L’esprit de l’art
Tout argument pour l’art l’est aussi pour la connaissance, pour le savoir comme fin en soi. Comment juger rationnellement de l’apport de la musique ou de la philosophie ? Entre le mystère de l’art et les forces du réductionnisme économique, où toute valeur correspondrait à un meilleur retour sur investissement, qu’est-ce qui pèse le plus dans la balance ? Le raisonnement qui prévaut semble vouloir réduire les individus à de simples consommateurs épris de divertissement. Je choisis plutôt de vouer un culte à l’art et j’en vois les bienfaits partout. Mais à quoi correspond cette richesse ? Collectivement, nous semblons posséder de plus en plus d’objets et de moyens, nous vivons plus longtemps et connaissons un confort grandissant. La vie est-elle meilleure pour autant ?
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Éric Bolduc, Yeshe Tsogyal (pour Nadia), feutre, aquarelle et gouache sur papier, (travail en cours), 2013-2014
The spirit of art
Any argument for art is also an argument for knowledge, for knowledge as an end in itself. How does one rationally judge the value of music or philosophy? Between the mystery of art and the forces of economic reductionism, where any value corresponds to a better return on investment, what weighs more in the balance? The prevailing reasoning appears to reduce individuals to mere consumers of entertainment. I choose instead to worship art and I see the benefits of it everywhere. But what is this wealth? Collectively, we seem to have more and more luxury goods; we are living longer and enjoying a growing comfort. As such, is life better?
Puisqu’il n’a pas de prix, l’art agit tel un contre-pouvoir. Il peut nous faire voir les choses autrement. Ce qui s’avère très utile pour faire face aux enjeux de société changeant. L’expérience esthétique court-circuite notre mental pour parler directement au corps, aux émotions, et accède autant à notre inconscient qu’à des formes de pensée plus subtiles. L’art s’inscrirait dans une démarche de croissance intellectuelle et spirituelle. Qui dit mieux ?
L’expérience de l’art peut nous renverser, encore faut-il se prêter au jeu. Contempler une œuvre, tenter de s’y accorder pour entendre son propos, s’y projeter en totalité, non en parties. L’art nous aide à renouer avec une pensée originale, plus libre, plus critique. Une pensée qui se défendrait de n’être qu’utilitaire justement, qui se voudrait plus universelle, plus noble. En présence de l’art, nous risquons de reconnaitre en nous des objets enfouis et inusités.
Le monde réel ne peut se comparer à un film scripté, avec un début et une fin somme toute rationnels. L’art est comme la vie et nous rappelle que nous avons tout intérêt à cultiver une vision plus souple, au spectre élargi. L’esprit de l’art est clarté, il est désir de faire l’expérience du monde pleinement. Nous avons besoin de l’art comme nous avons besoin d’amour. Pour nous réconcilier avec le monde et avec nos semblables. L’œuvre étant en partie miroir, nous pouvons y voir un infini de significations, selon nos référents culturels, notre expérience, nos préoccupations du moment, nos réflexions plus ou moins concrètes. L’art est vacuité. Devant l’art, nous sommes tous égaux.
Le rituel des adeptes de l’art est de toujours tenter de le connaitre. Avec une vastitude de pratiques, dont certaines qui nous paraissent assez sophistiquées, voire obscures, il nous semble impossible de tout connaitre. Il s’agirait d’une tâche impossible. Pourtant, c’est un vœu qui peut nous élever ; celui d’aller à la rencontre de cet objet lumineux qu’est l’art, encore et encore. Sans jamais trouver satisfaction et toujours errant.
Nous rendons honneur à notre esprit en tentant de connaitre cet art contemporain qui ne se livre pas tout de go, contrairement au spectacle, au divertissement et autres échappatoires habituels. En visitant les galeries, centres d’artistes, maisons de la culture, musées et autres lieux de diffusion qui nous offrent à voir les artistes d’ici, la plupart gratuitement, c’est nous-mêmes que nous apprenons à connaitre. Et ça, effectivement, n’a pas de prix.
- Éric Bolduc
Since it priceless, art acts as a counter-balance. It can help us to see things differently: something which is very useful for dealing with the dynamics of a changing society. The aesthetic experience bypasses the mind to speak directly to the body, to emotions, and accesses the unconscious as well as more subtle thought-forms. Art induces a process of intellectual and spiritual growth. What could be better?
The experience of art can boggle the mind, as long as we enter the game. In contemplating a work of art, let’s try to understand what it is proposing; projecting our entire being into it, not in parts. Art helps us to reconnect with more critical, original, and freer thinking - thinking that is not just utilitarian, but perhaps more universal, even more noble. In the presence of art, we risk discovering within ourselves things that are buried and unusual.
The real world cannot be compared to a scripted movie, with a beginning and an altogether rational ending. Art is like life and reminds us that we have every interest to cultivate a more flexible vision across a wider spectrum. The spirit of art is clarity - a desire to experience the world fully. We need art in the same way that we need love: to reconcile us with the world and with our humanity. An art work is in part a mirror: we can see in it an infinity of significations, depending on our cultural references, our experiences, our current concerns, and our thoughts, nebulous or concrete. Art is emptiness. In the face of art, we are all equal.
The ritual of the cult of art is always trying to understand it. With a vast array of practices, some of which seem quite sophisticated, even obscure, it seems impossible to know everything. It would be an impossible task. Nonetheless it is a desire that can elevate – that of going to meet the luminous object which is art, over and over, without ever finding satisfaction and always on the move.
We honor our spirit in trying to understand this contemporary art that does not deliver everything from the get-go, unlike the spectacle, entertainment and other habitual pursuits. In visiting galleries, artist-run centers, cultural centers, museums and other venues that offer us the opportunity to see local artists - free for the most part - it is ourselves that we get to know in so doing. And that, indeed, is priceless.
- Translated by Judith Brisson
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