Commissaire : Anne-Marie St-Jean Aubre
jusqu'au 20 fév | until Feb 20
artdiagonale.org
Vue de l’exposition Au fil de l’histoire, 2016. Photo : Guy L’Heureux
MICHAEL BLUM - LEAH DECTER & JAIMIE ISAAC - KEESIC DOUGLAS
« L’époque de la liberté des hautes mers, là où les compagnies pouvaient opérer selon leurs propres lois et échapper ainsi à l’emprise des États souverains, est-elle vraiment dépassée? » (A Company with Sovereignty and Subjects of Its Own? The Case of the Hudson’s Bay Company, 1670–1763, Edward Cavanagh)
Colonialisme et capitalisme se rencontrent au sein de ce projet considéré comme une occasion de s’interroger sur l’histoire canadienne. Exemplaire du mouvement qui traverse cette exposition, l’œuvre Trade Me (2010) de Keesic Douglas montre le voyage agrémenté de portages et d’incidents effectué par l’artiste qui emprunte les cours d’eau reliant la réserve Rama à Toronto, pour retourner à la boutique de la Baie d’Hudson la fameuse couverture rayée remise à son arrière-arrière-grand-père en échange de peaux et de fourrures.
“Is the era of high seas, in which companies operate beyond the sovereign grasp of nation-states as laws unto themselves, even actually behind us?” (A Company with Sovereignty and Subjects of Its Own? The Case of the Hudson’s Bay Company, 1670–1763, Edward Cavanagh)
Colonialism and capitalism meet in this project, providing us with an opportunity to reflect on Canadian history. Exemplifying the thread that runs throughout the exhibition, Keesic Douglas’ work titled Trade Me (2010), describes a journey by canoe carried out by the artist, replete with various incidents and portages, as he retraces the voyage from the Chippewas of Rama First Nation to the Hudson’s Bay store in Toronto, in an attempt to return the famous striped blanket given to his great-great-grandfather in exchange for animal hides and furs.
Usant de stratégies similaires – la documentation d’un périple suivant une route commerciale, un intérêt pour l’enquête de terrain –, Michael Blum et Keesic Douglas mettent en scène une histoire traitant de la production et de la circulation d’un bien de consommation : une paire de chaussure Nike, une couverture de la Baie d’Hudson. Leah Decter contextualise pour sa part la couverture de la Baie d’Hudson au sein de l’histoire coloniale canadienne en créant des ponts entre le passé et le présent, référant à la fois à sa valeur d’échange lors de la traite des fourrures et à la déclaration controversée du premier ministre Harper qui affirmait, en 2009, que le Canada n’a pas d’histoire coloniale. En tant qu’une des plus vieilles corporations encore en activité au monde, l’entreprise de la Baie d’Hudson, fondée en 1670 par proclamation d’une charte royale sous le nom de la Compagnie des Aventuriers d’Angleterre, a agit comme force colonisatrice de développement de la Terre de Rupert. Souveraine sur le territoire qui allait devenir le Canada, l’action de la compagnie visait moins à civiliser les populations amérindiennes qu’à engendrer un développement économique au profit de la Métropole et, éventuellement, à ouvrir de nouveaux marchés. Traversant l’histoire, la Baie d’Hudson témoigne de la construction du Canada et de la transformation de l’économie, étroitement liée aux enjeux politiques. Comme le souligne l’historien Edward Cavanagh, c’est par l’action d’une corporation que s’est d’abord organisée la colonisation du territoire, un fondement qui nous incite à observer sous une lumière différente les pratiques des multinationales d’aujourd’hui. En remontant aux sources, ces artistes prennent ainsi à rebours le processus colonial, l’inversant en quelque sorte afin de le critiquer. Ensembles, leurs œuvres mettent en perspective le développement du capitalisme et s’interrogent sur les liens entre cette histoire et celle de l’entreprise coloniale.
- Anne-Marie St-Jean Aubre
Through similar strategies – documentation of a long journey along a trade route and an interest in field surveys – Michael Blum and Keesic Douglas present a history that deals with the production and circulation of consumer goods: a pair of Nike shoes, a Hudson’s Bay blanket. For her part, Leah Decter contextualizes the Hudson’s Bay blanket within the history of Canadian colonialism by creating links between the past and the present, referring both to its exchange value during the fur trade, and to former Prime Minister Stephen Harper’s controversial statement in 2009 that Canada has ‘no history of Colonialism’. As one of the world’s longest-standing corporations still active today, the Hudson’s Bay company, founded in 1670 by proclamation of the English royal charter as The Governor and Company of Adventurers of England trading into Hudson’s Bay, acted as a colonizing force of development in Rupert’s Land. Sovereign on the territory that was to become Canada, the company’s activities were less aimed at civilizing the indigenous population, and more toward creating economic development in favour of its home country, and eventually opening new markets. Throughout history, the Hudson’s Bay has witnessed the building of Canada and the transformation of an economy that is closely tied to political concerns. As historian Edward Cavanagh points out, the colonization of a territory was first organized through the actions of a corporation, a foundation that incites us to observe the practices of today’s multinationals in a differently light. By going back to the source, these artists reverse the colonial process, inverting it to some extent in order to criticize it. Together, these works place the development of capitalism in perspective and question the links between this history and the history of colonial enterprise.
- Translation: Jo-Anne Balcaen
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