grâce à la connivence de Nathalie Guimond, une bonne amie journaliste ;) j'ai obtenu un bref entretien par courriel avec Marc Séguin, un artiste montréalais bien en vue ces dernières années qui produit des œuvres à la fois singulières et de son temps
RDV : Les personnages qui habitent tes œuvres sont souvent très sombres et on peut y percevoir comme du cynisme ou une certaine amertume (comme dans plusieurs pratiques contemporaines); est-ce qu'il s'agit d'un choix esthétique personnel seulement ou est-ce le reflet d'une société plus égarée que jamais?
MS : Dans le meilleur des cas, j'espère que c'est le reflet de quelque chose qui nous entoure. Le rôle de l'artiste, on semble l'oublier, c'est aussi de faire de l'art, pas divertir. Et faire de l'art c'est filtrer (à travers des mailles personnelles) le temps et l'époque qui nous porte. Je ne crois pas faire de cynisme quand on cherche à rejoindre la partie sensible et critique d'un spectateur. Le cynisme est une rhétorique d'accusation qui pointe du doigt avec un sourire condescendant. Il y en a beaucoup en art contemporain, c'est juste, mais c'est aussi mince comme approche. On peut faire mieux.
Le côté sombre, je l'assume. C'est cette part de "nous" que je souligne. J'aime aussi l'idée de l'amertume parce qu'elle sous-entend une déception, et c'est un droit fondamental que de pouvoir exiger du meilleur. Ce n'est pas par la technologie que l'on peut mesurer l'évolution d'une espèce mais plutôt par sa capacité à faire face aux enjeux primaires et à l'émotion intelligente : survie, reproduction, mort et le désir d'explication de son identité. L'art est une tentative. Et j'exclurai consciemment de la liste amour et invention du bonheur !!! Que je laisse à la tivi.
RDV : On a souvent entendu que la peinture est morte, avec le festival peinture extrême organisé par Ben Klein et René Blouin cet été, on sent bien que ce médium est loin d'avoir un pied dans la tombe ; qu'est-ce qui fait que la peinture demeure centrale en arts visuels (comparé à la photo, la sculpture, etc.) d'après toi?
MS : La peinture est simple. Il y a longtemps que nous connaissons ses codes. L'objet et sa forme sont compris. Il reste le propos, qui lui, si il est intelligent, traversera encore bien des siècles sur son dos.
En 2010, ça fait du bien de savoir que la peinture est une forme qui défie le temps. Pas besoin d'être pris en otage (par le temps justement, ou par une batterie qu'il faut recharger) pour y avoir accès. Tout est donné en un flash. Un rectangle et une intention cloîtrée. On connaît le cadre. Pas besoin d'expliquer la forme pour s'y retrouver.
Et puis, un avis bien personnel, j'aime bien quand elle a un pied dans la tombe: me semble que trop souvent, c'est quand la chose va mourir qu'on se sent finalement le plus vivant.
RDV : Quel(s) conseil(s) donnerais-tu à de jeunes artistes qui désirent faire « avancer » leur carrière?
MS : Travailler. Vivre à fond. Arrêter de se mentir. Personne ne mange huit portions de légumes par jour.
Faudrait comprendre que ce qui rend quelqu'un pertinent c'est sa capacité personnelle à être universel. Cesser de faire comme l'art que l'on aime, mais faire celui que l'on peut faire. Il faut désirer pour avancer. Faut se jeter à soi-même ses propres bouées sur lesquelles on se guidera. Faut vouloir simplement. Le reste; l'atelier, les rencontres, l'alcool, les lectures, les expositions, la faim, les doutes constants, et les réponses aux questions, ce ne sont que des codes. Faut avoir et savoir dire les choses. Ou du moins, en avoir l'impression.
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