Dans l’œil du spectateur
photos : Les Territoires
Durant le mois de juin, la Galerie les Territoires cède ses murs au projet Ville Imaginaire. Les participants du projet ont saisi l’invitation au pied de la lettre et exposent leurs créations à l’intérieur-même des murs. Clin d’œil à l’espace austère du White Cube, l’exposition revisite notre rapport à l’objet sous un jour ludique.
Pour Ville Imaginaire, rien n’est offert de prime abord au regard. C’est au spectateur d’aller concrètement à la rencontre de ce qui est présenté car tous les objets présents se situent en retrait. Chaque élément a été encastré derrière les cloisons de la galerie puis rendu accessible par des perforations de tailles variables. Les murs sont ainsi découpés par des formes très diverses ; des rectangles minutieusement découpés accueillent des figurines miniatures, des triangles profonds recréent des kaléidoscopes en arrière du mur, une fente laisse deviner un zootrope où le spectateur est invité à mettre en mouvement les images. Ces présentations créent des barrières imposées entre l’objet et le spectateur, conditionnant l’œuvre en l’emprisonnant dans une vision bien délimitée.
Les six artistes jouent sciemment des contre espaces, ces zones secondaires en marge d’un accrochage ; les zones basses des cimaises, l’intérieur des cloisons. Notre œil doit se pencher ou se hisser à la hauteur de ces perforations, s’approcher au plus près d’une vitre ou d’un judas optique, de sorte que rien ne transparaît ou presque, de la vision d’ensemble de l’espace. Les objets ont été conçus pour être découvert individuellement l’un après l’autre, au hasard de notre curiosité.
L’exposition n’existe que dans le détail de chaque création, protégée jusqu’à l’instant où le spectateur acceptera de se tourner vers elle. Il en résulte une rencontre intime où l’œuvre se livre uniquement si le spectateur se plie –au sens physique du terme- au jeu de l’exposition. Le spectateur est complètement pris à partie. Sans lui l’exercice de l’exposition ne peut aboutir et l’objet reste orphelin.
Le projet a pris son point de départ dans l’objet pour se tourner ensuite vers l’espace d’exposition. Lors de l’atelier débuté en octobre 2011, les artistes se sont imposé de créer à partir de boîtes. Ce support initial, très minimal, a créé la contrainte d’œuvres de petites dimensions. Les artistes ont par la suite conçu cet accrochage inattendu où les boîtes disparaîtraient à l’intérieur des murs.
Ville Imaginaire résulte d’un atelier de création collective réunissant six jeunes artistes : Noémie da Silva, Marie Dauverné, Mélissa M. Dupuis, Vanessa Lapointe, Payam Mofidi et Sayeh Sarfaraz qui a dirigé l’atelier. La part collective du projet est visible dans ces créations qui se succèdent sans fil conducteur apparent. Elles prennent appui sur le thème initial de « Ville Imaginaire », où « le travail des participants s’est développé autour de cette idée de la découverte d’une ville, un lieu fantasmé et éprouvé ». Pourtant, le véritable liant de projet reste le choix d’accrochage en lui-même. C’est le principe de perforations murales qui rassemble ces propositions qui, autrement, aurait menacé de se disperser sans raison. Le traitement thématique est davantage un prétexte à la création commune qu’un véritable élément fédérateur.
Le projet en appelle surtout à l’esprit joueur et curieux du spectateur. Les artistes ont créé un circuit d’exposition sous forme de cachette et invite le spectateur à découvrir les œuvres à la manière d’enfant. Avec efficacité - et avec une forme d’amusement qui est souvent mise à mal dans les expositions artistiques-, Ville Imaginaire a conquis avec ludisme le territoire de l’exposition, reconnu pour être neutre et austère.
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