« BREAKDOWN »
jusqu'au 20 avril | until April 20
clarkplaza.org
Vidéo HD avec son, durée : 3 min 57 sec.
Pensée comme une suite au projet photographique 100, rue Blainville Ouest (2009), Breakdown (2008-2013), œuvre récente de Gwenaël Bélanger, est un court métrage d’animation 3D présentant dans un long plan séquence la même maison en chute libre, se désagrégeant tout au long d’un parcours dont l’issue nous est épargnée. Expérimentant depuis 2003 avec, entre autres, les paramètres de la gravité pour mettre en question le statut de l’image – son rapport au temps, au mouvement, à la narration, au hors-champ, etc., Bélanger use ici de fragmentation pour parler plus directement de construction de l’image, ainsi que du rapport que cette dernière entretient avec le réel – la modélisation et l’animation 3D étant des processus lourds et exigeants consistant à produire, le plus fidèlement possible, des situations crédibles. Alors que la vidéo et la photographie sont des outils de captation du réel, le médium choisi ici par l’artiste n’entretient qu’un rapport de correspondance avec l’univers qu’il tente d’évoquer en le créant de toutes pièces. Techniques employées davantage dans le domaine de la publicité etdu cinéma, la modélisation et l’animation 3D, bienqu’elles servent ici à créer une image forte attisant l’imaginaire en titillant notre faculté d’anticipation, se voient détournées de leur visée spectaculaire puisque le climax de la scène, véritable apothéose de la séquence, est continuellement différé. En effet, contrairement à l’œuvre Le Tournis (2008), où la chute silencieuse des miroirs nous amenait à imaginer l’impact, causant une véritable explosion de l’image dans un tintamarre sonore, Breakdown nous fait entendre le moment du plongeon, caractérisé par la friction de l’air provoquant la déconstruction progressive de l’habitation, qui disparaît sans jamais atteindre le sol.
Conceived as a follow-up to his photographic project 100, rue Blainville Ouest (2009), Breakdown (2008-2013), a recent work by Gwenaël Bélanger, is an animated 3D short showing in a single take of a house in free-fall, disintegrating along its way, its origin unknown. Since 2003, Bélanger has experimented with the parameters of gravity, among other themes, in order to question the image’s status, its relationship to time, movement, narration, and off-camera. More specifically, the relationship this latter element has with reality; 3D modeling and animation being a demanding process consisting in producing credible situations as realistically as possible. While video and photography are tools that capture reality, the medium chosen here by the artist has only a passing link to the universe he attempts to evoke by creating it from scratch. As techniques increasingly used in the film and advertising industries, 3D modeling and animation create strong images that heighten the imagination while titillating our expectations, although here they are subverted from their anticipated spectacle, since the scene’s climax, the veritable apotheosis of the sequence, is continuously deferred. In effect, contrary to the work Le Tournis (2008), where the silent fall of mirrors allowed us to imagine their impact, causing a veritable explosion of the image in a noisy crash, Breakdown allows us to hear the moment of falling, characterized by air friction that causes the progressive disintegration of the house, disappearing without ever reaching the ground.
Nous ayant habitués à des séries photographiques ou à des vidéos où l’événement capté, bien que paraissant improbable, avait bel et bien eu lieu – je pense notamment ici à l’œuvre Le Grand Fatras (2005), où ce qui pourrait passer pour le contenu d’un appartement (sécheuse, piano, bicyclette, fauteuil) tombait littéralement du ciel, l’artiste joue ici avec la crédulité du spectateur, qui pendant un instant se laisse prendre au jeu et s’interroge sur la réalité de la scène présentée : une maison en chute libre, traversant un ciel bleu pendant une journée calme et ensoleillée, alors qu’il faudrait une véritable tempête, voire une tornade dévastatrice telle que celle qui sert d’ouverture au Magicien d’Oz, pour que cette situation puisse être advenue. Si le lent effeuillage de l’image reste plausible, c’est qu’un véritable scénario articulant le déroulement de la désagrégation à partir des possibles effets d’entraînement qui pourraient mener d’une étape à l’autre a été méticuleusement écrit. De nombreuses recherches, incluant le visionnement de vidéos sur des expériences de vol plané, ont été nécessaires pour pouvoir imaginer la manière dont une masse aussi importante qu’une maison pourrait réagir et se mouvoir dans l’air pendant sa chute. Puisqu’il est impossible de vérifier réellement le comportement de l’objet dans ces circonstances, le caractère vraisemblable du court métrage ne repose que sur la faculté de projection de l’artiste. Et le résultat est crédible. En faisant appel aux techniques de modélisation et d’animation 3D, Bélanger joue ainsi avec l’idée que la ligne entre réalité et fiction est parfois si mince que dans une publicité ou dans un film qui en fait usage, on se fait sûrement avoir sans jamais découvrir le pot aux roses.
- Anne Marie St-Jean Aubre
Having been acquainted with his photo series or videos where the captured event, while seemingly improbable, did in fact take place – I refer here to the piece Le Grand Fatras (2005), where what could pass as the contents of an apartment (dryer, piano, bicycle, armchair) literally fall from the sky – the artist plays here with the viewer’s gullibility, fooled for a moment before questioning the reality of the scenario: a house in free-fall, traversing a blue sky on an otherwise calm and sunny day. Likely, it would take a formidable storm, a devastating tornado like the one in the opening scene of The Wizard of Oz, for this situation to occur. If the gradual stripping of the image remains plausible, this means a real scenario articulating the step-by-step disintegration of a house due to this potential chain of events was meticulously written. Vast research was conducted, including viewing videos on the experience of gliding, to be able to imagine how mass as imposing as a house would react and move through the air during its fall. Since it is impossible to truly verify the response of this object under these circumstances, the realistic nature of the video rests solely on the ability of the artist to render it. And the results are realistic. Through the use of 3D modeling and animation techniques, Bélanger plays with the notion that the line between reality and fiction is sometimes so thin that in ads or films that use it, we are surely being had.
- Anne Marie St-Jean Aubre
Imagerie 3D : couleur.tv
Modélisation et Layout : Lorien Routhier, Jean-François Gauthier
Textures : Jean-François Gauthier, Jean-Loic Fontaine
Rigging et programmation : Jonathan Pépin Gagné, Lorien Routhier
Animation : Francis Gélinas, Lorien Routhier
Éclairage, shading et rendu : Jean-François Gauthier
Compositing : Jean-François Gauthier
Conception sonore : Jean-François Bertrand Sauvé
Commentaires
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