La Galerie B-312 accueille l'exposition collective Blue Skies & Cats autour des artistes Sylvia Doebelt, Jacinthe Lessard-L, Yusuke Nishimura et Frederick Vidal. L'exposition est portée par les affinités électives entre ces quatre photographes complices qui se plaisent à explorer les limites de l'image.
toutes les photos : Frederick Vidal
Les images abstraites sélectionnées pour Blue Skies & Cats n'ont jamais été conçues comme de pures formes isolées, mais sont nées de l'accident, de la superposition ou du détournement de matériels divers bien tangibles. Dans ces images réunies sous la bannière de la photographie analytique, le spectateur n'est pas guidé par un paysage ou une figure humaine. Il fait face à des zones lumineuses différentes, parfois fragiles et sensibles (Jacinthe Lessard-L, Sylvia Doebelt), parfois davantage imposées (Yusuke Nishimura, White Masking Tape) qui orchestrent la lumière du soleil (Doebelt) tout autant que celle d'une ampoule (Vidal). Le spectateur est convié à parcourir l'exposition comme un chassé-croisé entre ces images qui se répondent où il pourra saisir avec quelque effort le lien entre elles.
C'est que les artistes ont supprimé presque entièrement tout repères visuels traditionnels et ont fait des paradoxes de la photographie le fil conducteur de leur création « entre vraisemblance et canular, entre documentaire et mise en scène, entre instantané et compression temporelle » (Mathieu Ménard). Les images nous demandent d'être vigilants et de ne pas nous laisser abuser par ce que nous voyons : les couleurs irréelles, les géométries parfaites, les formes répétitives sont autant d'éléments trompeurs qui paraissent immatériels. Pourtant la main du photographe est toujours présente au cœur du processus. Elle s'est appliquée à poser puis photographier près de 750 fois des morceaux de ruban adhésif (Yusuke Nishimura), à gratter la surface du papier photosensible (Jacinthe Lessard-L) ou encore, à combiner des capteurs de caméra et de projecteur vidéo (Sylvia Doebelt). La photographie est appréhendée par ces quatre artistes comme une expérience vivante, sujette à toute les manipulations et distorsions possibles.
Blue Skies & Cats est à l'image de sa première impression, trompeuse. L'exposition met en scène le genre de la photographie et c'est pourtant un son, issu de l'unique vidéo (Jacinthe Lessard-L) qui inaugure notre première rencontre avec l'image et donne le ton, fantomatique, de l'exposition : « When I don't see you there is just fog ». Là où la voix se place, l'image disparaît. La vidéo nous laisse face à une absence d'image où seules les imperfections d'un papier photographique périmé viennent accrocher l'oeil. À l'instar de la vidéo, ce sont donc les manqués de l'image qui sont donnés à voir : utilisation trop tardive, trop longue ou trop superposée de l'exposition lumineuse. Il faut ainsi accepter de se perdre face à ces images limitrophes qui se donnent parfois avec évidence (Frederick Vidal avec ses reconstitutions d'écorce de platane), parfois avec davantage de résistance (Sylvia Doebelt créant un effet de moiré). La lumière s'affirme à nouveau comme composante essentielle de la photographie. Assumant un rôle central voire pivôt de l'exposition, elle nous ramène à des expérimentations archaïques tout autant qu'à un versant abstrait actuel. Blue Skies & Cats réussit à produire un regard pointu sur cette jeune génération d'artistes détachée de l'emphase technologique, qui se tourne à la fois vers l'histoire de la photographie et son actualité.
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