Simon Bilodeau : à mesure du blanc
par Claire Moeder
photos : Simon Bilodeau
Avec Le monde est un Zombie, Simon Bilodeau propose de reconquérir le vaste espace de la Maison des arts de Laval par la voie d’un imposant conteneur. Œuvre monumentale et pivôt central de l’exposition, ce nouveau volet du travail de l’artiste prolonge sa vision éminemment scénographique.
Le Monde est un Zombie permet au spectateur de glisser son regard le long d’un conteneur, dont les hautes parois striées s’élèvent jusqu’au plafond. Simon Bilodeau n’a pas uniquement reproduit la forme originelle du conteneur, il a placé deux vantaux laissés volontairement ouverts d’où se déversent de nombreuses pierreries en miroir. En ouvrant une large brèche dans cette forme géométrique et massive, l’artiste détourne notre attention vers ce puit scintillant et crée l’illusion d’un déferlement de roches disproportionnées.
Simon Bilodeau se saisit de la promesse de l’exposition – s’approprier un espace vide et neutre à envahir – pour créer une contamination visuelle. La taille monumentale du conteneur qui siège au centre de la Maison des arts vient perturber les éléments et l’architecture alentour : son occupation de l’espace est profondément autoritaire. Plus encore, sa présence surélevée dans l’espace, sa taille et sa surface immaculée la rendent inadéquate à notre regard. L’installation révèle au spectateur un objet aberrant, à la fois forme tangible et fantasmée.
Le monde est un Zombie poursuit une stratégie de présentation chère à l’artiste, où se mêlent des œuvres de différentes dimensions, à la fois en volume et bidimensionnelles. La forme monumentale y prime toujours ; à l’image des expositions antérieures (Échecs luxuriants, Maison de la culture Frontenac et À la fin de l’arc en ciel / At the end of the rainbow, Galerie Art Mûr, 2010), l’artiste construit de nombreux espaces impossibles autour de socles et cubes démesurés, de grands panneaux verticaux ou encore de poutrelles blanches. Leur dimension artificielle s’affirme grâce à de nombreux objets rassemblés - pierres, diamants, lumières, surface peinte - à la facture lisse, exhibant un fini propre et immaculé.
Simon Bilodeau réalise des objets authentiques qui auraient été dénaturés par un geste à peine perceptible. Ses tableaux restés en suspens, laissent par exemple percevoir des étapes antérieures, à travers différentes couches de peintures ou des coulures présentes sur la bordure. La déclinaison de formes, quel que soit leur format, propose un clin d’œil permanent à la fabrication des objets. L’œuvre de Simon Bilodeau se place dans cet entre-deux de l’objet dont l’état nous échappe encore. L’artiste nous fait douter de l’état final des œuvres tout en maintenant leur illusion intacte.
Le monde est un Zombie est profondément marqué par un attachement à des matériaux privilégiés par Simon Bilodeau depuis plusieurs années : surfaces blanches, dégradés de gris, roches en miroir ou encore objets géométriques. Ces formes, dialoguant au sein de l’exposition, permettent d’expérimenter toutes sortes d’illusions optiques et de déconstruire les repères attendus face à une image exposée. L’artiste s’est attaché à diffuser et amplifier certains effets qui pourraient être considérés comme parasite pour appréhender les œuvres : les surfaces des miroirs se réverbèrent sur le mur et les tableaux attenants ; le conteneur est plongé dans une obscurité théâtrale tandis que son entrée est éclairée d’une lumière éblouissante. Objet scénographique, le conteneur devient une scène qui détourne de la sorte les codes de présentation muséale. De même, les tableaux sont volontairement intégrés dans un faux mur et replacés dans des cadres factices peints en dégradé de gris.
Simon Bilodeau se sert de l’artifice, instigué dans des moindres détails pour proposer une œuvre glissante, qui louvoie entre les stéréotypes – du monde de l’art et du design industriel - pour les offrir à notre regard curieux.
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