Déclic 70 : vestiges documentaires
par Claire Moeder
photos : Olivier Bousquet
L’exposition Déclic 70 retourne sur les pas de la photographie documentaire au Québec. Au sein d’une galerie privée - la Galerie Sas -, hors des sentiers muséaux, le commissaire d’exposition Nicolas Mavrikakis revendique l’avant-propos d’une plus vaste rétrospective qui resterait à venir. Déclic 70 offre aujourd’hui un exercice de style où près d’une décennie d’engagement sociaux et esthétiques cohabitent grâce à l’œil photographique de onze artistes.
Déclic 70 réunit une sélection de clichés photographiques, réalisés entre 1969 et 1975 par plusieurs artistes affiliés à des collectifs québécois. Baptisés Photocell, Prisme, Groupe d’Action Photographique, Groupes des Photographes Populaires ou encore Plessigraphe, tous ont entrepris de se tenir au plus près de la réalité sociale. Ils s’attachent aux sujets les plus triviaux, en capturant les lieux anodins de la rue, des maisons ouvrières, des ateliers ou encore des rassemblements populaires. Si les choix de cadrage, de point de vue, ou encore de format, partagent des similitudes, l’exposition réaffirme également les particularités propres à chaque photographe au sein de la photographie documentaire québécoise.
Chacun s’est ainsi engagé vers une portée documentaire de la photographie, appuyée régulièrement par un texte ou un projet collectif (Une expérience humaine en photographie) qui entend en fonder le caractère social. Avec Plessigraphe tout particulièrement, où encore avec le projet Milton Park de Clara Gutsche, les photographes orientent leurs sujets vers les luttes sociales et s’impliquent au plus de la communauté. Le regroupement en collectif, qu’ont pu mener Michel Campeau (GAP) ou encore Jean Lauzon (Prisme) fonde un mode de travail où les photographes travaillent ensemble sur des thèmes sensiblement identiques : « Il ne s’agissait plus seulement de s’exprimer, mais bien d’exprimer les réalités qui nous entouraient, en travaillant tous sur un même thème. » (Jean Lauzon et Normand Rajotte, texte tiré de Transcanadienne Sortie 109, 1978).
Le caractère social vient constamment dominer la photographie documentaire de cette époque où le sujet collectif est crucial. Déclic 70 se veut être la vitrine sensible, qui fait écho au propos de Prisme qui affirme qu’« un ensemble dont les différentes parties n’ont de signification qu’en rapport avec les autres. L’utilité d’un portrait collectif est la même que celle d’un portrait individuel. » (Jean Lauzon et Normand Rajotte, ibid)
Le commissaire Nicolas Mavrikakis a composé différentes séries photographiques dans la galerie. Sectionné en plusieurs salles, alternant mur blanc et mur noir, le parcours n’est ni linéaire ni chronologique. Les séquences d’images sont regroupées par auteurs ou duos et viennent composer un accrochage simple, où les œuvres se succèdent sur une voire deux lignes. Le commissaire, qui a recherché un effet « d’accrochage très dense [qui] participe aussi à cette atmosphère plus intimiste », a voulu retourner à un accrochage tel qui se présentait durant les années 1970. La teneur classique de l’accrochage n’en est pas pour autant neutre. Elle semble garder jalousement les images à distance, les neutralisant dans un jeu de noir et blanc soutenu sur les murs dans une attitude esthétique forte sans être entièrement ostentatoire.
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