La Galerie de l'UQAM ouvre son espace à une ambitieuse exposition de peinture canadienne. Le vaste projet est accueilli en deux temps dans les murs de la Galerie, poursuivit par une publication, une exposition virtuelle et une série de rencontres.
Vue du volet 1 de l'exposition Le Projet Peinture. Un instantané de la peinture actuelle au Canada présentée à la Galerie de l'UQAM. De gauche à droite : Wanda Koop, My mother lives on that Island (SEEWAY), 2012, acrylique sur toile ; Team Macho, différents éléments ; Louis-Philippe Côté, Clinique, huile sur toile de lin, Photo : L.-P. Côté © Galerie de l’UQAM
Envisagé comme « panorama » selon les mots de Louise Déry, commissaire générale et directrice de la Galerie, mais aussi comme « un instantané de la peinture actuelle canadienne », Le Projet Peinture entend « proposer une vision actualisée de la peinture canadienne telle qu’elle se pratique dans le moment présent ». Transversale, l'exposition s'offre le territoire canadienne en terrain de jeu. Sa dynamique n'est pas pour autant géographique. Elle ne sera pas non plus thématique. Les grandes sections qui articulent le catalogue - figures du réel ; univers de fiction ; peinture comme sujet ; pratiques hybrides - forment le creuset d'une réflexion menée sur deux ans par l'équipe de la Galerie de l'UQAM et un comité scientifique. Si elles sont présentes dans l'exposition, ces sections ne sont pas pour autant reportées telles quelles, mais recomposées et expérimentées à nouveau dans l'espace de la Galerie. Pour le premier volet présenté actuellement, l'accrochage pensé par la commissaire Julie Bélisle et Louise Déry donne une inflexion formaliste plutôt que thématique à l'exposition. Les œuvres se combinent et se répondent dans la force, présente et immédiate, de leurs formes, couleurs et matériaux.
© Christine Major, Crash Theory II, 2013, acrylique sur toile, 284,5 x 213,4 cm. Photo : Guy L’Heureux. Avec l’aimable autorisation de la Galerie Donald Browne, Montréal.
Après un détour par les motifs éclectiques de Team Macho, l'exposition propose immédiatement une entrée dans la couleur presque monochromique du bleu. Horizon de Wanda Koop, surface brossée de Daniel Hutchinson ou creusée de Graham Gilmore, la sélection d'oeuvres est unifiée par cette attention particulière à la couleur qui domine dans le premier espace. Dans la salle attenante, les œuvres de Dil Hildebrand, Thomas Chishom, Julie Trudel et Tammi Campbell trouvent leur place et se combinent sous le signe de la forme géométrique et des textures. L'accrochage y est particulièrement sensible, imposant une force calme aux œuvres.
Vue du volet 1 de l'exposition Le Projet Peinture. Un instantané de la peinture actuelle au Canada présentée à la Galerie de l'UQAM. De gauche à droite : Marie-Claude Bouthillier, Mégalithe01, 2013, acrylique sur toile ; Stéphane La Rue, Re-Moved 1, 2012, ensemble de 2 éléments ; Pierre Dorion, Sans titre (BG), 2013, huile sur toile.
Le long mur présente les œuvres de Marie-Claude Bouthillier et Stéphane La Rue n'est pas en reste de cette attention à la géométrie et à l'affinité de tons entre les peintures voisines. Face à lui, les deux salles proposent un ensemble d'oeuvres moins convaincant car davantage disparate. Elles rassemblent avec fragilité des tableaux complexes et fourmillant de Hugo Bergeron, Sandra Meigs et Carol Wainio autour de la représentation d'espace fictif puis de Christine Major, Jessica Korderas et Timo Moorea ssociant des figures humaines. À l'étage, l'espace se fait effervescent, presque irrévérencieux avec des œuvres plus frontales de Mario Doucette, Cynthia Girard et Brad Phillips.
Vue du volet 1 de l'exposition Le Projet Peinture. Un instantané de la peinture actuelle au Canada présentée à la Galerie de l'UQAM. De gauche à droite : Julie Trudel, Ellipse en transit MYC et flaque 17, 2012, acrylique, gesso et encre de sérigraphie sur contreplaqué, 2 éléments ; Tammi Campbell, Works in Progress (serie 1-14), acrylique sur carton. Photo : L.-P. Côté © Galerie de l’UQAM.
Difficile exercice combinatoire que l'accrochage d'une aussi vaste exposition de peinture, qui plus est, écartelé en deux volets pour les besoins du projet. Le profilage différent des oeuvres, tant dans leurs sujets, dans leur composition que dans leur contexte de création, peut mener rapidement à une surcharge ou un foisonnement dans l'espace. Ici, toutes les œuvres composent un parcours à plusieurs souffles, selon le rythme des formes différentes. Certaines sont des respirations, laissant l'espace libre propice à la divagation du spectateur, d'autre sont des aspirations compactes et sans échappatoire, qui nous interpellent sans détour possible.
© Michael Merrill, Lightning Field, 2013, gouache vinylique sur panneau de bois, 34,5 x 49,8 cm. Photo : Michael Merrill. Avec l’aimable autorisation des Galeries Roger Bellemare et Christian Lambert, Montréal.
Ce volet provoque des liens formels nouveaux entre des œuvres qui se côtoient pour la première - et sans doute unique- fois. La peinture est un médium fragile qui peut être mené vers une complète perte de sens pour le spectateur dans le désordre de ces expositions chaotiques ou trop rigides, allant de l'accrochage « salon » à l'extrême dépouillement neutralisant du White Cube. Dans Le Projet Peinture, l'équilibre de l'accrochage se tient pour beaucoup lorsque l'approche formaliste s'impose : des similitudes inattendues, de fortes oppositions orchestrées par les commissaires produisent le lien juste - parfois dans le clin d'oeil - dans le voisinage de certaines œuvres. C'est ce lien qui maintient l'exposition en tension et nous empêche de tomber dans l'exposition trop didactique qui imposerait une vision achevée de la peinture canadienne aujourd'hui.
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