La « guerre » est déclarée au Canada
par Louis Laberge-Côté
La « guerre culturelle » canadienne, comme Stéphane Baillargeon (Le Devoir) lʼa nommée, semble avoir dʼun côté le secteur culturel, et de lʼautre la société multimilliardaire Quebecor. Pendant les derniers mois, le secteur culturel fut lʼobjet de nombreuses attaques, incluant les fameux articles de Nathalie Elgrably-Lévy du Journal de Montréal et lʼinfâme « journalisme au bazooka » (Le Devoir, 13 juin) de Krista Erickson sur les ondes du SunTV News Network. Est-ce par hasard que la majorité de ces attaques furent diffusées par le biais de propriétés de Quebecor ? Est-ce une coïncidence que ces attaques ont radicalement augmenté, tant en nombre quʼen hostilité, depuis les dernières élections fédérales ? Je nʼai pas de réponses à ces questions et je vous laisse en tirer vos propres conclusions. Mais une chose est sûre : les artistes canadiens, les employés du secteur culturel et les amoureux des arts doivent se préparer pour ce qui semble être le début de temps extrêmement difficiles.
Malheureusement, considérant le dommage qui est régulièrement perpétué dans les médias ces jours-ci, nous, partisans des arts, ne pouvons vivre plus longtemps dans le silence. Chacun dʼentre nous se doit dʼêtre engagé dans la diffusion dʼinformation véridique et honnête sur qui nous sommes, ce que nous faisons et pourquoi nous croyons que les arts sont importants. Nous devons aussi nous préparer adéquatement afin dʼêtre capables de répondre à lʼignorance, au mépris et même à lʼhostilité avec un esprit informé, un cœur ouvert et une âme solide.
Jʼai préparé une série de questions-réponses qui, je crois, constituent le fond du débat sur le financement des arts, incluant mes réflexions sur la pensée de Nathalie Elgrably-Lévy, quelques clarifications sur la « liberté dʼexpression » et une liste de suggestions par rapport à lʼoutrage journalistique quʼest le SunTV News Network. Je suis conscient que cet article est un peu long, mais sʼil vous plaît, prenez le temps de le lire et partagez-le ensuite avec votre entourage. Jʼespère que ces outils nous aideront à analyser le sujet en profondeur, et à affirmer notre opposition avec intelligence, calme et sensibilité.
Alors, la grosse question dans la guerre culturelle canadienne : « Pourquoi le gouvernement devrait-il financer les arts sʼils ne sont pas économiquement rentables ? »
À cette question (tout à fait valable), je propose trois réponses :
- Cela contribue à lʼéconomie du pays.
- Les gens cultivés sont plus heureux, intelligents, compatissants et en santé.
- Cela crée de la richesse culturelle qui contribue à lʼévolution humaine.
La plupart dʼentre nous sont dʼaccord pour dire que les deux dernières réponses sont les plus importantes. Mais nous devons être conscients quʼelles ne convaincront pas ceux investis dʼun esprit économiste, surtout sʼils ne voient pas la valeur des arts. Et comme la plupart des objections au financement public des arts viennent dʼun point de vue économiste, nous devons aussi connaître les faits pour pouvoir répondre aux questions sur leur viabilité économique. Cela nous aidera à tenir un dialogue informé et une perspective solide en faveur des arts. Espérons quʼen ayant la capacité de discuter sur ce sujet de façon ouverte et éclairée, nous pourrons rallier quelques personnes, ou du moins adoucir certaines opinions.
Voici les plus communes critiques sur la validité économique et sociale du financement des arts et le rôle quʼils jouent dans la structure culturelle et économique de notre société :
1. « Comment le financement des arts contribue-t-il à lʼéconomie (nous venions de dire que cela n'est pas économiquement rentable) ? »
Ce quʼil faut comprendre dans le cas présent, cʼest que le profit direct occasionné par un événement artistique est relativement non significatif. Lʼaspect le plus important ici nʼest pas de savoir si lʼévénement a reçu plus dʼargent par la vente de billets que par des subventions gouvernementales. Il faut plutôt regarder les effets que lʼévénement génère à un niveau beaucoup plus général. Par exemple, à partir du moment où une petite compagnie de théâtre reçoit une subvention pour la création et la présentation dʼun spectacle, une quantité considérable de transactions financières se succèdent :
- Du personnel artistique/technique/administratif/promotionnel est engagé (et paie des impôts sur leur revenu).
- Des studios de répétition et une salle de spectacle sont loués.
- Des affiches, des prospectus publicitaires, des petites annonces et des programmes de spectacles sont conçus, imprimés et distribués portant souvent les logos de commanditaires et dʼautres commerces locaux.
- Les spectateurs paient leurs billets, utilisent le vestiaire, achètent des consommations au bar du théâtre et vont manger au restaurant avant ou après la représentation (laissant des pourboires aux serveurs) et se déplacent en voiture (souvent payant pour un stationnement dans les environs), en taxi ou en transport en commun
- Des critiques du spectacle circulent dans des journaux, des magazines, des postes de radio ou des blogues.
- Des amateurs de lʼextérieur de la ville se déplacent pour assister au spectacle utilisant différents moyens de transport et réservent des chambres dʼhôtel pour la durée de leur séjour.
- Lʼévénement contribue à la scène culturelle de la ville, ce qui la rend plus attrayante aux touristes, ce qui engendre des revenus à long terme.
Il est facile de concevoir que lʼimpact économique dʼune petite production de théâtre va beaucoup plus loin que ce qui se passe à la billetterie les jours de spectacle. Sachant cela, il y a tout lieu de considérer le financement des arts comme un investissement collectif profitable qui stimule lʼéconomie locale et nationale.
Voici quelques arguments pour appuyer cette affirmation :
- La valeur ajoutée des industries du secteur culturel à lʼéconomie canadienne a totalisé 46 milliards de dollars en 2007.
- Cette même année, les contributions directes et indirectes ont fait grimper les retombées du secteur culturel à un total de 84,6 milliards de dollars, soit 7,4 % du produit national brut du Canada.
- Toujours la même année, les investissements en culture ne représentaient que 0,7 % des dépenses fédérales, pour un secteur qui a généré 7,4 % du PNB.
- Le secteur culturel a généré approximativement 25 milliards de dollars en taxes à tous les niveaux de gouvernement en 2007, ce qui est trois fois plus que les 7,9 milliards qui y furent investis à tous les niveaux de gouvernement la même année.
- 616 000 Canadiens sont directement employés par le secteur culturel, ce qui est le double du niveau dʼemploi du secteur forestier (300 000) et plus du double du niveau dʼemploi du secteur bancaire (257 000).
- Près de 1,1 million dʼemplois peuvent être attribués directement et indirectement à lʼactivité économique générée par les industries du secteur culturel, ce qui représente 7,1 % du niveau dʼemploi total du Canada.
- La main-dʼœuvre associée à la culture a augmenté de 31 % pendant la dernière décennie.
- Le consommateur canadien moyen a dépensé deux fois plus dʼargent pour assister à des spectacles des arts de la scène que pour assister à des événements sportifs.
- Le secteur culturel est un marché en expansion.
Clairement, les investissements gouvernementaux dans le secteur culturel sont plus que profitables en ce qui concerne les revenus générés au sein de lʼéconomie canadienne. Couper ces montants pour aider lʼéconomie nʼa alors absolument aucun sens.
2. « Est-ce que les gens cultivés sont réellement plus heureux, intelligents, compatissants et en santé ? »
Bien quʼil semble évident quʼun environnement créatif et stimulant ait un effet positif sur le bien-être général de tous, certains gardent tout de même leurs réserves.
Voici quelques informations que vous pouvez partager avec eux :
- Les arts et la culture jouent un rôle important dans au moins sept des douze déterminants de la santé tels que définis par Santé Canada.
- Les arts ont un impact bénéfique sur les étudiants dans six domaines spécifiques : lecture et langage, mathématiques, capacité à raisonner, capacités sociales, motivation à apprendre et environnements scolaires positifs.
- Selon Hill Strategies, utiliser les arts et la culture auprès de groupes marginalisés et des personnes du troisième âge a entraîné une performance académique supérieure, un meilleur « succès dans la vie » et une capacité à résoudre des problèmes sociaux difficiles.
- De récentes recherches en Suède ont démontré la corrélation positive entre lʼassistance à des spectacles et à des événements culturels et un meilleur bien-être en plus dʼune longévité accrue.
- Le renommé chercheur et professeur danois Bengt-Åke Lundvall a clairement démontré que les pays qui sʼen tirent le mieux économiquement et politiquement sont précisément ceux qui ont délibérément contribué à un « climat créatif et culturel ».
- Les organisations artistiques et culturelles utilisent les services de plus de 930 000 bénévoles au Canada.
- Les Canadiens qui ont assisté à des représentations de musique, de théâtre ou de danse en 2005 furent 31 % plus enclins à devenir bénévoles pour une cause quelconque.
- Les Canadiens qui ont assisté à des spectacles théâtraux étaient 16 % plus enclins à avoir une forte identité nationale.
3. « Quʼest-ce que la richesse culturelle et comment contribue-t-elle à lʼévolution humaine ? »
Cette déclaration est plus difficile à démontrer puisque la richesse culturelle est intangible et dès lors difficile à mesurer. Mais, si nous y pensons un peu, son existence et ses effets sur notre vie sont assez évidents. Pouvons-nous quantifier lʼinfluence de Beethoven ? Pouvons-nous chiffrer le nombre de personnes inspirées par ses créations ? Pouvons-nous mesurer jusquʼà quel point elles furent transformées ? Non.
Mais nous sommes tous dʼaccord (même ceux qui nʼapprécient pas la musique romantique) pour dire que son œuvre est considérable et importante. Et elle a, sans aucun doute, contribué à lʼévolution humaine. Pouvez-vous imaginer un monde sans musique, film, danse, sculpture, mode vestimentaire, dessin, chant, théâtre, littérature, architecture, photographie, gastronomie, poésie, peinture ou calligraphie ? Que resterait-il ? Quel genre de vie vivrions-nous ? Quel genre dʼhumain serions-nous ? Lʼidée dʼun tel monde me fait peur et mʼattriste.
Bien sûr, tout artiste nʼest pas nécessairement un Beethoven. Mais chaque artiste propulse lʼhumanité en avant, que nous appréciions son travail ou non. Nʼest-ce pas extraordinaire de savoir que lʼexistence dʼœuvres artistiques remonte à lʼaube de lʼhumanité ? Cela ne devrait-il pas tous nous prouver quʼil y a, en lʼêtre humain, un besoin très profond de sʼexprimer de façon artistique ? Les gens qui prétendent ne pas aimer les arts sont souvent inconscients quʼils en sont constamment entourés. Et ils aiment ça ! Par exemple, lorsque Krista Erickson essaie de convaincre son public que le financement des arts est un terrible gaspillage, le médium quʼelle utilise est submergé par les arts : conception graphique, éclairage et décor, environnement musical, mise en scène, rédaction du scénario, mode vestimentaire, maquillage, coiffure, etc.
Pratiquement tout autour dʼelle à ce moment est influencé par le travail que des artistes ont accompli dans le passé. Pouvez-vous imaginer la même émission télévisée avec un simple éclairage blanc, aucun décor, aucune musique, un langage primitif de base, aucun maquillage et une terne étoffe comme vêtement ? Manifestement, ce ne serait pas la même chose. Ce serait gravement ennuyeux. Et voilà comment serait un monde sans les arts.
4. « Dʼaccord, les arts sont importants. Mais je ne pense pas quʼils devraient être financés par lʼÉtat. Pourquoi ne peuvent-ils pas suivre les règles de base de lʼoffre et de la demande comme tout le reste ? »
Ceci est la base du discours de Nathalie Elgrably-Lévy. Elle va encore plus loin en prétendant que cela nʼest pas un débat entre les idéologies de gauche et de droite. Selon elle, ce débat est entre la liberté et lʼétatisme. Cʼest une stratégie intelligente de sa part. Vivant à Montréal, elle sait quʼelle est principalement entourée de gens « de gauche ». Dans cet environnement, il paraît décidément plus noble dʼaffirmer « je me bats pour la liberté » que dʼavouer « je me bats pour le conservatisme ». Mais est-ce que couper le financement public des arts contribuerait réellement à un monde plus libre ?
De plusieurs façons, lʼexploration artistique sʼapparente à la recherche scientifique. Dans la communauté scientifique, certaines recherches sont de nature si clairement commerciale quʼil est facile de trouver du financement privé puisquʼun profit est presque assuré. Dʼautres recherches sʼintéressent principalement à lʼélargissement des connaissances et à lʼacquisition dʼune compréhension plus profonde du monde qui nous entoure. Ce genre dʼinvestigation scientifique nʼest généralement pas profitable à court terme. Mais ce sont justement ces recherches qui contribuent le plus à lʼévolution humaine ; les études environnementales, la physique quantique ou la génétique, par exemple. Laisser le secteur privé et le consommateur dicter la répartition de la richesse ne permettrait quʼaux recherches à but lucratif dʼaller de lʼavant, à moins quʼun chercheur ne décide de financer ses propres expériences. Les expériences scientifiques qui ne produisent pas de profits immédiats ne sont pas complètement sans valeur.
Déterminer la valeur des recherches uniquement sur une base lucrative ne soutiendrait quʼun modèle économique, et non évolutionnaire. La même chose sʼapplique au secteur culturel. Les œuvres d’ordre commerciales sont- elles les seules qui méritent de voir le jour ? L’exploration artistique devrait-elle se limiter aux recherches qui génèrent des profits ? Bien sûr que non. Ce genre de discours est non seulement dangereusement étroit dʼesprit, il renie le potentiel de lʼesprit humain.
5. « En tant quʼhonnête contribuable, je suis offusqué de savoir quʼune partie de mon argent durement gagné va dans les poches des artistes. »
Cette opinion est malheureusement plus répandue que nous ne le croyons. Ce que nous devons comprendre, cʼest quʼil ne sʼagit pas ici dʼune bataille entre les contribuables dʼun côté et les artistes de lʼautre. Les artistes sont des contribuables. Lorsquʼun artiste reçoit une subvention, la majorité de lʼargent ne va pas dans ses poches. Comme je lʼai déjà mentionné, les récipiendaires de subventions engagent un large éventail de professionnels dʼordre artistique, technique, administratif et promotionnel. Tous sont des contribuables. Et rappelez-vous que « près de 1,1 million dʼemplois peuvent être attribués directement et indirectement à lʼactivité économique générée par les industries du secteur culturel, ce qui représente 7,1 % du niveau dʼemploi total du Canada ».
6. « Je pense que les artistes sont paresseux et gâtés. Ils ne se battent que pour conserver leurs privilèges spéciaux. »
Ceci est évidemment une perception fausse. Comme nous le savons, les artistes doivent travailler très fort pour vivre de leur passion. Cela prend plusieurs années dʼétudes suivies dʼun entraînement constant pour obtenir et maintenir un niveau professionnel.
Pour le même niveau dʼéducation, dʼexpérience et de sacrifice, les artistes feraient beaucoup plus dʼargent sʼils travaillaient dans dʼautres secteurs. De plus, faire une demande de subvention nʼest pas chose facile. Le nombre de bourses est limité et la majorité des candidats ne reçoivent pas la subvention quʼils demandent.
Voici quelques statistiques sur la réalité des artistes :
- Avec des revenus annuels moyens de 23 500 $, les artistes sont dans le plus bas quart de revenus moyens annuels de tous les groupes de métiers, gagnant 26 % moins dʼargent que le travailleur canadien moyen.
- En général, un danseur, musicien, chanteur ou autre artiste de la scène ne gagne quʼenviron 10 000 $ par année.
- Les femmes, les autochtones et les minorités visibles du milieu artistique ont des revenus particulièrement bas.
- 54 % des organisations artistiques et culturelles à but non lucratif ont des revenus annuels de 30 000 $ ou moins. Seulement 7 % de ces organisations ont des revenus annuels de 500 000 $ ou plus.
- Les exportations culturelles sont grandement éclipsées par les importations, laissant un déficit net dans le secteur culturel.
7. « Je pense que les artistes sont élitistes. Je nʼai rien à voir avec leur petit monde arrogant. »
Une chose que nous devons faire réaliser aux gens qui pensent de la sorte est que lʼartiste moyen est une personne tout à fait normale et terre-à-terre. Oui, bien sûr, il y a un peu dʼélitisme dans le secteur culturel. Mais nʼy a-t-il pas de lʼélitisme dans tous les champs spécialisés ? Quʼest-ce qui rend un athlète olympique moins élitiste quʼun artiste distingué ? Rien, vraiment. Ne sommes-nous pas tous fiers lorsquʼun de nos illustres athlètes compétitionne à un niveau international ? Ne devrions-nous pas sentir la même fierté lorsquʼun de nos artistes est reconnu et applaudi internationalement ? Jʼespère que la réponse à cette question est un « oui ! » crié haut et fort.
8. « Je ne comprends pas lʼart contemporain, donc cʼest stupide. »
Cet évident sophisme est une autre croyance très répandue. Ce quʼil faut comprendre ici cʼest que lʼart, et particulièrement lʼart contemporain, nʼa pas toujours comme mission dʼoffrir un divertissement accessible et agréable. Lʼart repousse nos limites. Il soulève des questions. Il commente le monde. Il révèle lʼhumanité dans toute sa gloire et son horreur. Il explore les concepts abstraits de la ligne, du mouvement, du son, de la texture, de la couleur et du temps, souvent dʼune perspective inhabituelle. Il expose la joie et lʼagonie. Il met au défi nos conceptions du vrai, du beau et du réel. Il nous permet de plonger dans les profondeurs indescriptibles du monde dʼun autre être humain. Un effort peut être nécessaire pour apprécier sa valeur.
Et cela est une bonne chose. Et il nʼy a rien de nouveau là-dedans. Maintes œuvres largement applaudies de nos jours furent très peu appréciées à lʼépoque de leur création. Et plusieurs des choses que nous qualifions aujourdʼhui de « divertissements normaux » sont grandement influencées par des œuvres incomprises à lʼépoque de leur création. Et cʼest exactement ce quʼest lʼévolution. Les œuvres difficiles dʼaujourdʼhui transformeront le monde de demain.
Jʼaime personnellement faire un parallèle entre lʼart contemporain et la haute cuisine. Des connaissances de base et une expérience de vie minimum sont nécessaires pour en savourer pleinement la valeur. Amèneriez-vous votre enfant de cinq ans dans un chic restaurant de fusion française et asiatique pour un menu dégustation de douze services de cuisine moléculaire ? Il y a fort à parier que les choses nʼiront pas très bien. Mais si vous donnez à votre enfant lʼoccasion de connaître différents types de nourriture et si vous lʼéduquez en conséquence, il est plus que probable quʼune fois adulte il se délectera des plus grands trésors de la gastronomie. Bien que lʼexpérience ne pourrait être quantifiée en termes économiques, il nʼy a aucun doute que si votre enfant est capable dʼapprécier la valeur dʼun tel repas, cela enrichira sa vie.
La même chose va pour lʼart. Cela prend du temps, de lʼéducation et de la patience, ce qui, dans notre ère technologique, nʼest pas toujours chose facile. Mais cela en vaut la peine. Toutefois, tout ne convient pas à tout le monde. Les artistes eux-mêmes nʼapprécient pas toutes les œuvres ou courants artistiques. Cʼest normal. Nous avons tous nos goûts personnels. Mais cela ne veut pas dire que lʼart contemporain nʼa aucune valeur parce que nous avons eu une mauvaise expérience. Dire « je suis déjà allé à un spectacle de danse moderne et jʼai détesté, alors cʼest fini pour moi ! » est lʼéquivalent de dire « jʼai déjà vu un film hollywoodien et jʼai détesté, alors cʼest fini pour moi ! ».
Et honnêtement, qui pourrait prétendre tout comprendre et apprécier de la science, de la finance ou des sports ? Très peu dʼentre nous sont à même de le faire. Ces domaines méritent-ils donc dʼêtre ridiculisés ? Évidemment, non. Ils méritent notre respect. Tout comme lʼart.
9. « Jʼai entendu dire que les artistes demandent aux gens de boycotter le SunTV News Network suivant lʼentrevue quʼa animée Krista Erickson avec la danseuse Margie Gillis. Nʼest-ce pas une attaque à la liberté dʼexpression ? Les artistes ne devraient-ils pas soutenir la liberté dʼexpression ? Erickson nʼa-t-elle donc pas le droit de sʼexprimer comme les artistes le font ? »
Très bonnes questions. Et ce nʼest certainement pas la première fois que les limites de la liberté dʼexpression doivent être définies. Car, en effet, la liberté dʼexpression doit avoir des limites. Bien sûr, Erickson a le droit dʼavoir ses opinions et elle a, bien entendu, le droit de les exprimer. Nous sommes tous dʼaccord quʼil soit sain de questionner ou même de confronter certaines idées. Dans ce cas, comme dans plusieurs autres, lʼélément important est le contexte. Si la conversation entre Erickson et Gillis était survenue dans un contexte privé, disons pendant une soirée entre amis, cela aurait été une tout autre histoire. Le point de vue de Erickson, bien quʼexprimé impoliment, nʼaurait été que cela : ses opinions partagées en privé. Mais cette conversation nʼétait pas privée. Elle était publique. Pire encore, cela était présenté comme étant de lʼinformation journalistique. La responsabilité professionnelle dʼErickson (tel que déclaré dans le code de déontologie de lʼACR du CCNR) est de sʼassurer que les nouvelles soient présentées « avec exactitude et impartialité ». LorsquʼErickson décida dʼabandonner son code de déontologie pour lancer des attaques personnelles envers Margie Gillis, elle a clairement démontré le pouvoir des médias, mais pas la responsabilité journalistique qui devrait lʼaccompagner. Cela nʼétait pas du journalisme.
Cʼétait du harcèlement.
Mais responsabilité journalistique ou non, lʼargument pour la liberté dʼexpression sans limites nʼa absolument aucun sens lorsquʼil est utilisé pour justifier des comportements agressifs. Pensez-y un peu : si un étudiant dans une école primaire sʼattaque à un autre, pouvons-nous accuser la victime dʼaller à lʼencontre de la liberté dʼexpression de son agresseur en lui demandant de cesser sa brutalité ? Cela voudrait-il dire que le directeur de lʼécole en question est contre la liberté dʼexpression sʼil décide de punir lʼélève violent ? Si la liberté dʼexpression nʼa aucune fin et que les partisans de Sun News peuvent accuser les artistes dʼêtre contre cette liberté en décidant de boycotter ce genre de journalisme, alors, en retour, les artistes devraient aussi pouvoir accuser les partisans de Sun News dʼêtre tout aussi fautifs pour les critiquer. Le résultat est une incessante spirale où nous sommes tous constamment dans le tort simplement parce que nous avons une opinion. La liberté dʼexpression à tout prix a le potentiel de détruire la valeur fondamentale du respect mutuel (ce qui constitue la base de notre société) et ne peut que mener au désastre : comportements abusifs, pensée totalitaire, ou pire encore, le silence total.
Maintenant, dans le contexte de la liberté dʼexpression, je peux comprendre les articles de Nathalie Elgrably-Lévy, même si je suis en complet désaccord avec eux. Nous vivons dans une société libre, et cʼest quelque chose dont nous pouvons être fiers. Mais je pense que le SunTV News Network représente une menace sérieuse à la démocratie, à lʼintégrité professionnelle, à lʼéthique politique, aux normes de base du journalisme canadien et, ironiquement, à la liberté dʼexpression. Nous devons absolument cesser ce journalisme agressif, partial, irrespectueux et méprisant dans notre pays le plus tôt possible. Lʼaccepter nʼest pas une option satisfaisante. Si vous ne me croyez pas, je vous invite à regarder la troublante entrevue avec Margie Gillis.
première partie
deuxième partie
Visionnez ensuite ce documentaire sur le canal Fox News aux États-Unis. Comme vous le constaterez, il est très facile de faire des rapprochements entre SunTV et Fox News.
Les campagnes anticulturelles ont autant d'impact sur certains secteurs de la population principalement parce qu'elles perpétuent de vieux stéréotypes sur le milieu des arts.
Bien que le repli sur soi-même soit une réaction naturelle devant l'adversité médiatique, nous devons comprendre que notre survie dépend de notre capacité de nous allier à ceux qui ont le pouvoir d'influencer le développement des arts dans notre pays. Ne pas le faire est un suicide culturel.
Alors, voilà. La guerre est commencée. Et nous devons nous rassembler. Nos armes : la connaissance, la créativité, lʼouverture dʼesprit, la sensibilité, la compassion, le travail dʼéquipe et lʼaction. Joindrez-vous nos rangs ? ~
Louis Laberge-Côté est un danseur, chorégraphe, professeur et répétiteur. Un ancien interprète avec le Toronto Dance Theatre et le Kevin O'Day Ballett Nationaltheater Mannheim, il est présentement pigiste à Toronto.
Je tiens à remercier Michael Caldwell, Renée Côté, Tara Gonder et Claude Lamothe pour leur aide à la rédaction de ce texte.
Pour prendre part à la lutte contre le SunTV News Network, suivez ces étapes faciles :
- Ne regardez jamais SunTV et évitez de visiter leur site Web puisquʼils reçoivent de lʼargent de leurs commanditaires chaque fois que vous le faites.
- Demandez au CRTC de retirer SunTV de la programmation de base du câble. Il est présentement réglementé que SunTV soit inclus dans la programmation de base du câble. Cela veut dire que votre câblodistributeur sera incapable de faire quoi que ce soit si vous lui demandez dʼenlever SunTV de votre forfait. Malheureusement, même si vous ne le visionnez jamais, SunTV fera quand même de lʼargent de votre poche, puisque vous payez pour le câble.
- Signez la pétition pour demander au CRTC de retirer SunTV de la programmation de base du câble.
- Si SunTV finit par ne plus être protégé par les règles sur la programmation de base du câble, demandez à votre câblodistributeur de le retirer de votre forfait. Notez que Vidéotron est une autre propriété de Quebecor.
- Joignez-vous au groupe Facebook « Boycott Sun News Network ».
- Informez les commanditaires de SunTV (vous trouverez une liste ci-dessous) que sʼils continuent de soutenir ce poste, vous boycotterez leur entreprise. Ceci est particulièrement efficace avec des compagnies à but lucratif telles que Québecor, propriétaire de SunTV.
- Écrivez à votre député et demandez-lui de discuter de ce problème à la Chambre des Communes. Le Canada est un pays démocratique où toutes les opinions devraient être exprimées avec respect et intelligence.
- Nʼenvoyez aucun message agressif à Erickson. Elle accumule ces messages pour prouver que le secteur culturel est rempli de gens haineux. ~
SunTV News Sponsors | Commanditaires de SunTV News
Acura : acura.ca/contact_us | acura.ca/contactez-nous
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Disney : disney.go.com/guestservices/contact
Honda : honda.ca/contact_us | honda.ca/contactez-nous
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Références
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- “Social Effects of Culture: Detailed Statistical Models”. Hill Strategies Research Inc., prepared by Kelly Hill and Kathleen Capriotti, July 2008
- “Valuing Culture: Measuring and Understanding Canada’s Creative Economy”. The Conference Board of Canada, in collaboration with Canadian Heritage, March 2008.
- “Factors in Canadians’ Cultural Activities”. Hill Strategies Research Inc., February 2008.
- “Provincial Profiles of Cultural and Heritage Activities in 2005”. Hill Strategies Research Inc., October 2007.
- “Cultural and Heritage Activities of Canadians in 2005”. Hill Strategies Research Inc., March 2007.
- “Consumer Spending on Culture in Canada, the Provinces and 15 metropolitan Areas in 2005”. Hill Strategies Research Inc., February 2007.
- “Artists in Large Canadian Cities”. Hill Strategies Research Inc., March 2006.
- “Artists in Small and Rural Municipalities”. Hill Strategies Research Inc., February 2006.
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- “A Statistical Profile of Artists in Canada”. Hill Strategies Research Inc., September 2004.
- “Arts and Culture Organizations in Canada”. National Survey of Nonprofit and Voluntary Organizations, Imagine Canada. Funded by the Government of Canada through the Voluntary Sector Initiative, 2006.
- “The Arts in Canada: Access and Availability”. Research Study Final Report, prepared by Decima Research Inc. for Canadian Heritage, March 2002.
- “Use or Ornament? : The social impact of participation in the arts”. Prepared by François Matarasso, 1997.
- “A Statistical Profile of Artists in Canada: Based on the 2006 Census”. Hill Strategies Research, 2009.
“Critical Evidence: How the Arts Benefit Student Achievement”. (National Assembly of State Arts Agencies, 2006) Hill strategies research, March 2011. - “Arts and Culture in Medicine and Health: A Survey Research Paper”. Cooley & Associates, April 2007.
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