14 nov au 19 déc | Nov 14 to Dec 19
vernissage 14 nov 15h00 | Nov 14 ~ 3:00PM
optica.ca
NICOLAS LACHANCE
« SOUS ROCHE TRANSPIRER »
Nicolas Lachance, Untitled III, 2015, Encre à papier carbone sur toile, 244 x 183 cm, permission de l’artiste. Photo Richard-Max Tremblay
Comment générer des intensités dans un monde noyé d’images, d’imageries de seconde et de troisième main, dans ce monde lui-même devenu simulacre ? Cette question motive le travail de Nicolas Lachance, qui convoque le dispositif de la peinture pour en soumettre les composantes à des procédures rigoureuses d’accumulation et de compression. Les techniques mêmes de la multiplication exponentielle des images –impression et transfert, laminage couche par couche, empilement de dépôts – servent à créer des tableaux particulièrement denses, tels des concentrés stratifiés de la quantité. Or, Lachance soustrait autant qu’il additionne : il épuise les pigments, il sable les couches de peinture, il en éponge tout surplus jusqu’à ouvrir la trame du canevas, faire craquer la muraille du visible, et en extraire une image.
How do we generate intensity in a world swamped with images, with second- and third-hand imagery, in a world that has itself become a simulacrum? This question drives the work of Nicolas Lachance, who summons the device of painting while subjecting its components to a rigorous process of compression and accumulation. He uses the very techniques that lie behind the exponential proliferation of images—prints and transfers, layered lamination, piled sediments—to create particularly dense tableaux, a profusion of condensed stratifications. Yet Lachance subtracts as much as he adds: he exhausts the pigment, sands the layers of paint, wipes all surplus to the point of opening up the weave of the canvas; he cracks through the wall of the invisible to extract a single image from it.
MARTIN LEDUC
« CORDES : IN SITU / IN CITY »
Martin Leduc, Cordes, 2013-2015, Sculpture sonore cinétique, aluminium, électronique, algorithmes, 7 m de diamètre, 3 m de haut, mouvements et sons perpétuels, permission de l’artiste. Photo Martin Leduc
Martin Leduc est un artiste du son et de l’instant. Ce montréalais originaire de l’île Perrot puise son inspiration dans l’observation et l’écoute des cycles naturels, tels que la modulation stable et à la fois transitoire du vent dans les feuilles et à la surface de l’eau. À l’instar de ses œuvres précédentes, Cordes propose une réflexion sur notre rapport à l’environnement sonore par l’entremise d’un parcours auditif, constamment renouvellé, soumis à un nombre infini de variables. Rappelant des phénomènes éoliens, cet instrument cinétique spatialise des progressions sonores sans cesse modifiées au gré des mouvements qu’il génère. « On ne peut entrer deux fois dans le même fleuve »1 et, pour autant que ses flots soient sonores, Cordes ne sollicite jamais la même écoute.
Martin Leduc is an artist of sound and of the moment. A Montrealer hailing from Île Perrot, Leduc draws inspiration from observing and listening to the cycles of nature, such as the steady yet ephemeral modulations of wind in the leaves or on the surface of water. As in his previous work, Cordes proposes a reflection on our relationship with the sound environment through a constantly renewed, infinitely variable auditory excursion. Suggestive of eolian phenomena, this kinetic instrument spatializes sound progressions that are constantly modified according to the movements it generates. As in the Heraclitean river that one cannot enter twice1, Cordes is a stream of sound that offers an entirely different listening experience at every audition.
NICOLAS LACHANCE
Qui dit extraction, dit labeur. L’apparition de l’image ne renvoie jamais ici au registre épiphanique de la révélation, mais elle procède plutôt d’une logique de la transpiration. C’est avec la peau que regardent les surconsommateurs d’images que nous sommes aujourd’hui : tantôt par incidence, attention vague, effleurement oblique ; tantôt par pression, friction, quelque adhérence tenace, si bien que les images s’infiltrent et suintent en nous par tous les pores. Dès lors, ce qui nous est donné à voir par l’artiste est une image elle-même pelliculaire, exsudée : le contact en est contagieux, volontiers corrosif, tant au moment de l’inscription des traces sur la toile qu’à celui de l’image sur notre rétine.
Dans ses œuvres récentes, Lachance interroge le dédoublement de l’image. Il sélectionne des motifs issus du monde de la reproductibilité infinie des images, tels que des endos d’affiches laminées, chinées dans les magasins d’économie, ou des photographies d’archives rescapées des vidanges de la mémoire. Ces motifs sont ensuite travaillés, moins comme des sujets à représenter que comme des fragments du temps ou des inscriptions naturelles à décrypter, à l’instar de la lecture divinatoire des étoiles, des pierres ou des vols d’oiseaux. La monotonie du camaïeu (peinture à la poussière, transfert de papier carbone sur la toile) traduit cette ambiguïté de l’image et en ouvre le corps palimpseste, activé comme un épiderme, un filet perméable à la propagation des affects.
Auteure : Ji-Yoon Han est doctorante en histoire de l’art à l’Université de Montréal.
Depuis 2014, Nicolas Lachance a exposé son travail à la fonderie Darling, ainsi qu'à la galerie René Blouin qui le représente. Il a été lauréat, avec une mention honorable, au concours de peintures canadiennes RBC 2014. Il vit et travaille à Montréal.
Extraction means labour. The image’s appearance here never registers as the epiphany of revelation, but proceeds, rather, from a logic of perspiration. Skin is what the over-consumers of images see with today—at times by effect or consequence, through nebulous attention or peripheral sensation; at others by pressure, friction, or some stubborn attachment—such that images infiltrate and suffuse us through every pore. As such, what the artist offers us is an image that is itself emulsified and exuded, its contact contagious, corrosive by design, in its inscription both of the traces on the canvas and of the image on our retinas.
In his recent works, Lachance examines the replication of the image. He culls motifs from the world of infinitely reproduceable images, like the backs of laminated posters, finds unearthed from thrift stores, or archival photographs recovered from the dustbins of memory. These motifs are then reworked, not as subjects for representation but as fragments of time or natural inscriptions to be interpreted, much like a divinatory reading of the stars, stones, or the flight of birds. The monotony of shaded monochrome (dust painting, transfers from carbon paper to canvas) renders the ambiguity of the image and reveals its palimpsest body, activated like a skin, a membrane permeable to affective proliferations.
Author: Ji-Yoon Han is pursuing doctoral studies in art history at Université de Montréal.
Since 2014, Nicolas Lachance has exhibited his work at the Darling Foundry and at Galerie René Blouin, which represents him. He garnered an Honourable Mention at the 2014 RBC Canadian Painting Competition. He lives and works in Montréal.
MARTIN LEDUC
Cette sculpture-instrument reprend la notion d’aléatoire balisé, inspirée de la programmation probabiliste stochastique de Iannis Xénakis, et l’intègre à un mobile suspendu dans l’espace, qui n’est pas sans évoquer le mouvement des carillons et le son des harpes éoliennes. Sa particularité réside dans le fait de créer de manière autonome une progression cinétique et sonore, à la fois indéterministe et continue, déployant un flux d’interactions entre l’espace, le temps et le mouvement. Volontairement archaïque dans les émotions sous-jacentes qu’elle suscite, elle est aussi profondément moderne dans sa conception. L’œuvre nous interpelle comme témoin de savoirs techniques ici mis en œuvre qui trouvent leur prolongement dans les nouvelles technologies avec lesquelles ils partagent un fond culturel commun. Nous serions des héritiers innovants ou comme le disait Régis Debray : « Homo innove par ce qu’il stocke »2.
Leduc suggère de découvrir en situation d’autres potentiels d’écoute, en dehors des schèmes de l’enregistrement, du spectacle et de la synthèse sonore. Il convie le public à une expérience perceptuelle et sensorielle ; il offre un espace-temps de répit aujourd’hui trop rare et souvent négligé. Cordes se révèle ainsi comme l’écho apprivoisé d’une respiration de la nature, une parenthèse in situ au bourdonnement de la vie urbaine et l’humus d’une réflexion sur notre environnement sonore, son empreinte sur le corps autant que sur l’esprit.
- Pradeau, J. F. (2004). Héraclite, Fragments. Paris : Flammarion, p. 102.
- Debray, R. (2000). Introduction à la médiologie. Paris : PUF, p. 17.
Auteure : Louise Mongeau a étudié l’anthropologie sociale et l’ethnomusicologie à Paris et à Montréal ainsi que la communication sociale à Bruxelles.
Martin Leduc est doctorant finissant à l’Université du Québec à Montréal en études et pratiques des arts. Il a étudié en parallèle à l’Université de Montréal en électroacoustique. Il s’inspire et s’approprie des concepts et théories diverses, dont principalement l’autopoïèse de Francesco Varela, la stochastique de Iannis Xénakis, l’organologie générale de Bernard Stiegler et la médiologie de Régis Debray. Ses œuvres ont été présentées au Brésil, aux États-Unis et au Québec, notamment au Jardin de Métis.
This sculpture-instrument adopts the notion of controlled randomness, inspired by the probabilistic stochastic compositions of Iannis Xenakis, and combines it with a mobile hanging in the space, which recalls a peal of bells or an aeolian harp. Its particularity resides in creating an autonomous kinetic and audio progression, at once indeterminate and continuous, yielding a flow of interactions between space, time, and movement. Decidedly old-fashioned in the underlying emotions it kindles, it is also profoundly modern in conception. The work speaks to us of the technical know-how at work, which is extended into new technologies with which it shares a common cultural background. We are the innovative heirs or, as Régis Debray put it, we innovate by what we store.2
Leduc proposes to discover other listening potentialities in situ, beyond the framework of recordings, performances, and sound synthesis. He invites audiences to a perceptual and sensory experience. He offers us a now all-too-rare and often neglected time-space of respite. Cordes thus becomes the tamed echo of a breath of nature, an in situ aside in the urban bustle, the fertile humus of reflection on our sound environment, a sound that marks the body as well as the mind.
- Pradeau, J. F. (2004). Héraclite, Fragments. Paris : Flammarion, p. 102.
- Debray, R. (2000). Introduction à la médiologie. Paris : PUF, p. 17.
Author: Louise Mongeau studied social anthropology and ethnomusicology in Paris and in Montréal and social communications in Brussels.
Martin Leduc is completing a doctorate in art studies and practice at Université du Québec à Montréal. At the same time, he studied in electroacoustics at Université de Montréal. He draws inspiration from and appropriates various concepts and theories, especially the autopoiesis of Francesco Varela, the stochastics of Iannis Xenakis, Bernard Stiegler’s general organology, and Régis Debray’s mediology. He has presented his work in Brazil, in the United States, and in Québec, at the Jardin de Métis, among other venues.
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