Séripop : lever le voile
toutes les images : Séripop, This Peculiar Bias Will Nonetheless Set Up A Vast Field For The Unforeseen, 2013, Papier sérigraphié, bois, chaises, tabouret, rochets, mousse polyuréthane, gouache, serre-joints, film de PVC, tissu, corde, caoutchouc, Screen printed paper, wood, chairs, stool, spools, polyurethane foam, tempera, c-clamps, PVC shrink wrap, fabric, rope, rubber
photos : Eliane Excoffier
Après une série récente d’expositions au Québec, le duo Séripop investit l’espace de la Galerie Hugues Charbonneau au Belgo. Ils y présentent une installation sur-mesure, fidèle à l’échelle grand format de leurs œuvres qui se distingue pourtant par une dimension nouvelle : le mystère.
Séripop développe un langage graphique aisément identifiable où le duo a fait du papier peint coloré son matériau de prédilection. Souvent explosives et intrusives, leurs œuvres opèrent par contagion, contaminant les murs et le sol du lieu qu’elles occupent.
A contrario des œuvres précédentes déployées avec force couleurs, l’installation This Peculiar Bias Will Nonetheless Set Up A Vast Field For The Unforeseen à la Galerie Hugues Charbonneau se déploie avec pudeur, sans exhibition. Séripop abandonne cette contamination de l’espace pour nous proposer une œuvre plus intimiste. Il n’est pas question ici d’œuvre murale et les longues bandes de papier sérigraphié reposent désormais à quelque hauteur du sol au milieu de la galerie. Cette surface dissimule plus qu’elle n’expose. L’installation impose un nouvel horizon, autant qu’un obstacle à la vue.
Séripop réunit sous une vaste couverture toute l’intrigue de l’œuvre. Sous cette immense surface de papier, l’œuvre garde précieusement pour elle ses secrets. Rien ici n’est offert frontalement au visiteur qui devra plutôt se frayer un chemin dans l’étroit accès qui lui est concédé aux abords de l’installation. La masse informe et gigantesque se déploie depuis l’entrée puis se matérialise au fur et à mesure de notre avancée. Elle trouve peu à peu ses contours et devient une forme ondulante, au hasard des plis et replis qui la composent. La forme énigmatique, avare d’indices, nous incite à inventer nos propres repères : nous pourrons y déceler l’illusion d’un paysage, d’un chantier en cours ou encore d’une draperie abandonnée.
Il faut atteindre l’autre extrémité pour que la surface s’entrouvre enfin. Le spectateur devra se contenter d’une percée minimale pour découvrir un lieu souterrain. Il y distingue une série de pieds en bois mouluré qui côtoient des sculptures éparses en papier peint et une chaise. Plongés dans l’obscurité et sans accès, les objets échappent au regard. C’est à la fois une mise en scène efficace et son contraire car l’espace n’a rien d’une scène ni d’une exposition. La dimension cachée joue sur la frustration et la curiosité du spectateur où les objets trouvent soudainement une efficacité nouvelle, davantage conceptuelle. Ces formes de papier laissées à l’abandon nourrissent désormais une intrigue, présente pour la première fois chez Séripop. Théâtre de papier, l’exposition nous propose un huis-clos sans acteur et ouvre une perspective intéressante au travail très graphique et immédiat de Séripop.
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