jusqu'au 31 oct | until Oct 31
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LAURENT LAMARCHE
« HORS-LAB »
Les œuvres de Laurent Lamarche sont chaque fois comme de nouvelles expériences du réel : la frontière entre le vrai et le faux, puis celle entre l’esthétique artistique et scientifique, est difficilement cernable. Depuis plusieurs années, il explore ces zones où, plus qu’une simple tension entre les phénomènes naturels et illusoires, il existe un monde immense de possibilités et d’interprétations. Par contre, il ne se laisse pas avoir au jeu du mimétisme : il transfigure les matériaux pour les faire voir autrement plus qu’il ne les utilise pour leurs propriétés esthétiques. Il ne s’agit pas ici de représentation.
The word transparency evokes a multitude of possible interpretations. In the literal sense, it denotes materials and substances that allow for the passing through of light. It is also a concept laden with political significance; a government without transparency, as some of us know all too well, is a dangerous beast. Transparency also describes emotions that are easy to read, wherein that which is felt or intended bypasses cognitive and behavioural mitigation or filtration. Transparency’s range of poetic and electro-physical connotations provides Montreal-based artist Laurent Lamarche with the fodder for his most recent work.
BRANDON VICKERD
« MONUMENTS OF A PERFECT FUTURE »
Brandon Vickerd, Little Dead Astronaut, 2015
Dans l’exposition Monuments of a Perfect Future, Brandon Vickerd renverse avec humour et ironie l’idée d’absolu, ou d’extrême, dans quatre sculptures grandeur nature qui font office de monuments à la culture populaire. Chaque œuvre comporte des éléments contradictoires tout en représentant une unité sculpturale. On retrouve, par exemple, l’œuvre Ghost Rider (2015), une représentation iconographique de la mort, un squelette accoutré comme un personnage fougueux prêt à partir sur sa motocyclette.
What would a perfect future look like and how would it be represented for future generations to examine and question? What would we choose to preserve from high art and mainstream culture? How will our successes be depicted and will we account for our failures? Perhaps our contemporary mythologies will replace the ancient Greek and Roman gods and goddesses of yore with superheroes, extra-terrestrials and science fiction characters devastated by technological advancement.
BEVAN RAMSAY
« LESSER GODS / DIEUX MINEURS »
Bevan Ramsay, The bottom is a really interesting place, 2015
L’œuvre de Bevan Ramsay est troublante. Intitulée Dieux mineurs, la série de bustes finement exécutés évoque ceux dont on a hérité de la période baroque, et dont l’esthétique est encore aujourd’hui synonyme de triomphe, d’opulence, de pouvoir. Ses sujets, en revanche, ont peu à voir avec cette prétendue grandeur baroque : sans-abris abordés par Ramsay lors de ses méandres dans les boroughs de New York, des « citizens » ordinaires, de « vrais New-Yorkais », comme l’exprime l’artiste.
It is hardly surprising that in our society perceptions of homeless persons remain two-dimensional, stereotypical, inadequate. Even for the rare administration tackling the problems of homelessness in an effective, meaningful way, the homeless person’s humanity is buried beneath a mountain of endless statistical markers: mental illness, substance abuse, soup-kitchen attendance, etc. The enormous negativity lingering about the resultant profile permits scant room for other, arguably important accoutrements of the human experience—character, emotion, intellect, beauty, relationship to divinity—and leaves homeless persons basically where they already are: on the street, the objects of middle-class loathing or pity.
LAURENT LAMARCHE
Lamarche se joue des perceptions : notre regard tangue de l’infiniment petit au grandiose. On ne sait plus ce que l’on regarde : la photographie d’une plaque de givre ? La lentille d’un microscope magnifiée ? Il s’agit plutôt d’une plaque de plexiglas gravée telle du verre qui explore toute la surprenante profondeur et matérialité du médium.
La lumière, les effets de sa transparence et de ses modulations, sont utilisés afin de reproduire artificiellement certains attributs de la nature. À celle-ci se marient des matériaux banals et des dispositifs plus complexes qui lui permettent de questionner notre rapport à la technologie.
Oscillant entre le low-tech et le high-tech, il construit un univers immersif (avec des lasers, des matériaux pauvres – le plastique, la résine, l’acrylique et le verre – et des lumières) qui amène le visiteur à expérimenter des sensations physiques et optiques. Les lignes dansantes que crées ces dispositifs rappellent à la fois l’organique : soudain on se trouve dans un monde sous-marin, et la technologie : les lasers et lumières bleues nous rappellent des composantes électroniques.
Il met lui-même son travail en lien avec celui des scientifiques : alors que ceux-ci observent les données du réel, lui joue avec ces effets afin d’en explorer les possibles. Ses œuvres nous font vivre une expérience phénoménologique au sens premier du terme, car « d’une façon générale, la phénoménologie s’occupe de déterminer ce qui dans chaque espèce d’apparence est réel et vrai ; à cette fin, elle fait ressortir les causes et les circonstances particulières qui produisent et modifient une apparence, afin que l’on puisse à partir de l’apparence inférer le réel et le vrai. » En regardant une œuvre de Lamarche, nos sens expérimentent des sensations et se confrontent aux phénomènes, tant naturels que construits qu’ils mettent en doute.
- Catherine Barnabé
In this exhibition, Hors-lab, Lamarche uses everyday synthetic materials to create a phantasmagorical jungle of refracted light. By manipulating transparent surfaces, the artist orchestrates a complex series of light-based effects, which create an immersive environment altogether estranged from the typical clean white walls and sterile lighting of the gallery. Shown in conjunction with this cosmos of refracted light is a small, engraved Plexiglas plate, referencing the lens of a microscope and other empirical instruments. Here, the macrocosmic and the microcosmic are conflated, reminding us of the perennial parallel between matter’s infinitely small and unimaginably large forms of configuration.
Hors-lab is continuous with Lamarche’s oeuvre; for almost a decade, the artist has explored the messy territory where science and art convene. The title of the exhibition translates to “outside of the lab,” an apt description of Lamarche’s method; he often produces works with a scientific candour that are in essence fictive renderings of scientific forms of representation. In his earlier work, the artist moulded and photographed plastic and manufactured objects in such a way that transformed his workaday materials into Petri dishes replete with languid, amorphous amoebas, prehistoric insect-like creatures, and budding colonies of circular bacteria.
Lamarche’s use of plastic throughout his practice, and particularly in Hors-lab, can perhaps be read as a political statement, veiled in the vernaculars of scientific representation and contemporary art. In citing the history of imaging the organic world through the use of plastic, he collapses the distance between consumerism gone awry, and the real havoc that such consumption has wreaked upon the natural world. The Great Pacific garbage patch, made almost entirely of Lamarche’s preferred materials, is slowly but decidedly destroying innumerable ocean ecologies, frequent subject matter taken up by the artist, for example. In Hors-lab, Lamarche presents an alternate dimension wherein the transparency of plastic, glass and resin create a fantastical universe. Yet, an understanding of Lamarche’s use of transparent materials cannot be reduced to their articulation of the properties of matter and light. Transparency is also political, as evinced by the detrimental dimensions of the materials used. And, while Hors-lab meditates on the formal aspects of transparency, it also importantly proposes more transparency, in every sense of the word.
- Natasha Chaykowski
BRANDON VICKERD
Pour Vickerd, la trajectoire de recherche de départ consistait aussi en deux extrêmes : d’une part, une visite dans une conférence mythique de la culture populaire contemporaine : le Comic-Con International de San Diego. Cet événement de grande affluence présente livres, films, bande-dessinées liés à la culture de masse et sans prétention. Cette convention, la plus courue et visitée du genre, est portée par les fans de cette culture. D’autre part, Vickerd a visité des institutions culturelles en Ontario, l’AGO et le McLaren Centre pour y contempler les œuvres de maîtres-sculpteurs proclamés par les historiens de l’art et des siècles de reconnaissance artistique, Bernini et Rodin, entres autres. Le résultat de ses recherches lui permet de présenter un personnage de bande-dessinée Marvel, ce Ghost Rider cité plus haut, dans des médiums prestigieux tels le bronze et l’acier.
Un autre extrême de cette exposition se trouve dans le titre: les quatre sculptures de l’exposition deviennent des œuvres majestueuses perpétuant la mémoire de personnages de la culture populaire, tentant de les inscrire dans le répertoire classique. La pratique artistique de Vickerd questionne l’idée d’un avenir ultra-moderne fondée sur le progrès scientifique. Les sculptures de Vickerd sont, de manière éponyme, des monuments d’un parfait échec, un hommage à une vision d’un futur utopique, où l’humain, mort ou vivant, ne forme qu’un avec la machine. Figures morbides parées de leurs plus beaux atours, personnages mythiques sortis de leur tombe pour reprendre leur vie d’autrefois, défunt motard voulant à nouveau filer à vive allure. Encore deux absolus sont présents ici : la mort et la vie qui, dans les œuvres de Vickerd sont dépeints d’humeur légère et montrent que l’absolu peut à tout moment être renversé, détourné. Paul Cézanne a dit : « Celui qui n’a pas le goût de l’absolu (la perfection) se contente d’une médiocrité tranquille. » Cette médiocrité, Vickerd et ses personnages s’y refusent.
- Eunice Bélidor
Brandon Vickerd works in a realm of unreality where the perfect future is chimeral, where there are more questions asked than answers presented. In his recent pieces currently displayed at Art Mûr, we find skeletons of humans and primates. They are dressed in spacesuits, as seen in Monument to the First American in Space, or trailing tentacles and zebra mussels in The Sub-Mariner. The pieces are evocative, and somehow manage to come across as realistic; incongruous bodies and objects have been integrated into fluid forms. Generally, there is either a lot of movement (literal as well as implied) in Vickerd’s work, or a stasis, as seen with these beings frozen in action. They are unabashed in their theatricality. The polished, vibrant sculptures in these galleries represent a kind of death and memorialization. The forms are stripped of flesh and dressed in protective suits (potentially after the implied catastrophes), which appear either manufactured or suggestive of the organic.
Ghost Rider is an imposing, larger than life figure clad in motorcycle gear. The sculpture is unified by the monochromatic shellac of red automotive paint covering every inch of its surface, elevating the being to pop icon status. Standing on a square plinth, the rider becomes a superhero at rest, with his left knee bent and his hand balled in a fist, standing in a contrapposto half-swagger. It is equal parts classical sculpture and G.I. Joe figurine. The body seems vital and strong, his suit clinging to his form and folding at the joints. The illusion is subverted when it becomes apparent that the helmet is actually framing a skull, alluding to questions of risk, volition and mortality. The seated simian in Monument to the First American in Space appears locked into its spacesuit holding all the potential of an intergalactic voyage where the craft has already crashed, and there are no survivors.
Vickerd cites technology and failure as concerns that he explores in the art that he makes, and both are certainly conveyed in Monuments of a Perfect Future. In these works, the disasters have already happened, and Vickerd provides visions of what it might look like to rise from their rubble, or confront their aftermath head-on.
- Marsha Taichman
BEVAN RAMSAY
Ramsay reconnaît que ce décalage entre l’esthétique et le sujet — voire entre les spectateurs et le sujet — suggère rapidement une lecture politique de l’œuvre, comme une dénonciation des écarts sociaux-économiques injustes qui imprègnent nos sociétés et marginalisent certaines classes ou communautés. Mais l’artiste insiste que l’œuvre évolue au-delà de cette interprétation intuitive : « Ce qui m’intéresse est le fait qu’il existe une relation intime particulière entre le modèle, l’artiste et le spectateur » . Au lieu de présenter ses sujets comme victimes, Ramsay choisit de les idéaliser, sollicitant ainsi le regard critique et interrogateur de ses spectateurs plutôt que leur contemplation naïve, les encourageant à réaliser le rôle social qu’ils occupent dans cette triangulation.
Certains esprits critiques se poseront peut-être la question : l’œuvre Citizens parvient-elle réellement à venir en aide ou à améliorer la situation des communautés ou des individus qu’elle représente? C’est que l’objectif, répond Ramsay, n’est pas tout à fait là. Ramsay exemplifie plutôt un modèle théorisé notamment par Claire Bishop, selon lequel l’art socialement engagé ne découle pas de l’injonction « aimer son prochain », mais plutôt d’une position de responsabilité et de respect à l’égard de ses propres désirs.
La logique d’un tel art repose d’abord et avant tout sur la responsabilité de l’artiste envers ses propres ambitions, plutôt que sur l’obsession de produire une œuvre aux conséquences nécessairement positives. « L’impulsion à la base de l’œuvre est mon désir profond d’explorer et de réfléchir à des enjeux que je trouve personnellement compliqués ou problématiques » . Charité bien ordonnée commence par soi-même? Effectivement, mieux vaut respecter sa propre intégrité plutôt qu’agir dans la culpabilité et le désordre. En fin de compte, l’œuvre de Ramsay et la théorie de Bishop visent la même aspiration : un art socialement engagé qui implique l’artiste, le participant et le visiteur dans une démarche intelligente, respectueuse, collaborative et, par-dessous tout, intègre.
- Vincent Marquis
Struck by this depressing determinism, artist Bevan Ramsay set out to cast portrait busts of homeless persons (one woman, the others men), producing an edition in fine, white statuary Hydrocal plaster mounted on mahogany bases. These portraits, titled Lesser Gods, are objects of fine craftsmanship, skillfully rendered and strikingly beautiful, and they permit us to reconsider these folks not through the screen of stereotypes or statistics, but as individuals, complicating our urge to pity.
A Montrealer by upbringing, until recently Ramsay lived and worked out of New York, a city in which homelessness is closely contiguous with the city’s history and identity. In a certain irony, homeless people are statistically more likely to be native to New York than most New Yorkers. Yet, although they are more closely tied to place than the housed citizens (including Ramsay) of this intensely transplanted city, they are politically non-existent.
Accordingly, Ramsay spent many hours in conversation with his portrait subjects, getting to know them and letting them determine the course of the discussion. Most were open and forthcoming; only one remained demure. Biographical details were left out for privacy’s sake. Mindful of the need to respect person and character, and confronted by complex, daunting ethical issues, Ramsay did not rush to realize the project.
Baroque portraiture supplied Ramsay with an art-historical antecedent; with its emphasis on asymmetry, such portraiture yields greater charismatic possibilities than classical traditions. Rather than ideals or types, baroque portraiture insists on character, allowing the artist’s subjects to be “immortalized in high style,” as Ramsay explains.
We experience ourselves suddenly free to appreciate each subject’s facial expression and attitude, decisions on hair and beard grooming, or jacket style. And in Ramsay’s plaster, quite similar to porcelain, there is neither stench nor besmirchment—no abjection, no “street”—and we begin to understand what it is about homelessness that so terrifies the middle classes in the age of austerity. This guy—he could be you or me. Your son or my father. Our brother.
- Edwin Janzen
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