« NO HOMO : ART, ASSISTANTS ET ÉMULATION »
jusqu'au 8 juin | until June 8
pfoac221 : 372 Sainte-Catherine Ouest ~ suite 221
Brad Tinmouth
DON MONKMAN - BRAD TINMOUTH - BRIAN RIDEOUT - RORY DEAN
“And if he want some pussy that’s a no-no / I only fuck with bad bitches no homo”
- Nicki Minaj (2010)
Durant la Renaissance, les ateliers de Raphaël et de Michel-Ange étaient des lieux animés, fréquentés par de jeunes artistes venus s’y former. Ils y affinaient leurs habiletés créatives et y apprenaient des processus essentiels pour établir, par la suite, leurs propres pratiques.
Raphaël était encore enfant lorsqu’il entreprit une formation d’apprenti dans l’atelier de son père. Il y apprit les habiletés techniques nécessaires à la production d’œuvres d’art, dont le broyage de pigments et le processus fastidieux de préparer les fonds pour les peintures à l’huile et à la détrempe. Ces étapes ont conduit à l’émulation de la technique du maître, permettant au jeune artiste de développer des habiletés artistiques qui l’amèneraient à égaler, puis à surpasser celles de son professeur.
Le peintre Jacques-Louis David avait plus de quarante apprentis durant les premiers dix ans de son activité en tant que maître d’atelier. Jean-Germain Drouais et Anne-Louis Girodet-Trioson, tous deux adolescents au moment où ils intégrèrent l’atelier de David, furent rapidement reconnus comme les artistes les plus prometteurs de leur génération.
During the Renaissance, the studios of Raphael and Michelangelo were bustling places where young artists came to receive their education, hone their creative skills and learn essential processes for establishing a successful practice.
Raphael was a mere child when he began an apprenticeship in his father’s studio. He learned the necessary technical skills of art production like the grinding of pigments and the tedious process of preparing the grounds for egg tempera and oil paintings. These steps led to the emulation of a master’s technique, allowing the young artist to develop the artistic skills that would enable him to match, and exceed the skills of his teacher.
Jacques-Louis David had more than forty students in his first decade as a master artist. Jean-Germain Drouais and Anne-Louis Girodet-Trioson, both in their teens at the time they joined David’s studio, were recognized early as the top talents of their generation.
L’atelier de David fonctionnait à certains égards comme une famille élargie, tout particulièrement pour ceux de ses jeunes étudiants qui étaient sans père. À cette époque, la vie d’atelier se déroulait loin de la présence des femmes. La tentative de David, en 1787, d’inclure des femmes fut fermement rejetée par l’Académie. Cette exclusion des femmes confirmait la masculinisation de l’art et le cadre de référence à sexe unique clairement établi par le travail des artistes néoclassiques formés dans l’atelier de David. Il planait, dans cet atelier, une atmosphère homoérotique, et ce frisson ne fit que s’accentuer lorsque les plus attirants des jeunes étudiants masculins furent recrutés par leurs paires pour poser nus. Bien que mon personnel d’atelier ait déjà été entièrement féminin, j’y poursuis actuellement la tradition de David, no homo1.
La plupart des mécènes connaissent peu de choses au sujet du fonctionnement interne d’un atelier d’artiste; ne soupçonnant pas, par exemple, que plus de la moitié du temps de travail des artistes se passe loin de leurs toiles, afin de gérer les tâches récurrentes du quotidien – courriels, contrats, éléments de logistique. Pour l’artiste de jadis et d’aujourd’hui, il arrive un moment où l’embauche d’assistants devient une nécessité s’il veut continuer à produire de l’art.
Le processus d’émulation permet aux jeunes artistes d’acquérir des habiletés fondamentales pour le développement d’une pratique artistique originale. Dans mon atelier, les assistants ont l’obligation d’émuler mon approche personnelle de la peinture. Or, mes assistants sont des artistes éclairés et talentueux à part entière, et je suis très heureux de présenter cette exposition de leur art tout à fait personnel.
En 2008, j’ai eu besoin des services d’un peintre pour m’assister dans la réalisation d’arrière-plans. Don Monkman, mon frère, a pris une année sabbatique de son travail en tant que designer web afin de me venir en aide. En quelques semaines, il était parfaitement en phase avec mon approche de la peinture de paysage. Le travail de Don exposé ici s’inspire de celui de Rubens et de Philippe de Champaigne; on y voit un Nanabozo musclé se faisant froidement couper les tresses par une religieuse indifférente. Cette peinture est une excoriation non dissimulée de l’héritage de la colonisation des peuples autochtones au moyen du système scolaire résidentiel. Elle est également une métaphore du pouvoir de la spiritualité autochtone coupé et écarté par le christianisme.
Durant l’été 2011, les demandes d’exposition se sont multipliées, et je me suis rapidement retrouvé dépassé par une longue liste de tâches administratives, qui plus est, en manque de temps pour faire ce que je sais faire le mieux – peindre; c’est alors que j’ai embauché Brad Tinmouth. Il a agi comme responsable de projet pour des installations de grande échelle, a peint, a travaillé au montage de vidéos et a réalisé les premiers jets de diverses propositions artistiques. Brad brasse sa propre bière, et cultive et met en conserve ses propres légumes, pour en faire de l’art. Se servant de techniques hydroponiques et traditionnelles, ainsi que d’espèces végétales oubliées, mais d’héritage familial, Brad conçoit des installations d’art qui fonctionnent comme des systèmes durables autonomes. Son art est à la fois une émulation et une extension de son mode de vie autosuffisant. Sa démarche vise à éduquer et à informer, par la présentation de concepts qui encouragent les autres à adopter un mode de vie plus autonome.
Au début de l’année 2012, Brian Rideout a entrepris le travail de m’assister en tant que peintre. Dans sa propre pratique, Brian travaille à partir d’images trouvées qu’il imprime et reproduit à l’échelle sur toile, au moyen de la technique classique de la grille. Il s’intéresse à la fonction et à la référence historique de l’image reproduite, ainsi qu’à la similarité de fonction entre ce type d’image et les peintures du passé. Les images qu’il sélectionne attentivement ont l’apparence et donnent l’impression d’une peinture. Brian considère son image source – une impression au jet d’encre d’une photo glanée sur le Web ou une photographie de revue – comme un objet en tant que tel, plutôt que comme le sujet représenté dans la photo. Il s’applique à reproduire les imperfections et les irrégularités de la surface bidimensionnelle. En traduisant les photographies en peinture, Brian accorde la même importance aux incohérences de surface qu’aux sujets des photos. Il se sert de la peinture comme un moyen pour explorer et canoniser l’image.
Rory Dean, qui a récemment intégré l’atelier, glane son imagerie de différentes sources photographiques – Internet, les journaux et les revues –, mais à la différence de Brian, il se préoccupe moins du respect des matériaux premiers. Il puise plutôt à diverses sources qu’il n’hésite pas à fusionner, afin d’en tirer une image finale. Il transforme des icônes de la culture pop, des héros du sport, des comédiens télé et des vedettes rock en des portraits percutants d’apparence dystopique et sinistre, malgré la vivacité de sa palette. Des aphorismes griffonnés dans une variété de techniques non conventionnelles accompagnent à l’occasion ses peintures, qu’il dispose à la manière d’affiches dans la chambre d’un adolescent rebelle. Puisque je demande à mes assistants d’émuler ma propre approche picturale, la remarquable capacité qu’a Rory d’observer et de méticuleusement extraire de l’information d’imagerie préexistante, font de lui un véritable atout pour l’atelier.
- Kent Monkman
- L'expression no homo, l'équivalent de « pas gai », est entrée en usage à Harlem au début des années 1990. Elle fut enregistrée pour la première fois en 2003, puis popularisée par Cam'ron des Diplomats. Utilisée à l'origine pour nier des transgressions d'ordre sexuel, elle est devenue une formule familière, souvent employée comme chute.
David’s studio functioned in some ways as an extended family as some of his young students were fatherless. In that period of time, studio life was constructed away from the presence of women. David’s attempt in 1787 to include women was sharply rejected by the Academy. This exclusion of women only confirmed a masculinization of art and a single sex frame of reference clearly present in the work of the neo-classical artists trained in David’s studio. This all-male studio had an atmosphere of homoeroticism; this frisson only increased when the more attractive of the young male students were recruited by their peers as nude models. Although at one point I had an entirely female staff, my studio currently continues this tradition, no homo1.
Most patrons know little about the inner workings of an artist’s studio, that more than half their time is spent away from the canvas dealing with the day-to-day, emails, contracts and logistics. The artist, then and today, reaches a point where hiring outside help becomes a necessity to continue producing work.
The process of emulation helps a young artist to acquire foundational skills for the development of original artistic practice. In my studio it’s necessary that my assistants emulate my personal approach to painting. However, my assistants are talented insightful artists in their own right, and I am pleased to present this exhibition of their highly individual work.
In 2008, I needed a painter to help with the painting of backgrounds, Don Monkman, my brother, took a year sabbatical from web design and signed on for the job. In a few short weeks Don was up to speed with my approach to landscape painting. Don’s work in the exhibition borrows from Rubens and Philippe de Champaigne, a muscular Nanabohzo’s braids are severed by a dispassionate nun. The painting is an undisguised excoriation of the legacy of colonization of Aboriginal peoples through residential school system. The power of Aboriginal spirituality cut away by Christianity.
In the summer of 2011 exhibition requests picked up and I found myself overwhelmed with the usual litany of requests and administration, with less time to do what I do best – paint, this is when I hired Brad Tinmouth. In my studio Brad has project managed large-scale installations, painted, edited videos and drafted proposals. Brad brews his own beer, grows and cans his own vegetables finally turning them into art. Using hydroponic and traditional growing techniques and forgotten heirloom varieties of plants Brad fashions art installations that actually function as do-it-yourself sustainable systems. Brad’s art is an emulation and extension of his DIY lifestyle. His work aims to educate and inform, presenting concepts that encourage others to live a more self-reliant life.
In early 2012 Brian Rideout began working as a painting assistant. In his own practice, Brian works from found images that he prints out and scales on canvas using the classical grid technique. Brian is interested in the historical reference and function of the reproduced image, how these images function in the same way painting has in the past, carefully selecting images that have the look and feel of a painting. Rideout considers his source photo – computer inkjet printout or magazine photo - as an object rather than the object or person represented in the photo. He is mindful to reproduce the imperfections and inconsistencies of the two-dimensional surface. When translating to paint Brian invests the surface inconsistencies with the same importance as the subject of the photo. Rideout treats painting as a means to investigate and canonize the image.
Recently Rory Dean has joined the studio, Rory culls his imagery from photo sources – the internet, newspapers and magazines - but unlike Brian, he is less concerned with respecting the source material. Rather he cobbles together various sources into a final image and transforms pop culture icons, sports heroes, TV actors and rock stars into acutely rendered portraits that feel dystopic and ominous despite his bold palette. Aphorisms scrawled in a variety of unconventional mediums occasionally accompany his paintings that he arranges like posters in the bedroom of a rebellious teen. Because I ask my painting assistants to emulate my own approach his keen powers to observe and meticulously extract information from preexisting imagery has made Rory a real asset to the studio.
- Kent Monkman
- The phrase ‘no homo’ came into use in Harlem in the early 1990’s, first recorded in 2003 and popularized by Cam’ron of the Diplomats, this phrase, which originally served to negate perceived gender and sexual transgressions, has transformed into a colloquial punch line.
Commentaires