Samedi dernier, je suis allé faire un tour rapidos au Belgo, histoire d'attraper le dernier souffle d'expositions qui se terminaient et d'autres qui débutent à peine. Je vous invite à poursuivre votre lecture et savourer les œuvres de Mathieu Lévesque, de Pascal Caputo, de Sylvia Safdie et de Maria Hupfield. Bonne visite !
Pascal Caputo, Latitude anthropique, vue d'installation
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En sortant de la station Place des arts, rue Bleury, j'ai été surpris d'y apercevoir ce joli édifice en construction ; ça fait plaisir à voir au centre-ville où plusieurs buildings et/ou terrains vagues laissent à désirer.
MATHIEU LÉVESQUE @ trois points
photos : Mathieu Lévesque, BF4E, tableaux et vues d'installation
Premier arrêt : l'exposition de Mathieu Lévesque chez Trois Points, qui se terminait justement ce jour là. J'avais apprécié auparavant les tableaux-cadres de Lévesque devenus pour moi objets de design, avec la couleur à l'endos biseauté des œuvres, projetant une lueur sur le mur où elles se trouvaient accrochées. Au premier coup d’œil j'avais d'abord cru qu'il y avait un dispositif lumineux, des LED certainement, qui projetait cet éclairage, mais non, il s'agissait vraiment de peinture. L'effet était renversant, tant au niveau de l'expérience sensuelle que du sens que ce corpus pouvait évoquer. En quelque sorte, cette couleur vive éclairant le mur nous informe de la propriété « irradiante » d'un tableau. Une œuvre picturale projette ainsi vers les spectateurs sa lumière, ses formes et couleurs, faisant image une fois rendu dans notre cerveau, en passant par nos yeux. Je me souviens d'ailleurs de la réaction de mon compagnon qui, visiblement très stimulé par les tableaux, se demandait s'il pouvait refaire quelque chose de similaire à la maison ...
l'éditeur entre deux reflets chromatiques - photo Jean-Michel Bourgeois
Dans le cadre de cette nouvelle exposition, Lévesque a poussé sa réflexion en présentant des tableaux-cadres déjantés et surtout cette méga-structure (ci-haut) envahissant complètement une des deux salles de la galerie. Ce « coin » géant est en fait tout blanc et la couleur qu'on perçoit est celle peinte sur le mur et réfléchie sur l'installation.
En regardant de plus près, on s'aperçoit que les couleurs ne sont plus peintes en aplat comme auparavant. La peinture vient surtout de bombes aérosol, comme sur le mur de la pièce rouge et verte d'ailleurs, rappelant les origines de writer de Lévesque qui s'adonnait au graffiti plus jeune.
photos : Sylvia Safdie, Body – Transforming – Gesture, giclées, sculptures et vidéos
Chez Joyce, Sylvia Safdie nous transporte dans un monde où la figure humaine semble suspendue dans un vide sidéral. Explorant depuis des décennies les éléments de la nature et la forme humaine, l'artiste nous montre ici des êtres humains réduits au minimum, pareils à des ombres. On dirait qu'elle a réussi à évacuer les personnes de leur enveloppe charnelle, qui nous apparaissent complètement dénuées d'apparat. Dans une des vidéos, on croirait assister à une rencontre entre deux insectes, une vision étrangement banale et pourtant une certaine intrigue s'installe. Nous voilà en train de projeter un scénario sur ces ombres indiscernables. Que font-ils là, quelle est leur relation, etc.
Dans la grande salle se trouvent des bronze moulés à partir de pierres trouvées, perchés très haut, évoquant des têtes humaines. Les sculptures ainsi disposées me rappelaient à la fois l'art primitif et l'art moderne, Brancusi notamment.
Il se dégage de l'exposition un grand calme, quelque chose de solennel et à la fois de très humble. À découvrir en douceur, pour s'imprégner de présence et d'une grande sensibilité.
PASCAL CAPUTO @ dominique bouffard
photos : Pascal Caputo, Latitude anthropique, peintures et installations
C'était un grand plaisir de revoir l'art de Pascal, qui était présent lors de mon passage. Nous avons poursuivit notre conversation, comme une suite logique à notre dernière rencontre, dans le cadre de la web-série ratsdeville@montréal. Ce nouveau corpus s'inscrit d'ailleurs en continuité avec son travail sur la banalité des auto-portraits de vacanciers partagés sur le web. Derrière le grand mur qui nous accueille avec un couché de soleil sur la mer et son palmier, se trouvent des images qui nous parlent de désastres naturels. L'ironie que nous pouvions déceler auparavant a fait place au désolement. Ces même lieux idylliques, chauds et près de l'océan, sont justement les endroits les plus susceptibles d'être balayés par les tornades et les ouragans. Laissant les populations locales dans un état de précarité constant. Avec les changements climatiques, ces phénomènes naturels se sont amplifiés au cours des dernières années et continuent de prendre de l'envergure, menaçant de détruire les lieux où les occidentaux vont se prélasser au soleil.
La grande surprise de « Latitude anthropique » est une œuvre installative illustrant le passage de typhon dans une maison. L'artiste a construit une pièce entière à l'intérieur de la galerie, pour ensuite la détruire minutieusement et reproduire l'effet d'un désastre naturel. Le résultat est saisissant. Après un instant passé à discuté avec Caputo, tout en observant ce joli « foutoir », je me rends compte qu'il ne s'agit pas de réalisme ni de mimesis à proprement parler. Comme avec ses nouvelles peintures, ce qui me revenait en tête était plutôt l'impressionnisme. Les œuvres dans l'exposition rendent une certaine « impression » d'un évènement - ici une catastrophe - jouant avec nos sens et notre subjectivité, plus qu'avec l'acuité d'une imitation méthodique. Au fur et à mesure que je restais avec l'installation, elle prenait les allures d'une composition : les formes, masses et les couleurs, les bouts de bois « fichés » à travers les murs faisant offices de traits. Nous avons affaire effectivement ici à une œuvre « esthétique », non sans rappeler le plasticien Robert Rauschenberg - par le collage de matériaux et d'objets trouvés utilisés comme éléments graphiques.
Ici une toute petite peinture, aux allures décidément impressionnistes, dénuée de détail, illustre la menace imminente d'un ouragan. Dans ces nouvelles œuvres, les découpages ont disparu, on peut en déduire que les figures humaines aussi. Nous constatons la nature dans un état de bouleversement provoqué - ou du moins exacerbé - par les actions humaines, posées à des milliers de kilomètres. Dans le « village global » que nous habitons, notre conscience assimile maintenant que nous sommes un, que ce que nous faisons ici a des impacts ressentis immédiatement à l'autre bout de la planète et que nos actions sont irréversibles. Les effets de notre mode de vie consumériste produisant des conséquences qui se déploient dans le temps et qui continueront bien longtemps après notre mort et peut-être même après la disparition de notre espèce.
Celle-ci, dans la lignée d’œuvres avec retrait de la figure était particulièrement touchante. Contrairement aux images où le découpage est vertical, évoquant le cercueil mais aussi la personne se tenant debout, on peut imaginer qu'il s'agit là de l'espace occupé par une victime recroquevillée sur elle-même, trépassée. Ici encore, j'apprécie aussi la « peinture pour elle-même », la composition et la coloration tout en subtilités, l'inscrivant dans le courant des plasticiens.
MARIA HUPFIELD @ hugues charbonneau
photos : Maria Hupfield, Stay Golden, sculptures, vidéos et installation
Étant moins familier avec le travail de Maria Hupfield, j'étais content de passer voir l'exposition « Stay Golden » qui se terminait le jour même. L'artiste fabrique à la main des objets traditionnels dans des matériaux inusités, comme ce canot de neuf pieds en feutre qu'elle avait présenté lors d'une performance à Venise en mai 2015. C'était la fin de la journée et je n'ai pu que prendre quelques clichés de l'exposition, à la volette.
Sans avoir eu beaucoup de temps pour m'imprégner des œuvres ni discuter avec le galeriste, il est évident que Hupfield s'amuse avec les codes relatifs aux objets qu'elle présente - qui renvoient à la culture autochtone - et au matériaux comme le feutre et les revêtements dorés.
C'est ici que se termine ma course, avec un mystérieux « mur des trophées » où reposent des œuvres issus de performances passées et qui recèlent des histoires qui demeure pour le moment inconnues.
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