commissaires : Nadège Grebmeier Forget et Marina Geitz
jusqu'au 14 oct | until Oct 14
Maison de la culture Notre-Dame-de-Grâce : 3755 Botrel
Simon Gaudreau, Hyperspace, acrylique sur toile, 2012
MARIE-EVE BEAULIEU - SIMON GAUDREAU - ANNE HOFMANN - MARIE-EVE LEVASSEUR - MATHIEU LÉVESQUE - MÉLANIE MARTIN - DANIEL PAUSELIUS - MARIKE SCHREIBER - CAROLINE ST-LAURENT - SUZAN WINTER
» Man muß ins Dunkel hineinschreiben wie in einen Tunnel. «
« One must write into the dark as if into a tunnel. » - Franz Kafka
UN TUNNEL TRANSATLANTIQUE
Obstacle, confiance, communication, société, endurance, malaise, sincérité, joie, partage, obligation, confrontation, impuissance, succès, échec, performance. Entre penser, parler et écrire, il y a un tunnel transatlantique qui cherche à joindre la Saxe et le Québec.
Métaphore d’un lieu de rencontre transculturelle, ce tunnel de Leipzig à Montréal vise à échantillonner la problématique qui émerge d’un échange entre deux cultures. Façonné par des politiques de négociation – tel un acte de foi – ce projet expérimente les limites de la communication à distance et des possibilités spacio-temporelles.
Comme pour combattre le vertige de leurs différences, depuis un an, ces dix artistes se sont donné pour mandat de traverser ce tunnel – mot presque identique en français, anglais et en allemand. Passant par les trois étages de la Maison de la Culture Notre-Dame-de-Grâce, ce premier volet reflète de manière intelligible l’expérience individuelle au sein d’une collectivité abstraite. Cette variation décloisonne ainsi l’espace même de l'exposition et génère de nouveaux non-lieux communicants.
L’ÉPREUVE DU LANGUAGE
Par le biais du corps performant, Caroline St-Laurent détourne les dispositifs de la compétition sportive. Elle révèle l’absurdité de vouloir tout faire en même temps et parfaitement. Les limites du corps et de la technologie sont ici mises au défi pour signifier l’exigence sociale de ce paradigme moderne. À bord d’un « vélo à écrire », elle se fixe comme objectif de rouler 25 km en chantant Blackbird. Cette chanson jazz parlant de libération féminine se fait rapidement saboter au sein du système performatif que s’impose l’artiste : une machine à traduction visuelle et sonore finalement vouée à l’échec.
Un parallèle peut être fait avec le travail de Daniel Pauselius qui échantillonne l’ambiance sonore d’un échec de communication en épuisant le terme « barrière de langue - language barrier - sprachbarrieren » par la déconstruction provoquée par ses anagrammes. En confondant l’accent de l’allemand à celui de l’anglais et du français par le truchement d’un logiciel de traduction généré par Google, la relecture générique de ces anagrammes devient un nouveau langage (poétique).
Cette même perte d’information et de repères se produit face au travail de Marie-Eve Beaulieu. Abordant la peinture abstraite comme une manière d’écrire, la tache – alignée ou camoufleuse – nous positionne face à une censure pudique, un système brut qui s’impose mais qui n’est pas tout à fait compris. Autant dire que faire, sentir ou penser, son travail se révèle fébrile devant l’exercice du possible, un processus de travail infini.
Nous laissant aussi sur notre faim, Mathieu Lévesque interpelle par un langage renversant les codes classiques de la peinture. Vacillant entre le formalisme pictural et la sculpture, Lévesque s’intéresse aux zones limitrophes du tableau au sein de son environnement immédiat. Il tâche de reprendre possession de l’espace même du tableau et de l’espace environnant par la simple idée que le tableau (l’objet) existe malgré lui, au sein de celui-ci, soit par la réverbération, le déplacement de la peinture ou par l’emprise sur les illusions d’optiques.
LE BESOIN DE (SE FAIRE) SAISIR & D’Y CROIRE
Suzan Winter cherche aussi à truquer, tronquer et tromper. En utilisant des matériaux communs, en l’occurrence 25 600 pailles empilées de sorte à former une alvéole, elle fait douter de la réelle nature de l’objet. D’un certain angle, c’est un espace vide/ouvert sur l’espace; d’un autre, un trou noir fuyant ou stoppant. Cette forme rappelant un caléidoscope fournit de multiples points de vue futuristes à échelle humaine.
En combinant des mécanismes sémiotiques, Marike Shreiber utilise la science pour jouer avec la fiction. À partir de fragments historiques et biographiques, elle reconstitue en schèmes biologiques ou anthropologiques des objets tels une pipe qui n’est ni une pipe ni un fusil, des coupes indéterminées, un semblant d’égout et un masque d’enfant, comme pour mesurer les possibles non-dits des objets confinés ou empreints par leurs propres cultures et mythologies. Elle s’inspire ainsi de la méthodologie criminaliste pour parler d’identité et d’histoire.
Quand le langage ne put expliquer la science, il y eut la mythologie. Simon Gaudreau détourne des éléments sociologiques avec un sens critique et poétique. En faisant dialoguer peinture et vidéo comme des reflets l’un de l’autre, il explore un certain rapport à l’attente et au désir de capter ou de conserver un moment qu’il ne peut réellement reproduire. Ici, il s’agit d’une étoile filante commentée par une communauté d’internautes. Gaudreau souligne le caractère fédérateur d’un ciel qui fascine globalement. Partout, les gens regardent pour y voir quelque chose de magique, s’imaginer l’infini et faire un vœu.
L’œuvre de Mélanie Martin, bien que fort différente de la vidéo de Gaudreau, agit de manière similaire. Elle nous permet de pénétrer dans un abri de carton où lumière, brume et obscurité nous donnent la permission de prendre notre temps, de nous recueillir et de contempler l’inscription Time Limit. Comme l’a été l’étoile filante, le temps est insaisissable, il devient une impasse et une contrainte. Fuyant, au contraire, une communauté (les autres œuvres de l’exposition), Time Limit isole et permet de s’extirper de la pression sociale, de l’agoraphobie. Métaphore spirituelle de l’exposition, où entrer et sortir se confondent et créent un espace latent aujourd’hui nommé tunnel transatlantique, cette œuvre offre de vivre le sentiment d’être entre deux mondes, en entrant dans un système établi, plaisant et étouffant à la fois.
Usant de la même fuite de la réalité souvent contraignante, Anne Hofmann projette côte à côte deux vidéos construites à partir de captations YouTube et d’extraits filmiques parlant de traversées en mer. D’un côté, une promesse du bonheur ; de l’autre, la répétition en boucle d’un moment turbulent occasionné lors d’un voyage commercial. Par le va-et-vient entre les images et les sons, l’ouverture sur le monde (la mer) versus ce qui nous retient à rester sur terre, Hoffman cherche un sens à travers ces besoins de traverser l’Atlantique. La perte de repères ne mène pas toujours au bonheur.
D’un autre point de vue, Marie-Eve Levasseur s’intéresse elle aussi, et d’une manière tout aussi critique, aux échappatoires modernes. À travers un discours engagé, elle reconstruit les désirs individualistes en nous plongeant droit dans les cours urbaines fleurissantes de piscines rondes et bleues. Par une vue aérienne, elle les superpose et les incruste au Schreiber-gardens, ces jardins privés locatifs typiques en Allemagne. La promesse du bonheur est tout aussi fragile que notre individualité au sein de ce lieu, comme le monde d’aujourd’hui est vertigineux.
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Rédigé par : Audrey | 28/09/2012 à 05:16