sports, mega exhibitions, television, the Internet...
The success of multiplayer games, accessible at all times through our smartphones, redefines the spatial, temporal and social boundaries of play and transforms our phones into miniature mobile casinos. This extends to shopping, which nowadays is considered something one does to relax, and even to dating, which has its own fun apps.
Meanwhile, various sectors, such as medicine, education and business, are increasingly incorporating “playful” approaches into their more traditional models for interacting with, and developing the faculties of logic, memory and concentration of, their employees, users or clienteles.
This all points to an emerging trend known as the “gamification” or “leisurization”of society, a an accelerating whirlwind of fun in which effort is shunned. This can only influence our development as individuals and the quality of our relationships.
Having fun is a legitimate human need. But when do activities that foster genuine empowerment or reflection become exercises in alienation and regression instead? Have we developed a “love [for our] servitude,” as Aldous Huxley surmised in Brave New World, allowing ourselves to be controlled, without coercion, by rules defined by others, and turning our backs on anything that requires patience and maturation?
Does this perpetual quest for escape solely denounce a growing frustration with reality or is it redefining our very nature? Have we become the Homo ludens referred to by historian and author Johan Huizinga, for whom the mechanism of play is consubstantial with culture?
- Emeline Rosendo | Frédéric Loury
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