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Dans un ordre revenu. Rien d’autre ne peut m’arriver que d’exister.
Marguerite Duras, Hiroshima mon amour
Rabih Mroué a débuté sa pratique au début des années 90 dans le Liban de l’après-guerre. Axé sur la représentation de la mémoire tant individuelle que collective, son travail s’interroge finalement sur la valeur de la vérité, les faits et la fiction, leur représentation et par extension leur médiatisation. Dans les œuvres vidéo ici réunies, Mroué fait figure de témoin, de chroniqueur, de narrateur et met en jeu le rôle de l’artiste dans un contexte sociopolitique porté à son paroxysme par une absence de consensus tant sur le passé que sur l’avenir de son pays.
Déployant un discours très actuel sur la représentation, Mroué soulève la question du réalisme et des diverses formes de médiation entre le sujet, le propos, de même que l’instigateur de la représentation ou son incarnation et le monde. Les œuvres de Mroué dissèquent, déconstruisent et accentuent des bribes du passé récent du Liban et, en brouillant les pistes entre identités individuelle et collective, en effacent toutes traces tangibles. Fondamentalement, l’artiste cherche à faire sens du présent plutôt que de l’histoire en adoptant une position délibérément subjective, toujours proche de son histoire personnelle. En donnant forme sur le plan esthétique au politique, Mroué propose une alternative à l’histoire. Une bifurcation de celle-ci hors des systèmes narratifs usuels – voire autorisés – qui va à l’encontre de ce que plusieurs ont nommé « l’amnésie sélective » officielle. Une alternative à l’histoire aussi propre, puisqu’elle contextualise la violence actuelle, à offrir un contrepoint à la couverture médiatique partielle des pays de l’Ouest. Comment raconter autrement que par une subjectivité médiatisée l’histoire d’une violence récurrente refoulée ? Violence qui s’insinue au quotidien et perpétue sournoisement un climat d’incertitude, d’anxiété. Anxiété qui n’émane pas nécessairement de la guerre ou de son souvenir, d’un présent endeuillé, mais plutôt de l’institutionnalisation des méthodes de documentation de l’histoire posées comme représentations objectives.
In a re-established order. Nothing more can happen to me except to exist.
Marguerite Duras, Hiroshima mon amour
Rabih Mroué began his artistic career in the 1990s in post-war Lebanon. His work, organised around the representation of memory, both individual and collective, is in the end an exploration of the value of truth, fact and fiction, their representation and by extension their mediation. In the video works presented here, Mroué plays the role of a witness, a chronicler and a narrator who places the artist’s role in a socio-political context taken to its paroxysm by an absence of consensus on both the past and the future of his country.
Employing a keenly up-to-date discourse on representation, Mroué raises the question of realism and the various forms of mediation between the subject and content and between the instigator of the representation —or his or her embodiment— and the world. Mroué’s work dissects, deconstructs and accentuates bits and pieces of Lebanon’s recent past and, by confusing the paths between individual and collective identity, eliminates all tangible traces of them. Essentially, he tries to make sense of the present rather than of history by adopting a deliberately subjective position, one always close to his personal history. By giving form to politics on an aesthetic level, Mroué proposes an alternative to history, a bifurcation of history outside the usual —or authorised— narrative systems, which run in opposition to what many people describe as official “selective amnesia”. An alternative to history that is also suited, because it contextualises today’s violence, to counterbalancing the partial media coverage of Western countries. How other than through a mediated subjectivity to tell the story of a repressed, recurring violence? A violence that permeates everyday life and cunningly perpetrates a climate of uncertainty and anxiety. An anxiety that does not necessarily emanate from war or a memory of war, from a grieving present, but rather from the institutionalisation of methods of documenting history which are presented as objective depictions.
Ainsi, ce n’est pas la contemporanéité du moment relaté qui nous intéresse dans les œuvres de Mroué mais plutôt la reconstruction médiatisée, subjective, de la réalité, seule apte à exposer une certaine vérité, à infléchir sa propre légitimité.
Tu n’as rien vu à Hiroshima, rien. J’ai tout vu. Tout… Tu n’as rien vu à Hiroshima. Je n’ai rien inventé. Tu as tout inventé. Tu n’as rien vu à Nevers, rien.
Tu n’as rien vu à Beyrouth, rien.
Installation, vidéo et bannière, Agora de la Cinémathèque québécoise
Noiseless (2008)
Une coupure de journal relate les circonstances de la disparition de Rabih Mroué. Un portrait de l’artiste, s’assimilant au lot des disparus, s’estompe graduellement, entre absence et présence, pour laisser place à d’autres disparitions. Les traces douloureuses du passé s’estompent graduellement, jusqu’à être totalement oblitérées de la mémoire sociopolitique.
+ Programme vidéo, salle Fernand-Seguin
Durée 55 minutes, en version originale arabe avec sous-titres anglais
La projection commence à l’heure juste
Face A Face B (2001), 10 min
De retour de Cuba, Manuel, le frère de Mroué, a écrit en 1978 une chanson sur un air russe. Le jeune Rabih et lui l’ont répétée, enregistrée, puis envoyée à leur frère Abou Salam, alors installé en URSS. Un film métaphysique sur la nature de la mémoire et du savoir, de la vue et du son, de la preuve et de l’identité, du souvenir et de la survie.
With Soul / With Blood (2003), 11 min
Ayant rêvé à maintes reprises qu’il tombait sans jamais s’écraser, Rabih Mroué émet l’hypothèse que si, en rêve, le corps touche effectivement le sol, on meurt dans la réalité. L’artiste et écrivain Jalal Toufic postule plutôt que si le corps endormi n’atteint jamais le sol, c’est qu’il est cadavérique et que sa chute par conséquent sera infinie.
I the Undersigned (2007), 7 min
La guerre civile a officiellement pris fin au Liban en 1990 et jusqu’à aujourd’hui, aucun des responsables, dont certains toujours au pouvoir, n’a présenté ses excuses au peuple libanais. Comme nombre de ses concitoyens, Rabih Mroué a attendu ce moment en vain. Il y va donc ici de ses propres excuses pour ce qu’il a fait durant la guerre. Entre confession et excuses la différence est grande, et ceci n’est pas une confession.
On Three Posters (Reflection on a performance in video with writer Elias Khoury) (2000), 18 min
Œuvre réalisée à partir de trois prises d’un testament vidéo, à l’origine destiné à la télévision, enregistré par un kamikaze du Front national de la Résistance libanaise (1982-1987) juste avant de commettre son attentat. Une réflexion, une discussion sur les difficultés rencontrées par Khoury et Mroué lors des représentations sur scène de On Three Posters.
What We Know of Beginnings (2003), 2 min
Loin du culte du souvenir, d’une tentative de mémorial, cette œuvre se fonde sur la représentation et le récit comme gestes politiques. Rabih Mroué en dit : Je ne raconte pas afin de me souvenir. Au contraire, je le fais pour m’assurer que j’ai oublié. Ou à tout le moins pour m’assurer que j’ai oublié certaines choses, que celles-ci ont été effacées de ma mémoire.
Acteur, metteur en scène, dramaturge et artiste, Rabih Mroué (1967) est établi à Beyrouth, où il est né. Entre théâtre, performance et arts visuels, sa pratique multiple et complexe conjuguant disciplines et formats divers a fait de lui une figure clé au sein de la nouvelle génération artistique du Liban. Abordant sa réalité immédiate au moyen de la fiction et de l’analyse rigoureuse, Mroué explore la question de la responsabilité de l’artiste communiquant avec le public dans un contexte politique et culturel donné. Ses œuvres abordent les cicatrices persistantes laissées par la guerre civile et les récents événements politiques au Liban, questions balayées sous le tapis dans le climat politique prévalant actuellement. Son travail a fait l’objet de nombreuses expositions, notamment au BAK Utrecht (Pays-Bas), à Performa 09 (New York), à la biennale d’Istanbul 2009, au Queens Museum of Art (New York), au Casino Luxembourg, au Centre Pompidou et à la Tate Modern (Londres). Mroué est le récipiendaire 2010 d’une bourse de la Foundation for Contemporary Arts (New York) ainsi que du Spalding Gray Award.
À SURVEILLER! La Galerie Leonard & Bina Ellen présente RABIH MROUÉ « MAKE ME STOP SMOKING + THE INHABITANTS OF THE IMAGES »
Deux conférences non académiques livrées successivement le samedi 29 janvier 2011 à 19 h, au MAI (Montréal, arts interculturels), 3680, rue Jeanne-Mance.
Billets 10 $ disponibles au MAI: 514 982 3386
Dazibao remercie l’artiste et la Galerie Leonard & Bina Ellen de leur généreuse collaboration ainsi que ses membres pour leur soutien.
Dazibao reçoit l’appui financier du Conseil des Arts du Canada, du Conseil des arts et des lettres du Québec et du Conseil des arts de Montréal. Dazibao est membre du Regroupement des centres d’artistes autogérés du Québec.
It is thus not the present-day quality of the moment described that interests us in Mroué’s work, but rather the mediated and subjective reconstruction of reality, the only thing suited to exposing a kind of truth and to inflect its own legitimacy.
You saw nothing in Hiroshima, nothing. I saw everything. Everything… You saw nothing in Hiroshima. I didn’t make anything up. You made everything up. You saw nothing in Nevers, nothing.
You saw nothing in Beirut, nothing.
Installation, video and banner, Agora of the Cinémathèque québécoise
Noiseless (2008)
A newspaper clipping relates the circumstances of Rabih Mroué’s disappearance. A portrait of the artist, sharing the lot of the disappeared, gradually fades out, between presence and absence, to give way to other disappearances. Painful traces of the past gradually fade away to the point of becoming completely obliterated from socio-political memory.
+ Video program, Fernand-Seguin Cinema
55 minutes, in Arabic with English subtitles
The projection starts on the hour
Face A Face B (2001), 10 min
Returning from Cuba in 1978 Manuel, Mroué’s brother, wrote a song set to a Russian tune. He and young Rabih rehearsed it, recorded it, and sent it to their brother Abou Salam, then living in the Soviet Union. A metaphysical film about the nature of memory and knowledge, of sight and sound, of evidence and identity, and of remembrance and survival.
With Soul / With Blood (2003), 11 min
Having dreamt countless times that he was falling without ever hitting the ground, Rabih Mroué hypothesises that if one’s body falls to the ground in a dream then one dies in reality. The artist and writer Jalal Toufic believes instead that if the sleeping body never reaches ground it is because it is cadaveric and, as a result, its fall will go on forever.
I the Undersigned (2007), 7 min
The civil war in Lebanon officially came to an end in 1990, and to this day none of those responsible, some of whom are still in power, has apologised to the Lebanese people. Like many of his fellow citizens, Rabih Mroué has waited for this moment in vain. He thus presents here his own apology for what he did during the war. There is a great deal of difference between a confession and an apology, and this is not a confession.
On Three Posters (Reflection on a performance in video with writer Elias Khoury) (2000), 18 min
A work made out of three “shots” in a video will, originally made for television by a suicide bomber with the Lebanese National Resistance Front (1982-87) just before his suicide bombing. This piece offers thoughts on and discussion of the difficulties encountered by Khoury and Mroué during presentations on stage of On Three Posters.
What We Know of Beginnings (2003), 2 min
Far from the cult of remembrance, from an attempt to create a memorial, this work is founded on representation and narrative as political gestures. Rabih Mroué says of it: I don’t recount events in order to remember. On the contrary, I do it to assure myself that I have forgotten. Or at least to assure myself that I have forgotten certain things, that they have been erased from my memory.
Rabih Mroué (b. 1967) lives and works in Beirut. Mroué is an actor, director, playwright, and visual artist. His complex and diverse practice, spanning different disciplines and formats in between theater, performance, and visual arts, has established Mroué as a key figure in a new generation of artistic voices in Lebanon. Employing both fiction and in-depth analysis as tools for engaging with his immediate reality, Mroué explores the responsibilities of the artist in communicating with an audience in given political and cultural contexts. His works deal with issues that have been swept under the rug in the current political climate of Lebanon, connected to the enduring marks left by the Lebanese Civil War as well as more recent political events. Recent exhibitions include: BAK Utrecht (Netherlands); Performa 09 (New York); 2009 Istanbul Biennial; Queens Museum of Art (New York); Casino Luxembourg, Centre Pompidou (Paris) and Tate Modern (London). In 2010 Mroué was awarded an Artist Grant from the Foundation of Contemporary Arts, New York and the Spalding Gray Award.
NOT TO BE MISSED! The Leonard & Bina Ellen Gallery presents RABIH MROUÉ « MAKE ME STOP SMOKING + THE INHABITANTS OF THE IMAGES »
Two non-academic lectures performed successively on Saturday January 29, 2011 at 7 p.m. at MAI (Montréal, arts interculturels), 3680, rue Jeanne-Mance.
Tickets 10 $ available at MAI: 514 982 3386
Dazibao thanks the artist as well as the Leonard & Bina Ellen Gallery for their generous collaboration and its members for their support.
Dazibao receives financial support from the Canada Council for the Arts, the Conseil des arts et des lettres du Québec and the Conseil des arts de Montréal. Dazibao is a member of the Regroupement des centres d’artistes autogérés du Québec.
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