« ASYLUM IN THE SEA »
jusqu'au 23 août | until August 23
fonderiedarling.org
Il n’y a pas d’asile dans la mer. Pas de sortie, ni de sursis : rien qu’un espace océanique qui menace de nous submerger. Et pourtant, c’est là ce que nous promet le dernier corpus d’œuvres de Hajra Waheed. Suite de vingt-quatre œuvres montées sur des supports en bois triangulaires, Asylum In the Sea évoque un paradoxe : celui de trouver un répit en pleine noyade, de trouver un foyer temporaire dans les bouillons d’un environnement liquide. Petites jusqu’à une échelle intime, ressemblant à des cartes postales, les compositions sont disposées à travers l’espace comme des scénarimages, nous enjoignant à nous déplacer entre elles et autour d’elles dans notre tentative d’en tirer un récit.
There is no asylum in the sea. No exit, nor reprieve: only an oceanic space that threatens to overwhelm us. And yet, this is what Hajra Waheed’s latest body of work promises us. A suite of twenty-four works mounted to triangular wood supports, Asylum in the Sea suggests a paradox: of finding respite while drowning, of making a temporary home in a churning, liquid environment. Small and intimate, resembling postcards, the compositions are placed throughout the room like storyboards, encouraging us to move between and around them as we attempt to build a narrative from them.
Les images que nous voyons au premier abord sont des champs abstraits de points gris, équivalents visuels de parasite sonore, mais sur leur envers, nous découvrons de minuscules collages : cartes de quelque chose qui a disparu. Des photographies en noir et blanc de vagues, d’eau et parfois du ciel sont placées sur des grilles peintes, numérotées, puis annotées de dessins simples et de numéros tracés à la main. Des cercles et des flèches de diagramme attirent notre attention sur des endroits où quelque chose a déjà été, tandis que des chiffres font penser à des fréquences radio utilisées pour envoyer des signaux de détresse ou un appel au secours, demeurés sans réponse.
Cette approche fragmentée du récit qui joue aux limites du visible est caractéristique du travail de Waheed, une pratique multimédias de vaste envergure qui – comme l’océan lui-même – menace parfois d’absorber le spectateur dans les courants de ses histoires, tant personnelles que collectives. Asylum In the Sea n’est qu’un épisode à l’intérieur d’une histoire beaucoup plus vaste, faisant partie d’un corpus d’œuvres intitulé Sea Change (2013-) que Waheed décrit comme « un roman visuel » qui se déploiera sur de nombreuses années et des centaines d’œuvres. Au centre de ce roman se trouvent neuf protagonistes, tous disparus, présumés perdus en mer alors qu’ils migraient vers une vie meilleure. Chaque chapitre est dédié à un personnage différent, avec les traces visuelles et textuelles de chaque figure occupant une pièce d’une galerie, transformant le roman en un journal visuel immersif. Ces récits qui déploient sans relâche leur complexité pourraient être fictifs, mais ils paraissent également trop familiers et trop détaillés pour être fabriqués de toutes pièces. L’histoire, et l’histoire coloniale en particulier, avec ses récits liés au lieu d’origine, de migration, de perte et de disparition, est le point de départ du travail de Waheed. Ses récits, écrit-elle, « sont profondément influencés par les nombreuses expériences que j’ai vécues de traversée de frontières, ou plutôt de vivre parmi celles-ci. Nombreux parmi nous qui vivons d’une telle façon (par choix ou par contrainte) sont ceux qui disparaissent effectivement à l’occasion, pour refaire surface ultérieurement.1 »
Asylum In the Sea explore la fonction du déplacement et du transfert, aussi bien en tant que pratique artistique que comme métaphore des empreintes que le colonialisme laisse sur ses sujets. Basé sur des images photographiques trouvées transféré sur des toiles pour peindre par-dessus, le travail de Waheed laisse entendre que les représentations de personnes en mer sont empreintes d’histoires de migration auxquelles nous ne pouvons échapper. « Les filigranes sont estampées sur la surface et dans le grain », écrit l'anthropologue Ann Laura Stoler; « ...ils dénotent les signatures d’une histoire qui ne peut être ni arasée ni enlevée sans détruire le papier.2 » Nous ne saurons jamais dans quelles circonstances ces personnages sont disparus. Tout ce qui nous est offert, c’est la matière qui les a engloutis : ces figures absentes qui n’ont pas été documentées, mais qui ont quand même laissé leur marque sur nous tous.
- Hajra Waheed, interviewée par Rosalyn D’Mello, « Artist Hajra Waheed On “Sea Change”, her India Debut Solo », Blouin ARTINFO India, consulté le 31 mai 2015.
- Ann Laura Stoler, Along the Archival Grain: Epistemic Anxieties and Colonial Common Sense (Durham, NC: Duke UP, 2009), 8.
L'œuvre de Hajra Waheed cherche à aborder le processus de formation de l'identité personnelle, nationale et culturelle et ses liens à l'histoire politique, à l'imagination populaire et à l'impact global de la puissance coloniale à l'échelle mondiale.
Sa pratique de médias mixtes se compose de projets en cours qui forment une archive personnelle – une archive qui se constitue en réponse à tous ceux apparemment perdus dans le développement régional rapide et / ou dans les troubles politiques. Bien que les œuvres sur papier restent au fondement de sa pratique, elles agissent souvent comme points de départ pour de plus grandes installations en médias mixtes. Au cours de la dernière décennie, Waheed a participé à des expositions à travers le monde, y compris plus récemment Collages: Geste & Fragments, Musée d'art contemporain de Montréal (2014), Sea Change, Experimenter, Kolkata (2013), (In) the First Circle , Fondation Antoni Tapies, Barcelone et Lines of Control, Musée Herbert F. Johnson, New York (2012). Elle est lauréate de la prestigieuse bourse Victor-Martyn-Lynch-Staunton 2014 pour ses réalisations exceptionnelles en tant qu'artiste visuelle canadienne en mi-carrière, et ses œuvres font parties des collections permanentes d’un certain nombre d’institutions importantes, dont le Musée d'Art Moderne de New York, le British Museum de Londres, la Burger Collection de Zurich et le Devi Art Foundation de New Delhi. Elle vit et travaille à Montréal.
The images we first see are abstracted fields of grey dots, the visual equivalent of static noise, but on their verso we find tiny collages: maps to something that has gone missing. Black and white photographs of waves, water and occasionally sky are set onto painted grids, numbered, then annotated with simple line drawings and hand written numbers. Circles and diagrammatic arrows draw our attention to places where something once was, while the digits recall radio frequencies used to send out distress signals, or a call for help, that went unanswered.
This fragmented approach to narrative that plays at the edges of what can be seen is characteristic of Waheed’s work, a sprawling, multimedia practice which – like the ocean itself – sometimes threatens to subsume the viewer in the currents of its histories, both personal and collective. Asylum in the Sea is just one moment within a much larger story, part of an ongoing body of work titled Sea Change (2013–) that Waheed describes as “a visual novel” that will unfold over many years and hundreds of works. At the centre of this novel are its nine protagonists, all missing, presumed lost at sea in the course of migrating to a better life. Each chapter is devoted to a different character, with the visual and textual traces of each figure occupying one room of a gallery, turning the novel into an immersive visual diary.
These intricate, continuously unfurling accounts could be fictional, but they also seem too familiar and too specific to be fabricated. History, and colonial history in particular, with its stories of home, migration, loss and disappearance, is the departure point for Waheed’s work. Her narratives, she writes, “are deeply influenced by my many lived experiences traversing borders, or rather, living among them. So many of us who live along these lines (either by choice or force) do go missing or disappear at times, just to re-emerge later.1”
Asylum in the Sea explores the function of displacement and transference, both as an artistic practice and as a metaphor for the imprints that colonialism leaves on its subjects. By taking found photographic images and transferring them onto canvases to be notated and painted over, Waheed’s work suggests that representations of people at sea are imprinted with histories of migration that we cannot escape. “Watermarks are embossed on the surface and in the grain,” anthropologist Ann Laura Stoler writes; “...they denote signatures of a history that neither can be scraped off nor removed without destroying the paper.2” How these characters went missing, we will perhaps never know. All we are offered is the stuff that swallowed them up: these absent figures who went undocumented, but have left their marks on us all the same.
- Hajra Waheed, interviewed by Rosalyn D’Mello, “Artist Hajra Waheed On “Sea Change”, her India Debut Solo,” Blouin ARTINFO India, accessed May 31, 2015.
- Ann Laura Stoler, Along the Archival Grain: Epistemic Anxieties and Colonial Common Sense (Durham, NC: Duke UP, 2009), 8.
Hajra Waheed’s works seek to address personal, national and cultural identity formation in relation to political history, popular imagination and the broad impact of colonial power globally. Her mixed-media practice consists of ongoing bodies of work that constitute a growing personal archive – one developed in response to all those seemingly lost amongst rapid regional development and/or political strife. Although works on paper remain the foundation of her practice, they often act as starting points for larger mixed media installations. Over the last decade, Waheed has participated in exhibitions worldwide, most recently including Collages: Gesture & Fragments, Musée d’art contemporain de Montréal, QC (2014), Sea Change, Experimenter, Kolkata (2013), (In) the First Circle, Antoni Tapies Foundation, Barcelona and Lines of Control, Herbert F. Johnson Museum of Art, NY (2012). Recipient of the prestigious 2014 Victor Martyn Lynch-Staunton Award for outstanding achievement as a Canadian mid-career visual artist, her works can be found in a number of permanent collections including the Museum of Modern Art, NY, the British Museum, London, the Burger Collection, Zurich and Devi Art Foundation, New Delhi. She lives and works in Montréal.
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