François Quévillon : image mangeuse de temps
par Claire Moeder
photos : François Quévillon
L’exposition L’atomisation du temps de François Quévillon offre une combinaison lumineuse et audacieuse de l’espace et du temps. Nourries par la technologie, les photographies et les vidéos présentées à Occurrence à l’occasion du festival d’arts numériques Elektra, réinventent une chronologie inédite pour l’œil.
François Quévillon s’est approprié les différents espaces de l’exposition pour créer un parcours en deux moments distincts. Dans la première salle, une série de sept photographies, présentées dans des caissons lumineux grand format, et une projection vidéo déclinent des paysages urbains et des architectures. Les images sont striées de bandes de pixels colorés et semblent contaminées par un jeu numérique hasardeux. À première vue aléatoires et accidentées, ces lacérations sont en réalité produites à partir d’un processus précis. L’artiste a superposé plusieurs instants de prise de vue, ne retenant souvent qu’une part minime de quelques pixels pour chacune d’entre elles. Jusqu’alors isolés, les fragments d’images représentent les différentes strates de temps qui s’amalgament dans la photographie. François Quévillon offre au regard une chronologie sous une forme abstraite ; le temps est recomposé en un tissu de lignes minimales où seule persiste une vague information visuelle, à l’exemple d’une couleur ou un ton.
Rendu visible grâce à ce procédé de décomposition numérique, le temps dévore inéluctablement l’image. Le motif d’origine du bâtiment ou d’une rue reste pourtant perceptible dans cette première série d’images et le procédé ici mis en branle par François Quévillon n’élimine pas totalement le sujet. Il faut attendre l’installation vidéo dans le second espace pour découvrir toutes les possibilités visuelles de cet exercice chronophage. À l’extrémité de l’espace en sous-sol, un ensemble de petits écrans vidéo scande sur le mur des paysages abstraits. L’artiste a créé une séquence de différents ciels à partir d’images captées sur des sites et élaborées selon un protocole de prise de vue étendu dans la durée, pouvant aller jusqu’à plusieurs mois. L’image finale juxtapose et condense ces différents motifs jusqu’à la disparition de tout repère de temps ou d’espace. Devenu perméable à ses plus infimes variations, le paysage se désagrège jusqu’à l’abstraction la plus complète.
Avec la présentation de deux œuvres rétroéclairées, François Quévillon expose le premier versant d’un projet audiovisuel et interactif en cours. L’artiste recompose deux sites urbains – situés l’un à Montréal, l’autre à Orléans à partir de technologie 3D, mêlée à des techniques servant aux mesures spatiales et météorologiques du terrain. Il utilise ces données rassemblées dans la durée comme des signaux simples qu’il transforme en une constellation de points lumineux sur un fond noir. Comme autant de résidus lumineux, ils évoquent les expérimentations photographiques archaïques, à l’instar du photogramme, tout autant que les programmes complexes de modélisation virtuelle.
L’atomisation du temps recèle de ces expérimentations curieuses mises en place par François Quévillon sur plusieurs années. Combinaison de possibilités numériques et d’attention au détail fortuit du paysage, son travail ouvre une autre perspective de l’image. Si François Quévillon joue subtilement de la durée de la prise de vue et de ses déformations numériques, il exclue toutefois tout effet narratif ou cinématographique. L’artiste se refuse à un récit linéaire pour préférer une représentation mouvante et insaisissable, ou les images sont traversées par un flux continu de son ou de lumière.
Commentaires