Clément de Gaulejac : carré rouge sur fond blanc
Photos : Étienne de Massy
Les murs sont sagement tapissés d'affiches, avec une désarmante simplicité. Une simple boucle d'images encercle l'espace, mais ne vous fiez pas aux apparences, l'exposition de Clément de Gaulejac à Skol n'a rien de disciplinée. Ces « Motifs raisonnables » que nous annonce le titre cachent une plus grinçante et plus vaste entreprise. L'artiste a créé pendant plus de cinq mois une série de dessins humoristiques sur le mouvement étudiant.
Clément de Gaulejac a pris part aux contestations qui ont marqué le Québec au printemps dernier. L'exposition retisse mois après mois la trame des manifestations et des réactions politiques par le biais de ces dessins à l'humour noir. L'artiste a intégré des affiches à intervalles irréguliers reprenant les dates symboliques de la mobilisation : 22 août, 22 avril, 22 juillet... Uniques marqueurs temporels, ces chiffres massifs sont placés entre les images pour mieux les ancrer dans le temps réel.
L'exposition rappelle ici son mot d'ordre documentaire : la séquence de dessins vise à reconstituer la contestation étudiante en respectant sa chronologie. Elle se tient aussi au plus près du rythme de création de l'artiste : certains dessins ont été nombreux sur une période très courte faisant écho à une actualité très dense, d'autres mois les dessins sont plus épars.
La production de dessins ne se voulait pas systématique pour l'artiste, mais plutôt un geste immédiat qui faisait écho à l'actualité. Sur le fil des événements, il a dessiné ces images vives et spontanées qui condensent les faits, les chiffres et les visages qui ont marqué le conflit. Les images sont systématiquement associées à des slogans, que l'artiste aime nommer « répliques » car ils usent du même langage que les politiques : « d'un point de vue tactique, les affiches avaient recours à un humour acéré saisissant la puissance des déclarations du gouvernement et des médias pour les leur retourner avec autant de force » (Bernard Schütze, in « Engagé volontaire », texte de l'exposition à Skol).
Les dessins trouvent leur sens et leur vocation au coeur même de l'espace public. Ils ont été sérigraphiés puis distribués sous forme de pancartes ou d'affiches collées sur les palissades de Montréal. Désolidarisés de leur auteur mais amenés par lui jusque dans l'arène publique, les dessins se transforment en outillage éclairé et pertinent lors des manifestations. Un diaporama un brin désuet, mais juste dans sa forme, retrace les utilisations des dessins lors des manifestations que l'artiste a pu documenter, pister sur internet ou au détour d'un réseau social.
On replonge dans les affres du conflit étudiant avec un certain plaisir, le sourire évident, car après tout, les dessins ont un humour indéniable et réussissent leur coups. Clément de Gaulejac est reconnu pour cet humour noir tiré à coups de canons (cf chronique À coup de canon). Si Motifs raisonnables reprend la joute verbale des politiques – et un goût certain mais critiquable pour les chiffres –, Clément de Gaulejac ne semble pas se placer pour autant sous l'une ou l'autre des bannières artistiques de l'art engagé ou du commentaire social. Son discours est avant tout un détournement du discours politique, ou de celui de la presse, issu de son regard d'ancien dessinateur de presse. À Skol, l'artiste expose ses dessins mais c'est finalement le pouvoir des mots qui l'emporte.
L'exposition de Clément de Gaulejac s'inscrit dans un cycle d'exposition et de réflexion sur le printemps érable, organisé par Skol.
Les dessins de Clément de Gaulejac sont publiés sur le blog de l'artiste : eau-tiede.blogspot.ca
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