L’art, prouesse d’endurance
L’art et l’objet d’art court-circuitent la pensée réductrice. Je pense aux collectionneurs en puissance ou simplement à ceux qui veulent en jouir et qui découvrent l’art, morceau par morceau. Ils sont appelés à s’épanouir sur des plans spirituels et intellectuels, c'est pour moi indéniable. L'œuvre d'art, cette chose silencieuse avec sa vie propre, qui semble presque nous narguer, gardant ses secrets, à moitié tout du moins. L’œuvre-sphinx a ainsi le pouvoir de nous subjuguer, nous surprendre, nous prendre même et nous emporter ailleurs. Elle peut nous arrêter, suspendre notre poursuite incessante d’aventures. La vérité de l’œuvre d’art, son caractère non-livré, opaque, semi-opaque, s’adresse à nous pour nous parler de la réalité d’une façon différente. Nous pouvons la contextualiser, sonder les intentions de son auteur (l’artiste), etc., elle nous échappe. À l’instar du réel, du tao, elle demeure inconnaissable, irréductible et triomphe de la petite pensée, celle qui cherche à tout mettre en boîte justement, incluant nous-mêmes.
Éric Bolduc, Endurance, feutre sur papier, 2012 (travail en cours)
Art: tour de force
Art and the art object short-circuit reductionist thinking. I am referring to first time collectors or simply those who want to enjoy art and who discover it, piece by piece. Undoubtedly, they are called to develop along spiritual and intellectual planes. A work of art, this silent thing with its own life, seems to almost taunt us, keeping its secrets - at least half of them. The art work, sphinx-like, has the power to subjugate us, to surprise us, and may even transport us. It make us stop, suspending our relentless pursuit of adventures. The truth of the art object, its veiled character, speaks to us about reality in alternative ways. We can contextualize it, surmising the intentions of its author (the artist), but the art work still eludes us. Like the real, the Tao, it remains unknowable and irreducible and triumphs over the little thought, the one that seeks to box in everything, including ourselves.
L’art libérateur, comme dada, triomphe de tout : l’ignorance, l’arrogance et l’injustice, même l’outrage, l’adulation comme la marchandisation et la récupération tous azimuts. L’art demeure, persiste et nous invite à rester nous aussi, à nous arrêter un moment et être là, à s’habiter nous-mêmes, présents, dans l’écoute, dans l’attention quelle commande (forcément). L’œuvre d’art peut nous paraitre exigeante ; elle offre cette occasion fantastique de nous mettre à l’écoute, de porter attention, sans récompense ou rien qui soit calculable. Bien qu’elle puisse nous procurer une satisfaction immédiate, nous ne saurions dire ce que c’est avec précision. Au final, ce silence, cet exercice d'endurance demeure l’un des grands services que nous rend l’art. L’art nous prend en défaut et nous ramène ici et maintenant. Il nous réveille ne serait-ce qu’un instant, nous rappelle à l’ordre. Méfions-nous de l’art qui nous conforte et conforte le plus grand nombre. Allons plutôt vers celui qui nous amène ailleurs, qui a quelque chose à nous apprendre, à nous apporter. Donnons une chance à l’art, endurons-le quelque temps. La révélation qui nous attend en bout de ligne en vaut bien la peine.
- Éric Bolduc
The art-liberator, like dada, conquers all: ignorance, arrogance and injustice, even contempt, adulation as in the commodification and recuperation from all sides. Art remains, persists and invites us to do the same: to stop for a moment and be there to inhabit ourselves, to be present, listening, which obviously demands attention. The work of art can seem challenging; it offers us this fantastic opportunity to listen and pay attention, without reward or anything that is calculable. Although art can certainly provide us immediate satisfaction, we cannot say exactly what the nature of it is. In the end, this silence, this exercise of endurance remains one of the great services that art provides. Art by its nature brings us back to the here and now. It wakes us up, even for just an instant, and calls us back to order. Let us beware of the art that comforts us and has a mass appeal. Let's go to the one who leads us elsewhere, that has something to teach, or to give. Give the art work a chance, endure it for awhile. The revelation that awaits us in the end is well worth the effort.
- translated by Judith Brisson
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