« ANNONCES CLASSÉES »
jusqu'au 8 juillet | until July 8
occurrence.ca
LE NOBODY DE QUELQU’UN
Aujourd’hui, on retrouve les petites annonces de rencontres, d’achat/vente et de locations via Internet : la toile facilite les échanges spontanés. À contre-courant, Emmanuel Galland placarde ses « Annonces classées/… » imprimées dont les agrandissements recouvrent la vitrine de la galerie. Le texte de l’annonce utilise le langage semi crypté de cet exercice : un résumé de l’offre et des attentes. Par contre, l’artiste multiplie ici les stratégies et conditions d’une rencontre en présentant le même texte en quatre langues : français, anglais, grec et Yiddish. La galerie est située sur une artère commerciale : l’avenue du Parc où de multiples commerces sont abandonnés –avec leurs vitrines bouchées par du papier – et dans un quartier qui s’est défini dans le temps par la migration et l’implantation de communautés grecques et Yiddish. Une mixité de populations francophone/anglophone/allophone qui cohabitent bien ensemble et qui caractérise bien la vie dans la Métropole.
Insolite dans cet environnement, le message des annonces est clairement orienté gay. Sous ses apparences d’esthétique publicitaire reliée aux commerces voisins, les « slogans » multilingues interpellent les questions de l’affirmation de soi, de tabou, du poids des traditions, de conditionnement social différemment vécus d’une communauté à l’autre. Derrière la formule de cet appel (codification, classification, hiérarchisation et différenciation sexuelle ou culturelle) se résume la quête de l’autre, universelle.
La pièce de Galland fait aussi allusion au terme « occurrence » : la dénomination de la galerie (avec son enseigne sur le fronton qui n’annonce aucune « galerie d’art » mais un mot-clé). Ici, l’installation fait écho au terme « occurrence » avec le type d’affichage inusité et le hasard relié à la rencontre de partenaire/s.
L’intervention urbaine se présente également comme un monument à un/des inconnu/s en la personne de l’être ou des êtres recherchés et questionne celles et ceux que l’on célèbre généralement pour leurs grands faits.
En outre, chaque affiche comporte la référence « 101 » qui fait un clin d’œil et un pied de nez à la langue prioritaire dans l’affichage public et la publicité commerciale au Québec (Charte de la langue française, article 58).
CHACUN CHERCHE SON CHAT
À la manière des affichettes collées sur les poteaux dans les rues qui annoncent « Perdu mon chat », concerts et ventes de garage, l’affiche « polyglotte » est dupliquée et disséminée dans le quartier (quadrilatère Hutchison / Van Horne / Saint-Laurent / Laurier) sous forme d’affichettes, comme des produits dérivés. Ainsi, l’installation urbaine Site Specific est multiforme : l’ensemble du réseau d’affichage dessine un parcours, propice ou pas (?) aux rencontres fortuites.
FAIRE LE GUET
Les affiches miment la graphie standard des annonces classées des journaux et sites web spécialisés mais le ton de l’ensemble n’est pas exempt d’humour oscillant ainsi entre gay, guetter et gaieté. « Poésie du pauvre » pour certains, la Petite Annonce est ici magnifiée par son format et son emplacement. En l’occurrence, l’intervention croise le chemin des passants, mêle les langues et crée un événement, celui d’un casting « sauvage » dont la cible demeure inconnue.
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