LAURENT LÉVESQUE
llevesque.com
Le Bleu du Ciel est un triptyque photographique basé sur le web créé en 2011. Sa réalisation fait appel à la technologie de la photo-bulle, un procédé de photographie panoramique généralement utilisé pour des usages documentaires.
Dans chacune des images du triptyque, les mêmes vingt-six sacs de plastique flottent dans un ciel bleu, sans astres, sans sol, sans horizon. La gravité, le vent et la lumière y modifient l’aspect de chaque sujet qui y prend une position, une forme et une luminosité différentes. Issues de la superposition de dizaines de clichés réels, ces images figées en plein mouvement apparaissent impossibles.
Le Bleu du Ciel est la continuité de ma recherche soutenue concernant les dualités entre le tangible et l’immatériel, entre l’objet et les forces de la nature. Cette notion d’immatérialité est approchée sous plusieurs angles dans ce projet, que ce soit par les tensions invisibles mais définitivement perceptibles entre air et gravité, par le bleu du ciel lui-même qui n’est que le résultat de la diffusion de la lumière solaire dans l’atmosphère ou encore par le mode de présentation strictement virtuel de l’œuvre.
Quant à eux bien tangibles, les vingt-six sacs de plastique deviennent, dans ces environnements inconcevables, d’accablants symboles sociétaux. L’ensemble compose une allégorie où chaque objet prend, dans chaque image une nouvelle forme imprévue sous l’impact de forces physiques invisibles.
Globalement, ma recherche aborde notre rapport aux objets, à leur représentation et à leurs symboles dans un contexte de crise écologique. Pour ce faire, je propose des représentations presque iconiques d’objets du quotidien à travers lesquelles interviennent ce que j’appelle des instants d’impact. Ce faisant, je tente de susciter une réflexion sur l’incohérence entre l’impact et la pérennité des activités humaines en soulignant leur caractère autodestructeur.
Décrite comme l’étude des déviations des dynamiques naturelles d’évolution aboutissant à des modifications des écosystèmes, la notion d’impact environnemental est le moteur de ma recherche. Je m’intéresse ainsi à notre rapport aux objets dans un cadre où leur impact devient mesurable.
Mon travail consiste donc à provoquer des impacts entre objets manufacturés et éléments physiques dans un contexte totalement artificiel et à en figer un instant précis pour ainsi styliser des instants de catastrophe. Ces impacts mettent en opposition le caractère extrêmement tangible des objets présentés, reproduits identiquement par milliers, et la nature hautement imprévisible des impacts eux-mêmes dont l’unicité est indiscutable. À mon sens, cette dualité propose une réflexion sur les nombreux impondérables générés par nos modes de consommation.
Parallèlement je développe un discours sur l’artificialité de la représentation de l’objet. Mes sujets sont notamment isolés de tout contexte matériel, c’est-à-dire de tout ce qui pourrait être perçu comme étant «leur environnement usuel». Ils sont mis en exergue de façon très primaire sur un aplat de couleur qui magnifie chacun d’eux par le vide, c’est-à-dire par l’absence de contexte. Cette décontextualisation tend à nier les propriétés utilitaires de l’objet, le transformant en théâtre d’un événement, d’une rencontre, d’un impact avec les forces de l’environnement. De surcroît, j’use d’une approche de truqueur en incorporant souvent à mes travaux des éléments qui semblent désobéir aux lois de la physique. Cette approche, en plus d’accentuer l’artificialité de la mise en scène, évoque l’état de désordre environnemental résultant systématiquement de l’objet manufacturé, de ses procédés de fabrication, de transport et de mise en marché.
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