Archi-féministes! : Archiver le corps (1er volet)
photos : Richard-Max Tremblay
Archi-féministes! offre une perspective sur l’histoire du Centre Optica à partir de six artistes femmes qui ont été parties prenantes de ses projets depuis 1972. Les trois commissaires - Marie Ève-Charron, Thérèse St-Gelais et Marie-Josée Lafortune - ont composé un parcours minimal, où œuvres historiques et art actuel sont réunis par la thématique du corps. Déployée sur trois espaces, Archi-féministes! propose essentiellement des œuvres bidimensionnelles ; une grande part est ainsi dédiée à la photographie et à la vidéo.
Une première salle fermée plonge dans l’obscurité la projection vidéo d’Olivia Boudreau. Cette image lente en gros plan d’un drap flottant au vent prend un sens dramatique grâce à la mise en scène toute particulière qui lui est consacrée.
La salle principale propose un premier temps fort avec la présence écrasante du triptyque de Suzy Lake. Ses dimensions importantes, sa composition colorée et son sujet en très gros plan - les lèvres maquillées de l’artiste - semblent avoir imposé aux commissaires de consacrer tout un mur pour l’œuvre.
Sorel Cohen, Untitled (The Shape of a Gesture), 1979, Winnipeg Art Gallery
À l’opposé de la salle, l’accrochage offre une perspective plus intimiste aux œuvres. Une sculpture de Jana Sterbak, constituée d’une fine sculpture verticale en bronze adossée contre le mur, cohabite avec deux œuvres vidéo de Raphaëlle de Groot et Claire Savoie. Ce corpus d’œuvres est sans doute ici l’évocation la plus directe du corps, et plus encore, du corps de l’artiste.
Le spectateur doit enfin traverser la vaste salle d’exposition pour accéder à la salle arrière qui contient les œuvres à caractère historique. Y sont présentés trois ensembles d’œuvres photographiques de Jana Sterbak, Suzy Lake et Sorel Cohen qui mettent en scène le corps de l’artiste.
Jana Sterbak, Cones on Fingers, 1995 (1979), Collection de la Galerie Leonard & Bina Ellen, Université Concordia, don de l’artiste, 1995
L’exposition nous laisse à distance des œuvres. L’accrochage minimal laisse peu d’opportunité au regard de transiter ou d’associer une œuvre à l’autre, ou encore d’englober l’ensemble des artistes présentées. Au contraire, les œuvres se trouvent dans un certain isolement, séparées par de grands vides.
Au-delà de la distance physique, il est aussi question d’une distance critique opérée par les commissaires. L’exposition se révèle sous un jour résolument conceptuel. Malgré un contenu riche et diversifié, elle pèche par son manque d’accès immédiat aux œuvres. Leurs propos et leurs ouvertures restent à couvert malgré le déploiement d’informations pour le spectateur.
Si les six artistes sont d’obédience féministe, la portée des œuvres présentées ici ne semble pas l’être pour autant. Elles ne viennent pas obligatoirement éclairer ce féminisme contemporain que sous-tend le titre de l’exposition et qui se définirait par une forte revendication identitaire, sociale et politique.
En empruntant le double éclairage de l’art féministe et de la rétrospection, les commissaires de Archi-féministes! se situent dans la fragile contradiction qui consiste à faire coïncider exposition d’archive et exposition thématique. Les œuvres deviennent d’autant plus sensibles –voire réticentes- à s’exposer qu’elles sont présentes ici aussi en tant qu’archives d’une histoire qui les dépasse, celle tour à tour d’un centre d’artiste et d’un mouvement dont on n’entend pas ici faire l’entière rétrospective.
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