Été 2013 – Je connais Bettina Forget depuis 2006 et elle m'a toujours surpris par ses talents d'entrepreneur, la fraicheur avec laquelle elle aborde les gens et les situations, sa générosité et j'en passe. Myldred et moi nous sommes entretenu avec elle l'été dernier et il nous fait plaisir de vous présenter son parcours.
RDV : D'où viens ton engouement pour les arts visuels ?
Bettina : J'ai commencé très jeune. Enfant, ma mère disposait sur la table craies, crayons et peinture. Elle m'a montré les notions de perspective, comment dessiner et faire une peinture. Mon grand-père travaillait pour Bauhaus. La moitié des membres de ma famille sont des artistes et l'autre moitié des entrepreneurs. Être galeriste, c'est fusionner ces deux pratiques. Je n'avais pas de doutes sur la voie d'artiste et j'avais le soutien de ma famille, avec une grand-mère et une mère artistes, qui m'ont encouragé à prendre des cours en art. La plupart des gens qui veulent aller en arts doivent se battre avec leurs parents, moi on m'y a poussé.
RDV : Tu as voyagé beaucoup aussi, n'est-ce pas ?
Bettina : J'ai fait mes premières études artistiques en Allemagne. Puis, je suis déménagée à Londres où j'ai étudié à la fois en beaux-arts et en design graphique. Je suis arrivée à Montréal en 1990 et j'ai fondé une agence de design graphique « Zeitgeist Design ». J'aimais le travail créatif et trouver des solutions pour les clients. J'ai continué à peindre en parallèle et à faire des expositions ; c'était une activité secondaire, mais je n'ai jamais arrêté. Ensuite, des circonstances personnelles m'ont amené à Singapour, où je ne connaissais personne. J'ai fondé une agence « Visual Voice Design » mais je me suis rendu compte que le design graphique consistait surtout à résoudre les problèmes des autres, alors que j'avais plein d'idées que je n'étais pas en mesure de faire. J'avais ateint une sorte de plateau. J'ai décidé de retourner à l'école à Singapour en beaux-arts, avec des étudiants qui venaient de l'étranger, des australiens entre autres ; j'ai beaucoup appris d'autres cultures. J'ai fait plusieurs expos solos et connu un certain succès.
RDV : Et puis tu es revenue à Montréal ...
Bettina : Ma situation a effectivement changé à nouveau et je pouvais aller n'importe où. J'ai choisi de retourner à Montréal, et j'ai visé le Belgo, je voulais faire quelque chose là ... Pendant un temps, je dirigeais une galerie sur St-Alexandre, j'y montrais mon propre travail, mais je pensais encore au Belgo et c'est là que j'y voyais ma galerie. J'harcelais le gérant du Belgo pour avoir une place, j'étais très persistante, j'allais le voir constamment pour vérifier si un local venait à se libérer. Lorsqu'un espace devint disponible, je l'ai pris mais il était plus grand que ce que je pouvais me permettre financièrement. Au même moment, il y avait Jennifer Hamilton qui gérait la Peace Art Gallery. Je suis allé la voir à propos de son modèle de galerie locative. D'un côté j'allais louer l'espace d'exposition et de l'autre, j'allais avoir mon bureau et atelier. J'ai gardé la location à un prix bas, le but n'était pas d'avoir un revenu de ça. Je voulais arriver bien sûr mais j'avais autre chose en tête.
RDV : C'était une façon d'aider les artistes ?
Bettina : Oui. À cette époque, j'allais voir des galeristes pour leur montrer mon travail, une en particulier m'a expliqué qu'elle aimait bien ce que je faisais, mais que le problème était mon cv, qu'il était trop court et que je devais avoir plus d'expositions à mon actif pour être considérée par les galeristes. J'ai donc pensé ouvrir un espace pour aider les artistes à lancer leur carrière. J'ai voulu prendre le relai des universités, l'Uqam et Concordia, donner une chance aux étudiants sortants, pour qu'ils gagnent en expérience en montrant leur travail dehors de l'école.
RDV : C'était le début de la galerie pour toi.
Bettina : L'idée derrière Visual Voice, c'est de laisser une place à la voix des artistes. J'ai voulu créer un espace où l'on peut tout faire, de la danse contemporaine, de la performance, plus c'est fou mieux c'est. En plus de l'espace locatif, je me suis mise à faire la promotion des évènements, offrir une visibilité aux artistes avec des pages web, aider à monter l'exposition au besoin, l'accrochage, etc. J'ai commencé à faire du commissariat. L'idée était d'offrir un service complet. J'ai eu de la chance avec la couverture des médias aussi, ça m'a encouragée.
L'enquête est une série d'entrevues co-dirigée par Éric Bolduc et Myldred Alphonse.
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