« CHROMA, ECSTASY, TELEOLOGY »
jusqu'au 27 fév | until Feb 27
Maison de la culture de Notre-Dame-de-Grâce : 3755 Botrel
« La couleur est le lieu où notre cerveau et l’univers se rencontrent. » Paul Cézanne1
Les abstractions exubérantes de Mirana Zuger sont remarquables par leur cohésion et leur perpétuel mouvement interne. Elles créent un lien entre les peintures pariétales de Lascaux et les tableaux impétueux de Lee Krasner, entre la fièvre sémiotique de Barthes et les graffiti fébriles de Banksy. Dans les faits, il s’agit de cartes du ciel limpides où sont consignés le désir et les phénomènes extatiques, des entités ludiques qui exhalent une joie pure et qui sont des huiles sur toile. Zuger saisit avec une immédiateté enviable toute la présence sensuelle du vécu et nous offre, par-dessus tout, une expérience parfaite de la couleur, affranchie de toutes formes de médiation.
C’est avec la couleur que Zuger célèbre la vie à sa manière. Si ses champs picturaux constituent l’index primaire d’une expérience de vie, il se dégage de leur gestualité inhérente une impression de vivacité surnaturelle. Le chromatisme, telle une sève ambrée s’écoulant de l’Arbre de la Vie, capte la mémoire et l’expérience, alors que son langage de signes en empêche la vitrification.
“Colour is the place where our brain and the universe meet.” Paul Cézanne1
Mirana Zuger’s exuberant abstractions are remarkable for their cohesiveness and incessant internal flux. They bridge Lascaux cave walls and the restless paintings of Lee Krasner, Barthes’s sign fever and Banksy’s feverish graffiti. In effect, they are limpid constellation maps of desire and ecstatic phenomena – buoyant integers of pure joy in oil paint on canvas. Zuger captures with enviable immediacy all the sensuous presence of the lived world and offers us, above all else, an unalloyed experience of colour freed from any and all forms of mediation.
Colour is Zuger’s personal way of celebrating life. If her fields constitute a primal index of a life lived, their inherent gestures lend them a sense of seeming preternaturally alert. Chroma, like amber sap from the Tree of Life, entraps memory and experience while her sign language ensures that no vitrification takes place.
Une luminosité, typique de l’approche de Zuger, dégouline de la partie supérieure de la toile après l’avoir franchie puis en être déferlée. Comme une résine végétale, la lumière et la couleur produisent une archéologie chromatique étagée, une concrétion dans le temps qu’on doit peler comme un oignon pour la révéler. Sa palette est éclatante, voire incandescente. C’est comme si elle nous offrait une vision du paradis terrestre sous la lumière du premier jour. Une spiritualité est à l’œuvre et en jeu ici, de même qu’une reconnaissance de l’extase réelle ou possible de la sensation.
Le philosophe français Maurice Merleau-Ponty a déjà affirmé que notre première réaction à la couleur est pure et simple. Il a avancé que notre perception initiale de la couleur ne passe pas par l’intermédiaire d’une culture ou d’un savoir préexistant. Si nous réagissons à une nuance de rose d’une certaine manière et à une nuance de bleu d’une autre, c’est parce que ces couleurs contiennent cette réaction. La couleur nous donne un accès direct à la vérité du monde. Dans un de ses ouvages, Merleau-Ponty cite Paul Klee : « [La couleur] nous amène au plus près du cœur des choses2. » Travaillant le chromatisme comme mode de dévoilement d’une vérité perceptuelle et inventant des signes comme instruments d’excavation pour accéder directement à des significations sans intermédiaire, Zuger mise sur notre réaction sensuelle à la couleur et vise le légendaire « cœur des choses ».
Mirana Zuger met à mal la notion voulant que la peinture soit en quelque sorte régie par une téléologie à la Clement Greenberg, c’est-à-dire la quête « ultime » d’une pureté absolue de support et de forme. Elle est résolument une praticienne de la peinture abstraite tout en étant extrêmement liée à l’expérience vécue. Et sa quête diffère dans son approche. Elle fait sienne la sensualité de la couleur pure. Elle nous montre que la vraie téléologie réside dans la couleur en soi, qu’elle a une voix qui s’exprime par la couleur et qui pourrait bien nous servir de guide pour sortir des ténèbres.
traduction Colette Tougas
Zuger’s signature luminosity trickles down from above just as it surges up and through from below. Like a vegetal resin, the light and the colour enable a tiered archaeology of colour - an accretion over time that must be peeled away like an onion’s layers and revealed. Her palette is radiant, even incandescent in its mien. It is as though she offers us a vision of the terrestrial paradise in the light of a first day. There is spirituality at work and play here, and an acknowledgement that sensation is or can be ecstatic.
French philosopher Maurice Merleau-Ponty once held that our first response to color is pure and unadulterated. He argued that our primary perception of color is unmediated by extant knowledge or culture. If we respond to a certain hue of pink in one way, and a certain blue in another, it is because those colours hold that response. Color affords us direct access to the truth of the world. As Merleau-Ponty quoted Paul Klee: “Turning back to colour has the advantage of bringing us closer to ‘the heart of things.’ ” (2) Working chroma as a way of unveiling perceptual truth and building signs as excavating instruments in order to reach unmediated meanings, Zuger insists on the sensuous response to colour and seeks the fabled “heart of things”.
Mirana Zuger puts paid to the notion that painting is somehow governed by a Greenbergian teleology, which really means the ‘end-of-the-line’ pursuit of absolute purity of medium and form. She is a resolutely abstract painter yet one wed at the hip to the life-world. And her pursuit is different in kind. She embraces the sensuousness of pure chroma. She shows us that the real teleology is in the chroma itself, that it has a voice that expresses itself through colour, and one that might well show us all the way out of darkness.
James D. Campbell
Endnotes
1. Maurice Merleau-Ponty, The Primacy of Perception, edited by James M. Edie and William Cobb (Evanston, Ill.: Northwestern University Press, 1964), p. 180.
2. Maurice Merleau-Ponty, The Merleau-Ponty Aesthetics Reader: Aesthetics and Painting, edited with an introduction by Galen A. Johnson, translation editor Michael B. Smith (Evanston, Ill.: Northwestern University, 1993), p. 41.
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