Inventaire aléatoire, encyclopédie retouchée, association libre de son et de forme, l'exposition Valse à 5 temps de Patrick Bérubé est une boîte de Pandore, dont les objets ont été minutieusement extraits puis placés par l'artiste à l'intérieur de la Galerie Art Mûr.
toutes les photos : Mike Patten, Art Mûr
L'exposition rassemble ces œuvres dans un dispositif serré, où l'espace restreint par les murs conditionne notre approche. Pourtant, Valse à cinq temps invite littéralement à traverser les murs de l'exposition. Conçue comme un huis-clos dont le préambule n'est autre qu'une salle d'attente, elle se découvre selon une série de portes, passage secret et accès dissimulés sous la console de cheminées.
L'artiste a organisé un parcours de cinq stations aux différentes ambiances colorées et sonores qui passent de l'éclairage rouge érotique à une surcharge de néon et de lumière bleue, du bruit parasite à la valse. Chaque espace modulent nos sens et donne le ton à une exposition à la fois unifiée et cloisonnée, vibrante et figée.
L'artiste se fait architecte, décorateur factice ou collectionneur : en rassemblant entre ces murs des illustrations anciennes, des artefacts et objet décoratifs ou usuels, il retrouve une certaine filiation avec les cabinets de curiosités (Wunderkammer) et leur attrait pour une vision encyclopédique du monde.
Le geste ne s'arrête pas pour autant à celui de la collecte de curiosa, ni même à celui du ready-made. L'objet domestique ou rare est un point de départ récurrent dans le travail de Patrick Bérubé qui lui permet de franchir la ligne subtile du détournement d'usage. Son intervention est souvent minimale, parfois brutale : une illustration ancienne se voit légèrement additionnée de formes colorées tandis qu'un tableau est recouvert de peinture bleue ou qu'une table de billard est rendue inutile car trouée en son centre.
Pour cette installation, l'artiste accumule des sources aussi diverses que le Marquis de Sade, l'Ancien Testament, les illustrations scientifiques vulgarisées ou l'imagerie de la conquête de l'ouest. Populaire, mythologique ou savant, ses œuvres orchestrent un monde manipulé qui déplace le sens commun et le font basculer de l'autre côté du miroir.
Si Patrick Bérubé modifie peu ou prou ses objets, il en fait définitivement les acteurs d'un théâtre sous contrôle où chacun tient un rôle précis. Les objets viennent corrompre l'oeuvre voisine pour agir comme des parasites de formes et de références. Ces détournements sont efficaces lorsque ils sont subtilement menés, notamment avec la série des illustrations retouchées ou des partitions musicales. Il sont davantage artificiels lorsque l'artiste superpose un théâtre enfantin à une mise en scène érotique.
De ces objets ambigus et polyvalents ressort une dimension nouvelle à l'oeuvre de Patrick Bérubé. L'approche ludique ou séduisante, de prime abord, recèle en fait une dimension sous-jacente davantage critique où l'artiste évoque les jeux de pouvoir, de l'amour et de l'argent. L'équilibre entre ces vastes enjeux tient pour beaucoup dans l'utilisation radicale et efficace de l'espace. Plus que l'objet critique, c'est l'orchestration concrète d'un lieu à la fois familier et fantasmé qui marque le regard et donne à l'exposition son élan critique.
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