Commissaire : Claire Moeder
16 avril au 11 juin | April 16 to June 11
vernissage 16 avril 15h00 | April 16 ~ 3:00PM
optica.ca
Julien Discrit, Brighter than a thousand suns (détail), 2007
JULIEN DISCRIT - CLAIRE HANNICQ - ANOUK KRUITHOF - JACINTHE LESSARD-L. - PÉTREL & ROUMAGNAC - ALANA RILEY
Loin des yeux engage le regardeur dans une exploration de l’invisible. L’exposition englobe une sélection d’œuvres photographique et vidéographique dont les images partielles, souterraines et ambivalentes se dérobent au regard. Les artistes de l'exposition expérimentent des brouillages visuels qui rendent compte de plusieurs strates de visibilité, lesquelles déplacent notre perception pour la conduire – ou la perdre – vers des images cachées qui oscillent entre disparition et révélation. Infiltrant ces diverses possibilités d’existence, l’exposition explore les stratégies singulières de dissimulation et de résistance qui d’emblée affectent notre lecture des œuvres.
La disparition totale ou partielle du sujet, son accès rendu presque impossible dû à un brouillage volontaire par parasitage, est une stratégie récurrente. Elle invite à expérimenter les œuvres dont la perception est vacillante et maintenue en tension ; elle place notamment le regardeur dans une position ambiguë tant physique que réflexive. Ainsi, l’exposition introduit de nouvelles relations entre les œuvres et le spectateur, en les soustrayant ou en les dérobant partiellement à la vue. Ces déclinaisons engendrent une frustration latente qui oblige à appréhender différemment l’image qu’elle soit fixe ou en mouvement.
Loin des yeux engages the viewer in an exploration of the invisible. The exhibition encompasses a selection of photographic and video works in which the images—partial, ambivalent, subterranean—shy away from the gaze. The artists experiment with visual blurrings that testify to the many layers of visibility. They shift our perception, leading (or losing) it, as hidden images oscillate between disappearance and revelation. Infiltrating the various existential possibilities, the exhibition explores peculiar strategies of dissimulation and resistance that have an immediate impact on our reading of the works.
The total or partial disappearance of the subject, access to it made nearly impossible by an intentional and parasitic blurring, is a recurring strategy. It calls for experiencing works of vacillating perception and in a constant state of tension, placing the viewer in a physically and reflexively ambiguous position. The exhibition thus introduces new relationships between the spectator and the works, which are removed or partially obscured. These variations spawn a latent frustration that forces viewers to apprehend the image differently, whether it be fixed or moving.
Anouk Kruithof réalise une série à partir de négatifs trouvés sur lesquels elle appose les empreintes lumineuses d’un flash. L’éblouissement causé par un Iphone, tel un geste d’effacement et de râture d’une mémoire, compose des images hybrides et résiduelles. Jacinthe Lessard-L. évoque quant à elle l’appareil photo argentique. Elle produit l’image elliptique et inversée d’un objectif, puisant dans l’aspect non visible de la photographie pour en interroger la nature-même. Julien Discrit ne conserve de la photographie que sa source lumineuse. En isolant à l’aide d’un spectromètre la lumière prise dans un temps et dans un lieu précis, il crée une installation où le réel capté devient désormais une image sans image qui renvoie uniquement au filtre de la couleur.
Dans son œuvre vidéo, Alana Riley retourne la caméra numérique face à la source lumineuse afin de produire une image liminale aux limites de l’abstraction. À l’instar de Riley, Claire Hannicq engendre des effets d’éblouissements volontaires qui interrogent l’acte photographique. Toutes deux exploitent le potentiel lumineux d’une scène filmée ou d’une photographie mise en scène dans l’espace pour brouiller momentanément la vision et semer le doute sur les modalités d’existence des images. Avec une série de photographies accessibles en ligne qu’une seule fois, Hannicq affirme également le paradoxe du statut unique de l’image pourtant reproductible. Le livre objet de Pétrel | Roumagnac place le spectateur face à une image absente. Le duo propose une transcription textuelle de prises de vue photographique et de manipulations d’images réalisées dans une réserve muséale. L’écriture emprunte sa forme au théâtre pour restituer les images par le biais de didascalies, sans être exposées au regard. Dans son ensemble, l’exposition met en jeu des images contradictoires, appelées à se dissiper dans l’instant de leur apparition. Ces dernières affirment l’existence persistante du médium photographique, tout en étant malgré tout fuyantes : que ce soit dans la disparition ou l’ellipse, l’occultation ou l’abstraction, la matérialité de l’image et sa fragilité ne sont jamais très loin.
Par le biais de simples manipulations, parfois combinées aux technologies actuelles, les processus à œuvres peuvent évoquer les explorations lumineuses de la photographie et du cinéma des premiers temps. Les artistes réunis tissent un lien sensible, parfois ténu, parfois plus assumé avec ces expérimentations pour revenir à une utilisation accidentelle, spontanée ou combinée de la lumière comme premier matériau de création. Loin des yeux ne propose pas tant un rapport nostalgique au médium qu’un détournement critique et ludique qui permet de redéfinir notre rapport aux images et leurs modes d’apparition actuels. Il invite à réinventer une contemplation, face à des images instables et indociles, pour amorcer une réflexion sur la production de masse et leur prolifération dans la culture visuelle aujourd’hui.
Claire Moeder remercie le Conseil des arts et lettres du Québec de son appui financier.
Anouk Kruithof is producing a series based on found photo-negatives on which she applies the luminous impression of a flash. The glare from the iPhone, like an act of erasing or wiping memory, nonetheless produces hybrid, residual images. Jacinthe Lessard-L.'s work, for its part, suggests the use of a silver halide camera. She produces the elliptical and reversed image of a lens, drawing on the non-visual aspect of photography in order to examine its very nature. Of photography, Julien Discrit only preserves its luminous source. Using a spectrometer to isolate the light taken at a specific point in time and place, he creates an installation where the captured real now becomes an imageless image that refers solely to colour filtre.
In her video work, Alana Riley turns the digital camera back toward the luminous source in order to produce a liminal image at the limits of abstraction. And like Riley, Claire Hannicq generates intentionally dazzling effects that interrogate the act of photography. Both artists exploit the luminous potential of a filmed sequence or of a photograph arranged in the installation space to momentarily blur one’s sight and to instill doubt regarding the terms of the image’s existence. With a series of photographs that are available online for one time only, Hannicq also underscores the paradox of the image’s unique status and its reproducibility. Pétrel | Roumagnac's book-object places the spectator in front of an absent image. The duo proposes a textual transcription of photographs and of image transformations produced in museum conservation facilities. The writing borrows its form from theatre, restoring images through stage directions and blocking without coming into view. On the whole, the exhibition brings contradictory images into play, images meant to dissolve at the moment of their appearance, while affirming the persistance of the photographic medium despite their fleeting nature: whether through disappearances or omissions, concealment or abstraction, the materiality and fragility of the image are never far way.
Through simple manipulations, sometimes combined with new technologies, the processes at work can suggest luminous explorations of the beginnings of photography and cinema. The artists here brought together fashion sensitive, variously tenuous or more self-assured connections with these experimentations in order to return to an accidental, spontaneous, or compound use of light as primary creative material. Loin des yeux does not propose a nostalgic rapport with the medium so much as a critical though playful deflection that enables us to redefine our relationship with images and their current modes of appearance. It invites us to reinvent a contemplation before unstable and defiant images and to begin a reflection on their mass production and proliferation in today’s visual culture.
Claire Moeder wishes to thank the Conseil des arts et des lettres du Québec for its financial support.
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