Daniel Barrow : contes rétiniens
par Claire Moeder
L’exposition Good Gets Better dévoile sur les murs de la galerie SBC un récit énigmatique, issu de l’univers graphique de Daniel Barrow. Le spectateur y découvre une imagerie grinçante et fantasmagorique où l’œil acéré de l’artiste vient marquer une distance critique face aux images.
Les dessins de l’exposition Good Gets Better laisse paraître à première vue un chaos organisé de détails et de couleurs variés. La succession de petits formats semble quelque peu placée en retrait de deux rétroprojections qui occupent les murs attenants. Pourtant, la force de détails de chaque dessin invite à se tenir au plus près de leur composition minutieuse.
L’artiste associe la technique de contours noirs sinueux à des formes colorées, à des collages ou encore à des textes insérés en différents points dans les œuvres. Daniel Barrow opère à partir de différents papiers découpés puis assemblés, qu’il superpose en cinq à six couches différentes. L’image apparaît dans l’épaisseur d’un feuilletage graphique, provoquant ainsi des effets de textures et de densité surprenants. La planéité du dessin s’en trouve annulée et détournée par les jeux de matière du collage. Elle vient également rencontrer les effets de transparences et de superposition créés par le montage visuel sur rétroprojecteur.
Les séries de dessins Good Gets Better et Every Time I See Your Picture I Cry représentent la phase figée de l’œuvre de Daniel Barrow. Celle-ci constitue l’origine de son travail graphique sur laquelle prennent ensuite appui ses performances, ses œuvres vidéo et ses projections qu’il réalise à partir de calques imprimés. L’artiste intègre les dessins selon diverses manipulations manuelles, rappelant le cinéma primitif des lanternes magiques ou encore les techniques de projection amateur. Manipulés par l’artiste -dans le cas des vidéos et performances- ou encore par le spectateur, invité à bouger les claques des rétroprojecteurs, les dessins offrent tout un potentiel d’animation qui nous plonge aux sources de l’image en mouvement.
De la bande dessinée à l’enluminure, les œuvres de Daniel Barrow traversent une grande variété de sources graphiques. Elles composent un foisonnement de motifs décoratifs, de personnages souvent proches de grotesques et de phylactères écrits sur des feuilles lignées. Ces éléments coïncident afin de générer des images denses, que l’artiste puise à partir de multiples références, à la fois livresques et populaires. Si les images sont issues la culture visuelle d’aujourd’hui, elles sont également proches de l’expressionnisme flamboyant des enluminures médiévales ou encore de l’expressionnisme allemand des groupes Die Brücke et Der Bleue Reiter.
Au sein de l’exposition Good Gets Better, une tension sous-jacente prend place dans les scènes où s’articulent pulsions sexuelles et mortifères. Les œuvres sont peuplées de corps contorsionnés ou déstructurés, de personnages enfantins ou des nus traités sur un ton acerbe. Extraites d’une imagerie personnelle sans concession, les icônes créées par l’artiste rencontrent tour à tour les registres du macabre, du drame et de la vision hallucinée.
Au creux de ces récits quotidiens mêlés à des scènes fantasmées, Daniel Barrow fait surgir l’univers d’un conte. À l’image de ces histoires atemporelles, il tire la puissance d’évocation de son œuvre de l’inconscient collectif et d’archétypes qu’il démantèle avec la plus grande minutie.
PERFORMANCE: Mercredi 16 mars 2011, 19 h
Every Time I See Your Picture I Cry
au Musée d'art contemporain de Montréal, Salle BWR
Gratuit (en anglais)
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